Pierre de Cordova | Tapisserie/ Mosaïque (3/3)

Ma journée est faite
Demain je quitte Paris
Le silence du guépard vs
Le troupeau des sensations

La fonte des neiges qui finissent dans l’Aubrac est Tapisserie, le nom invisible de ma mère sous le nom disparu de mon père est Tapisserie

Il n’y a que les trains pour soulager la vie.

Tout corps qui se meut rapidement teinte son parcours de sa propre couleur.

Le sentiment
que rien
n’est proche
s’éloigne

Il n’y a plus de sentiments.

J’écris sur mon profil Tinder :
Meule de foin
dans parking souterrain
cherche pour les jours isolés
une vérité qui ménage les fleurs
Merci de confirmer l’inscription aux manèges ;))


Elle gratte la
sève je bois
l’écorce. Tout
est confondu. Le
désir et la
sexualité d’une
veuve.


Devant l’écran du mac, je cherche des bouvreuils, des sangliers et la forêt noire de Google maps.
Je reçois une notification,
Tu réponds c’est élégant un mouchoir,
C’est comme Schubert quand on est enrhumés,
Ça fait pleurer

Tu as un faux pli dans la tête
Ton front se déploie en accordéon
Quand tu ris de mes sarcasmes.

Crépitement au sommet qui s’arrête à la pointe
J’en reviens
Dans les différentes pierres bleues de ta lave sexuelle.

La neige sur les branches
tient si peu sur les feuilles
Le moindre vent saupoudre
le bonnet des passants

On remonte le cours du Lot
(ça sent la terre mouillée)
Comme on changerait le cours d’une vie
Tu as dans ta poche des tics tacs à la menthe
On marche contre le vent et nos épaules se touchent
Presque rien ne démarque
Le silence qui nous sépare de l’action.

Des heures au téléphone avec ton père.
Impossible de t’interrompre.
« Je papote avec papa ».

Tu sors dans le jardin pour vérifier l’intuition d’une couleur
Le bleu ébloui qui écrase le regard.

Tu as découvert le parfum à mon contact et l’usage d’un cintre pour une robe.

Tu traces encore à ton âge
des formes rectangulaires
sur le carreau.
Et tout me surprend depuis la vitre où je te regarde jusqu’au hamac où tu te balances. Bloc d’azur mouvant.

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Chère amour,

Il y eut toujours des iguanes sur le point d’aller et venir dans les forêts vierges de nos acacias.

Avant toi,
J’ai écrit la même lettre à tous ceux que j’ai un peu aimés, non que le sentiment amoureux soit toujours le même, mais je craignais de me répandre ailleurs que dans le livre, dépenser inutilement une énergie qui m’aurait manqué devant la vraie feuille.
Je brûlais à vide et sans matière solvable.

Je pourrais t’écrire que les choses arrivent ainsi et que je t’aime de toutes beautés
Pour celles qui sont présentes et
Pour toutes les sources qui ne meurent dans la bouche d’aucune fontaine
Je t’aime de toutes beautés et de justesse (la justesse comme le rythme n’est pas séparable d’une signification)
Pour le cours des choses, le cours des fleuves et celui du monde, pour me dépêtrer de moi, pour desserrer le poing, la lumière entre dans la main et retient de la cendre le bleu de l’autre jour

Je vide le ciel
et l’orage
Je laisse en miettes
Le brun sur la table
Ta matière suante
Et l’éclatement d’abondances

Les chansons montent. Les chansons d’amour.

Certaines images reculent à ton approche
Les autres clignotent

On va derrière le vent
Où l’air est calme
C’est une cathédrale
le bloc de pierre qui crève le ciel.

Tu sais parfois une horde de singes débarquent dans mes gestes et empêchent l’arrivée de la douceur.

Je t’aime comme
Personne avant ne t’avait jamais aimé
Personne ne t’a jamais aimé

Pierre

PS : Je préfère Nicolas de Staël à tes petites conneries de Chardin et de Morandi.
Plus je me regarde, plus je me ressemble, on l’a un peu profond, il n’y a pas de réciprocité, les vivants ne manquent pas aux morts.

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Le ciel agrafe la terre
dans un rougeoiement
inquiet

Le jardin clôture
le vert sur lui-même

Derrière le bosquet
Un martinet s’allonge et respire de tout son corps maigre
Il jette son doigt sur la tempe et disparait pensivement.
Il a deux trous rouges etc…

Tapisserie
Es gibt le gibier bleu de Georges Trakl
dans les motifs sournois de William Morris.

Tapisserie,
Une guitare est désaccordée
sur un sol couvert de neige.

Et dans le feu gitan où s’ouvre la porte
Tapisserie
Les rameaux qui craquent
sous l’épreuve du ciel

J’aurais voulu te dire ça :

Voilà je veux être objectif.
La couleur bleue aurait dû être le fil rouge.

Quand tu rentreras tu verras
J’ai posé sur la nappe
Les derniers fruits d’une corbeille :
Un abricot mûr et une poire d’Anjou
(genre Chardin)

29 septembre 2023
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