L’âme de Walker Evans

L’ambition principale des photographies de Walker Evans fut de s’absenter de ses images, de ne pas les marquer de son sceau, de s’effacer, pour rendre justice et voix à ses sujets. En cela il ne serait pas faux de penser que l’oeuvre entière de Walker Evans est un échec puisque jusque dans ses dernières images, le photographe n’est jamais entièrement traversé par ce qu’il photographie. Il n’est pas impossible que Walker Evans ait pu avoir un comparable sentiment d’insatisfaction de son travail, ce qui expliquerait en partie ce corpus pléthorique, qui serait alors celui d’un homme en quête d’un idéal toujours plus fuyant. Mais il n’est évidemment pas question ici de soutenir pareille ineptie : le travail de Walker Evans est dans la droite lignée de celui d’Eugène Atget et, à bien des points de vue l’oeuvre de Walker Evans prépare celle de Robert Frank, on est ici davantage dans le secret des dieux de la photographie.

Ce que voulait Walker Evans, c’est faire oeuvre de documentation, il a fait bien plus que cela, certes il a produit un inégalable document sur son époque, et notamment les années du New Deal dans l’Amérique rurale, mais il a surtout donné une âme à cette même époque, son âme, précisément en ne parvenant pas à s’effacer tout à fait devant son sujet, par excès de compassion sans doute.

31 juillet 2005
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