La Disparition, chapitre 4
Chapitre 4
Au guichet, de la compagnie maritime, on me dit que tous les bateaux du jour étaient pleins. Et il ne restait plus que 5 places dans le premier du lendemain. Sinon, tous les autres embarquements étaient complets. Les garçons ont beaucoup pesté dans la voiture. Sept heures du matin ! Il faudrait se lever à six heures pour être au port à l’heure dite ! C’était inhumain pour des vacances. Et de se demander pourquoi ils iraient dans cet endroit qu’ils connaissaient déjà. Pourquoi donc j’avais eu cette idée ? Je leur ai dit que leur père ou oncle ne pouvait pas prendre ses vacances aux jours prévus. Et qu’il fallait donc s’occuper avant leur venue. Et maman ? demanda Paul. Je me rendis compte que j’avais oublié de l’appeler pour savoir si elle venait au jour dit, sans Alexandre. J’ai formé immédiatement son numéro sur mon portable. Elle avait été avertie par Alexandre, en effet, elle viendrait en train. Mais pas le lundi. Le mardi, elle n’avait pas encore pris de billet et ne connaissait pas l’heure du train. Elle me rappellerait dès qu’elle saurait. On pouvait encore théoriquement prendre la navette de 7 heures. Malgré leurs récriminations, je maintins. Avec une petite concession. On pourrait emmener leur copain Pierrot. Ils s’empressèrent de lui envoyer un SMS. Il devait répondre vite pour qu’on achète les dernières places disponibles. Mais la réponse ne tarda pas à tomber : ses parents ne voulaient pas. La mine renfrognée des garçons suffit à clore le débat. Bon. On n’irait pas. On passerait une journée tranquille. En attendant d’aller à la gare le mardi chercher Solange.
Le lendemain commença comme prévu. Grasse matinée pour tout le monde. Vers onze heures, le téléphone du salon sonna. Je pensais que c’était Alexandre ou Solange. Mais au bout de la ligne, je n’entendis quasiment rien. Et la personne raccrocha. La sonnerie retentit à nouveau, j’attendis quelques secondes pour décrocher. La voix d’Huguette très basse me dit : Désolée de vous déranger. Mais Pierrot a disparu. Nous sommes très inquiets. Vous ne l’auriez pas vu ? Il ne serait pas chez vous ? Je ne pensais pas tomber sur vous. Ne deviez-vous pas passer la journée aux iles ? Je n’ai pas votre numéro de portable. On a trouvé votre téléphone dans les pages blanches. « Pages blanches » fut suivi d’un long silence. Je lui dis que non Pierrot n’était pas chez nous. Quand avaient-ils constaté sa disparition ? Depuis une demi-heure. Ils ne l’avaient pas trouvé dans sa chambre pour l’appeler pour le petit déjeuner. Ils avaient immédiatement suivi le chemin qui va à la plage en espérant le dépasser ou le croiser et en criant de toutes leur forces son prénom. Et il n’était pas sur la plage non plus, au demeurant peu fréquentée. Ils ont malgré tout longé sur 500 m la plage autour de l’endroit où le chemin arrive tout en continuant de crier son prénom. Là, ils ont commencé à paniquer, et sont rentrés chez eux. Pour voir si à tout hasard il n’était pas revenu d’une petite escapade anodine. Mais dans l’appartement le silence était complet, pas de Pierrot. Huguette a alors prononcé Pierrot doucement, dans le désespoir et l’incrédulité. Ils ont inspecté de fond en combles toutes les pièces (chambres, salle de bain, toilettes, séjour - cuisine), balcon. Rien. Ils ont même été voir dans la voiture. Toujours pas de Pierrot. Et c’est alors qu’ils ont pensé à m’appeler. Ne faudrait-il pas aller à la gendarmerie faire un signalement, une alerte pour disparition inquiétante ? ai-je tout de suite suggéré. Je savais où le bureau de gendarmerie se trouvait, je pouvais passer les prendre pour les y conduire. En espérant que lorsque je serais là, Pierrot serait revenu d’une quelconque course. J’ai appelé les garçons, qui avaient fini par se lever et que j’entendais dans leur chambre. Je leur ai demandé s’ils avaient vu Pierrot depuis hier soir. Ils m’ont regardé avec curiosité. Ben non. Pourquoi ? Je les ai informés que ses parents m’avaient appelée pour me dire qu’il avait disparu. Que j’allais les conduire à la gendarmerie. Qu’ils soient sages en m’attendant. Et qu’ils gardent bien leur téléphone portable branché.
J’ai foncé jusque chez eux par la rue principale du village. Je n’ai jamais roulé aussi vite dans la localité. Ils m’attendaient, debout devant le portail B Goélands. Je n’ai pas éteint le moteur. Ils sont entrés sans un mot. On est repartis immédiatement. Cela faisait presqu’une heure maintenant qu’il avait disparu. L’antenne de gendarmerie se trouve à la sortie de la station balnéaire dans un quartier neuf comportant entre autres une mairie construite récemment, un nouveau bâtiment de poste et une antenne de Pôle emploi. Les locaux de la gendarmerie présentent un comptoir pour les visiteurs, quelques chaises pour « salle d’attente », un couloir mène vers des bureaux. Un homme accueille les personnes derrière ce comptoir. Ils ont commencé à parler tous les deux ensemble et l’homme les a arrêtés en disant qu’ils ne comprenait rien. C’est Jacques alors qui a repris. Notre fils de 12 ans a disparu. Il n’était pas dans sa chambre ce matin quand on l’a appelé pour le petit déjeuner. On est allés voir sur la plage en suivant le petit sentier pédestre qu’on emprunte d’habitude. On ne l’a pas trouvé. Cela fait maintenant une heure. Le gendarme a écouté avec intérêt et compassion le récit de Jacques. Voilà qui ne devait pas leur arriver souvent. Il a invité à le suivre dans le couloir des bureaux. Je me suis dirigée vers les chaises en plastique beiges. Mais Jacques a demandé si je pouvais les accompagner. L’homme m’a toisée, et a fait un signe oui de la tête. J’ai donc assisté aux échanges entre eux et le gendarme.