Fictions beyrouthines et autres citadines (11)
XI
Dans la nuit beyrouthine, un homme-chaos débarque dans un pays en déshérence. Hesham impose sa loi mais personne ne l’entend. La douceur de l’air retrouvée ne l’apaise pas. Il sent toujours une précipitation vaine en lui ; un Christ en croix effondrée à terre et des cris qui ne sortiront jamais des gorges ; et qui le Prophète appelle-t-il dans la nuit ? Hesham se dit qu’il a quitté le paradis pour retrouver l’enfer. Le taxi le dépose rue Kassab et il s’effondre sur son lit, ne sait plus d’où il vient et où il va. Il sent les regrets monter en lui avec un sommeil intranquille. Et cela le rassure un instant d’éprouver un sentiment qu’il pensait éteint, s’étonne qu’un soupçon de délicatesse effleure son esprit avant d’affronter demain. Mais il ne faut pas s’amollir ; surtout garder le cap, faire semblant encore. Ses rêves mélangent les langues ; les lumières septentrionales qu’il a quittées et les lueurs de Beyrouth irisent la nuit qu’il redoute, les mers et les océans s’envahissent et se confondent. Le monde bascule, Hesham le sait, Hesham le sent.
Il lui faudrait une autre enfance. L’aube beyrouthine glisse sa lumière puissante dans la chambre retrouvée. Hesham ne sait pas si l’angoisse du matin est différente de celle du soir. Il a toujours voulu être ailleurs, surtout quand la guerre tonitrue dans la ville et qu’on a caché l’enfant qu’il fut dans les collines. Il y a quelque chose à atteindre qu’il ne connaît pas. Il est déchiré entre l’envie de liberté et l’envie de loi. Il ne sait pas comment les accorder.
La voix d’une femme parfois lui donne à toucher un tiers-lieu. Mais le monde s’effondre. C’est trop tard.
Comment se tenir dans le monde basculé ?
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