Littéralité du slogan
(La souris se rapproche de la statue.)
La « foule solitaire » dans la ville (voir Richard Sennett) devient, quand l’événement est dans l’air, un corps collectif aspirant, chantant, imaginant. La joie s’y manifeste comme ensuite parfois la peur : aventure à double face, Janus des manifestations.
L’invention des slogans en rappelle alors une autre, le pouvoir est dans la tête des marcheurs, collégiens, lycéens, étudiants, salariés, chômeurs, sans-papiers, clandestins... Avant de partir, de descendre dans la rue, ils ont soigneusement écrit sur leurs pancartes, leurs panneaux, leurs visages mêmes, ce qu’ils n’acceptaient pas, ce qu’ils désiraient : leur élan bourgeonne, le mouvement irrépressible démarre souvent au mois de mars.
On relèvera plus tard les multiples traductions faites ces dernières semaines d’un sigle gouvernemental à trois lettres, soudain devenu la cristallisation de la révolte actuelle.
Grâce à lui, observons qu’une certaine démarche de combat est passée de nouveau au stade ludique du détournement des concepts officiels : la musique des mots, éphémère, spontanée, soit la littéralité du slogan, deviendra-t-elle un jour un délit ?