L’Espace du poème, entretiens

Pressé par les questions de l’écrivain Dominique Sampiero, Bernard Noël éclaire L’Espace du poème, cet "événement informel".

Extraits de la préface rédigée par Dominique Sampiero


Dans un poème, où est-on ? On est sur un territoire qui a recueilli les traces d’un événement. J’aime à penser qu’un poème est comme un événement naturel. L’événement que provoque une force naturelle. Un orage, par exemple. Un orage verbal. Cet orage verbal laisse des traces qui sont les vers du poème. Mais quand le lecteur prend le poème, c’est lui qui devient le territoire de l’événement verbal. Un événement dont sa lecture provoque la répétition, mais pas à l’identique, bien sûr. Le poème est une sorte d’événement informel.

Une invasion, une logique du corps tout court si l’on considère aussi la solitude, le doute, l’éveil mystique : celui qui écrit avec l’outil brut de sa vie et de son regard, avec ses manques, son impuissance, cherche un espace que ni les autres ni l’époque ne peuvent lui donner : un espace vital.

[...]

Ce qui nous perturbe dans l’affect, c’est qu’il nous dilate dans le désir, et que toute notre part féminine s’ouvre, attend, réclame cette invasion. Cette fusion.

Autant le poème donne corps à cette attente, autant il efface les contours, et cette figure, clôturant une forme, devient le centre d’une ouverture, d’un éveil.

Ce n’est plus un regard couché dans un livre, c’est une oralité. Vibration et énergie. Le corps d’une lenteur cherche sa gravité pour ne pas totalement se volatiliser. Ou se volatilisant pour révéler l’espace de sa disparition.

[...]

Dans l’éternité et la modernité du poème, Dieu bifferait rageusement son nom. La métaphore prendrait le relais du symbole pour rendre compte d’une énergie qu’on hésite aujourd’hui à appeler amour.

D. Sampiero

in L’Espace du poème, B. Noël et D. Sampiero © POL, 1998.


Lire aussi "L’Acte du poème", texte de Bernard Noël qui fait suite aux entretiens avec D. Sampiero.

13 mai 2005
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