Estelle Fenzy Soual | La mort est un banc d’autoroute

Cette image, je l’ai prise début janvier 2014. Passant devant ce petit parc, j’ai vu ce banc déserté. Puis, après quelques pas, j’ai fait demi-tour, j’ai attendu quelques instants. Et j’ai pris cette image. Un peu inquiet, un peu terrifié. Et plus tard, un peu amusé me rendant compte que l’image (celle vue, celle prise) était une surface de projection. Ce qui avait vacillé en moi était l’idée de la disparition. Parce que j’ai toujours été très ébranlé et inquiété par les chaussures laissées dans la rue, souvent au bord d’un trottoir, par les vêtements étalés dans l’absence des corps sur d’autres trottoirs ou routes des villes. Mais l’on pourrait sans doute envisager d’autres interprétations, d’autres chemins d’imagination...
J’ai donc soumis la photographie autour de moi à différents auteurs avec comme proposition la saisie libre de cette image. Voici donc une variation d’écriture et de lecture.

Sébastien Rongier


Estelle Fenzy Soual | La mort est un banc d’autoroute







La mort est un banc d’autoroute


En béton humide grelottant

Empoissé de mousse aux pieds


On est parfois fatigué tenté de s’asseoir

Mais toujours quelque chose

Arrête le mouvement


Se figer là

Risquer la bascule des jours

Tronquer le reste du devant soi


Renverse des arbres écimés nus

Des feuillages au sol saturés d’eau boueuse

De la persistance malgré tout de l’envie


Alors on s’immunise

On détourne la tête

De la boîte vide

Du papier froissé

De la veste manchot

Du sac sur le flanc

De tout ce qui peuple ce banc

Et en fait l’omission


On poursuit son chemin

Remonte dans la voiture

Tourne la clé dans le contact


Après tout

On ne fait que passer





Estelle Fenzy Soual





On retrouve l’ensemble des contributions ici.

17 juin 2014
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