Estelle Fenzy Soual | La mort est un banc d’autoroute
 
Cette image, je l’ai prise début janvier 2014. Passant devant ce petit parc, j’ai vu ce banc déserté. Puis, après quelques pas, j’ai fait demi-tour, j’ai attendu quelques instants. Et j’ai pris cette image. Un peu inquiet, un peu terrifié. Et plus tard, un peu amusé me rendant compte que l’image (celle vue, celle prise) était une surface de projection. Ce qui avait vacillé en moi était l’idée de la disparition. Parce que j’ai toujours été très ébranlé et inquiété par les chaussures laissées dans la rue, souvent au bord d’un trottoir, par les vêtements étalés dans l’absence des corps sur d’autres trottoirs ou routes des villes. Mais l’on pourrait sans doute envisager d’autres interprétations, d’autres chemins d’imagination...
J’ai donc soumis la photographie autour de moi à différents auteurs avec comme proposition la saisie libre de cette image. Voici donc une variation d’écriture et de lecture.
 
 
 
 
 
 
 
 La mort est un banc d’autoroute
 
 
 
 En béton humide grelottant
 
 Empoissé de mousse aux pieds
 
 
 
 On est parfois fatigué tenté de s’asseoir
 
 Mais toujours quelque chose 
 
 Arrête le mouvement
 
 
 
 Se figer là 
 
 Risquer la bascule des jours
 
 Tronquer le reste du devant soi 
 
 
 
 Renverse des arbres écimés nus
 
 Des feuillages au sol saturés d’eau boueuse
 
 De la persistance malgré tout de l’envie
 
 
 
 Alors on s’immunise 
 
 On détourne la tête 
 
 De la boîte vide 
 
 Du papier froissé
 
 De la veste manchot 
 
 Du sac sur le flanc
 
 De tout ce qui peuple ce banc 
 
 Et en fait l’omission
 
 
 
 On poursuit son chemin
 
 Remonte dans la voiture
 
 Tourne la clé dans le contact
 
 
 
 Après tout
 
 On ne fait que passer
 
 
 
 
 
 
 
 
 Estelle Fenzy Soual
 
 
 
 
 
 
 
 
 
On retrouve l’ensemble des contributions ici.