Le wagon immobile d’Achères
La mère tient à la main la casserole blanche ornée de fleurs oranges. Toutes ces vieilles casseroles au fond noirci des années 60. Son tablier sent le beurre et la sueur. Hanches amples. Elle a la même largeur des épaules aux chevilles gonflées. Stable. Les cheveux remontés en chignon. Une vraie gravure de livre pour enfants des éditions Fleurus, des ouvrages qui fleurent bon le cul béni. Elle est un peu voûtée. Adaptée au plafond bas du wagon. Elle a la taille de ceux qui vivent en caravane, en camping car, dans des habitats trop petits.
Le café crépite encore dans sa casserole, toujours trop chaud ce café, brûlant à vous réduire en cendre la glotte. Elle vient de le retirer du feu, et yeux mi-clos, patiemment, est sur le point de se retourner pour le servir à table. Moment calme après les joutes du repas. La digestion apaise les convives et on se réconcilie autour d’un café. C’est le moment des confidences. Celui où le père, assis en bout de table, va dire : « Voilà le rouge-gorge, il vient toujours nous voir à la même heure ». A l’aise, il relève son bas de poésie et dévoile ses féminités.
On croise les jambes, on rejette le buste en arrière, on se détend. On refonde le noyau, avant de se séparer, chacun vers sa vie. Arrive le temps de la contemplation, de l’instant calme vu au travers de la fumée du café. C’est la pause. Les temps paysans ne sont pas loin, qui savent savourer la pause autour de la grande table en chêne, les muscles endoloris et encore chaud du travail aux champs, mais la gorge déployée sur un rire sans dents.