La ville est là

« Parmi ceux qui ont décrit Paris, Balzac est, pour ainsi dire, le primitif ; ses personnages sont plus grands que les rues dans lesquelles ils circulent. Baudelaire est le premier qui ait évoqué la mer des immeubles avec ses vagues hautes de plusieurs étages. Peut-être en corrélation avec Haussmann. »

Walter Benjamin (Paris, capitale du XIXe siècle)



La ville est là. Elle tient sa place en creux des souvenirs. La ville est là, exaspérante. Elle est autour, avec et en nous. Elle est là. On la porte. Des traces qui tremblent dans les plis de la mémoire et de l’écriture.

Quelle ville ? Celle où l’on attend un train, un autobus, un silence qui déchirerait le bruit. C’est le beau texte Attendre que nous a proposé Frédéric Lefebvre.

« pour chaque mot il possède un silence, il le laisse durer, il le cultive, lui donne plus d’ampleur, derrière chaque mot qui traîne il trouve un silence nouveau », répondrait
Rémi Froger (le cahier de création de la Revue d’automne 2 est particulièrement riche… et vous aurez remarqué que celle-ci a changé de rythme ; désormais un nouveau numéro tous les deux mois). Les fragments du Routes, repérages de Rémi Froger s’enroulent en abyme d’asphalte autour des personnages, et de leur déroute.

Martine Drai poursuit son
journal parisien : errance métropolitaine, regard sur la ville ; ce qui ne change pas, ce qui s’effondre, ce qu’on voit et ceux qu’on rencontre.

C’est l’histoire d’une photographie, et le temps qui passe dans les regards. C’est la photo que l’on regarde et le regard qui voit la photo. Chantal Anglade prendrait des photographies, celles d’avant. Les
Photos d’avant seraient le sujet. Mais il s’agit de regard « pour parvenir en hauteur à un espace pour les yeux, les lumières de la ville sont orange comme dans un port au loin ».

La ville, encore. La ville et son étirement. Dans
Jusqu’où la ville… Fabienne Swiatly et les photographies de Jean-Pierre Maillet tissent des extensions, déplient des instantanés urbains aux marges des habitudes, au bord de nos misères.

Reprenons : la ville, l’attente, les images, les photographies, l’errance et le regard. Baudelaire pourrait nous le rappeler au début du poème « A une passante » :

« La rue assourdissante autour de moi hurlait »


Mais n’inventons aucune paternité, aucune fraternité, tissons seulement à partir du hasard puisqu’en effet l’on pourrait tenter un point de convergence, un fil de hasard autour de Walter Benjamin.

A l’occasion de la sortie du livre Walter Benjamin, le chiffonnier, l’Ange et le Petit Bossu de
Jean-Michel Palmier aux éditions Klincksieck, remue.net a proposé un dossier sur Jean-Michel Palmier.
On y retrouve trois extraits de la somme inachevée de Palmier sur Benjamin (Sur Berlin et Proust, sur la critique, sur Baudelaire et sur les passages).

On lira également quelques extraits de Fragments sur la vie mutilée de J.-M. Palmier chez Sens & Tonka, des éléments bibliographiques, une très belle évocation strate d’un souvenir pour Jean-Michel Palmier par Florent Perrier ainsi qu’une
balade photo dans les passages.

« Dans l’haussmannisation de Paris, la fantasmagorie s’est faite pierre. » rappelle Benjamin dans Paris, capitale du XIXe siècle. Mais ces passages sont-ils encore parisiens ou désormais benjaminiens ? Malgré toutes les recherches entreprises, on n’a pas trouvé de passage « Walter Benjamin » à Paris. C’est parce qu’il est, au creux des pages de ses livres, une constellation.

La ville est donc une présence comme une constellation intime et oubliée, à l’image de ces géométries sous lumière déclinante de François Bon que l’on retrouve dans
le tiers livre.

On n’oubliera pas de lire le texte de
Dominiq Jenvrey, et sa fiction théorique ExTension de L’EXP.TOT. qui pose en regard la langue théorique et celle de création.

Et dans le domaine de la production artistique, Catherine Pomparat, dans la série de ses Chroniques toujours séduisantes, nous entraîne dans le dédale de Thierry Kuntzel.

Mentionnons la recensionde Ronald Klapka :
musiques, variations sur la pensée juive d’Olivier Revault d’Allonnes, , chez Bourgois dont la collection de poche s’enrichit à un rythme soutenu (Olivier Revault d’Allonnes fut, entre autres choses, directeur de la Revue d’Esthétique qui consacra un important numéro à Walter Benjamin !).

Que faire à Paris le 28 novembre 2006 ? Aller au concert. Aller écouter l’ami Fred Griot et son concert
BIMS.

Quant à la vie sur Internet qui bouillonne, juste un lien, un fil vers Laurent Grisel qui propose une lecture de « PP » comme polypropylène dans Libération.

Et puis,
Beckett n’est-il pas soudain présent, lorsque l’on ne s’y attend pas, dans la ville même ?

18 novembre 2006
T T+