John Giorno / La Sagesse des sorcières
Présence du poète John Giorno en France cet automne avec un livre, des lectures et une expo.
Rennes, début octobre. John Giorno est sur scène. Debout, en jeans et tee-shirt, souffle soutenu, corps chargé de grande énergie, chaloupant sur les planches étroites d’une péniche amarrée près du canal Saint-Martin, il dit, malaxe, martèle des textes qui oscillent entre chroniques et bribes récentes.
Il entame ce soir-là, à l’occasion du festival Les bruits du monde, une tournée en France. En même temps sort, chez Al Dante, son dernier livre, La Sagesse des sorcières. C’est par un extrait de cet ouvrage qu’il débute. Texte central et précis, titré La mort de William Burroughs.
« William mourut le 2 août 1997, un samedi à 6h30 dans l’après-midi, de complications dues à une attaque cardiaque massive qu’il avait subie la veille. Il avait quatre-vingt-trois ans.
J’étais avec William Burroughs quand il mourut et ce fut l’un des meilleurs moments que j’ai passés avec lui. »
Suit une lente énumération de tout ce qui fut mis dans le cercueil de l’écrivain... Du « 38 spécial à canon court, cinq coups, chargé » - le fameux L. Courtaud qu’il a gardé « à sa droite, sous le drap, toutes les nuits pendant quinze ans » - à la veste marocaine offerte un quart de siècle plus tôt par Brion Gysin en passant par sa « canne-épée en noyer d’Amérique » et son bandana rouge, sans oublier un stylo, un joint et une dose d’héroïne...
Si John Giorno (né en 1935 à New York) est bien l’un des derniers rescapés de la Beat Generation, il est aussi celui qui n’hésite jamais à témoigner, quitte à choquer ou à déplaire. Quand il provoque (il ne s’en prive pas, y compris dans La Sagesse des sorcières, il le fait avec malice, passant la réalité quotidienne (ses routines, ses émotions) au crible. Il la décrypte par fragments, en usant de la répétition, en mâchant, en mixant faits et gestes ordinaires, en mettant, en fait, à nu tout ce qui nous conditionne.
Ecouter (voir) Giorno interpréter ses textes en public prend parfois des allures de rencontre physique. À Rennes, celle-ci dura une bonne heure. L’auteur (en sueur et vanné) donnant ensuite carte blanche au livre pour la prolonger.
Un grand merci à Gérard-Georges Lemaire, l’inlassable traducteur - de Giorno et de bien d’autres - qui a publié l’an passé (également chez Al Dante) Beat Generation, une anthologie, un livre de 400 pages, somme remarquable et essentielle pour mieux circuler dans les méandres d’un mouvement littéraire hors-normes.
Dans l’actualité Giorno, signalons, outre les lectures et la parution du livre, l’expo prévue à la galerie du jour, Agnès b. (44 rue Quincampoix, Paris 4) du 10/11 au 24/12/05.