MAGIC TOUR

MAGIC TOUR
Suzanne Doppelt & François Matton.
Éd. l’Attente, 2012

sur le site Éditions de l’Attente

sur site de François Matton

Suzanne Doppelt aux Éditions P.O.L

François Matton aux Éditions P.O.L

Suzanne Doppelt sur remue.net

Onze dizains diversifiés disent MAGIC TOUR


Le lexique et des énoncés utilisés dans ce catapoème sont directement et indirectement empruntés aux "légendes" [au sens de écrites à la main et devant être lues] qui vont avec les dessins [au sens de dessinés à la main et devant être vus] et avec les images (photographiques) [au sens de prises à l’appareil et devant être mises en regard] du livre MAGIC TOUR publié par Suzanne Doppelt et François Matton aux éditions de l’Attente.

Textes, dessins et photographies font ensemble et séparés des sortes de vignettes qui font des sortes de planches intitulées qui font un "poème visuel" et un "livre d’artistes" [au sens large qui prend le large dans le livre de référence : Esthétique du livre d’artiste : 1960-1980 : une introduction à l’art contemporain, aux éditions Mot et le reste et dont l’auteur Anne Moeglin-Delcroix parle ce jour au « 91 », rue Porte-Dijeaux, à Bordeaux, à la librairie Mollat ]

À la manière d’un "imagier" [au sens de faiseur de textes et d’images] MAGIC TOUR est un recueil de mots, de phrases, de dessins et de photographies qui se figure qu’il peut faire tenir ensemble les pages d’un livre qui joue à la « petite encyclopédie illustrée » en étant tout le temps débordé par un langage de signes écrits & dessinés identiques en leur fond et différents en leur tréfonds bipolaire.

 

MAGIC TOUR

Le secret des quatre yeux
est une seule voix
une phrase visuelle au sens large
des dessins qui prennent le large
un vaisseau fantôme qui dérive
une planche qui fait la planche
des petits gestes qui valent la peine
— Tu vois qu’elle me remarque à contre-tangage
et du langage
comme les planches d’un radeau.

LE VIN DES CHIFFONNIERS

Le dessin me donne un visage
la phrase en fabrique un autre
l’image n’est pas n’importe quel vin
pour que l’eau s’y mélange
pour que l’assemblage se fasse
il faut verser la langue la première
le sens du liquide [la matière] fluctue
sous le poids de l’huile
du langage œnologue
la phrase coule.

LA FEMME 100 TÊTES

La femme douce au goût
devient acide à la digestion
sa tête s’entête derrière sa face à facettes
— et alors ?
boire trois fois par jour
une infusion d’herbe rouge
la transformation en feuille d’automne est sûre
la phrase est impossible à prononcer
sans le langage
de la scripture devenue confiture [de cassis].

LA FIN DES TEMPS ORDINAIRES

Un microphone répète
une phrase qui dessine
un escalier roulant sans roues
— et bé ! mon cochon
t’as le ventre plus gros que les yeux

du mot à l’image et du sens au dessin
les pages font la planche
elles prennent tout le temps
du langage
et le squelette d’une mouette clique noir sur blanc & blanc sur noir.

LE FOND NOIR (SOMPTUEUX)

Le merveilleux nuage
un vrai index pointé sur le point de la carte
« points & reprises » indique l’œil du bout des doigts
c’est le nuage que la phrase aime le mieux
— ça arrive ? [trois fois oui]
rêver d’une langue de terre
tirée du fond
et jaillie du tréfonds
qui parle les signes gris
d’un langage rétinien
et d’un dialecte de grigris.

RALLUME [S’IL VOUS PLAÎT]

Le temps est gris
les esprits de plume et d’air planchent
les pastilles du ciel font la fête
mets-toi une bonne fois dans la tête
que c’est comme le téléphone
je cause | tu écoutes | j’ai fini de parler | tu parles | moi j’écoute |
— comment veux-tu que je sache
quand tu as fini d’écouter ?

le langage entretient des rapports avec le rythme
l’accent tonique sauve le son d’un cri de chat.

LE TOURBILLON

Le déluge [pas la genèse]
contraint le poème à nommer
chaque espèce d’animaux
— animal — animal — animal !
la phrase les loge dans des rectangles
un bigorneau a le cœur qui bâtit
au moins deux fois plus vite
un vent héraclitéen métamorphose une grenouille
non non pas deux fois le même langage
l’ombre verte de l’herbe rouge frisonne sans fin

DES RELATIONS [ENTRE... et ...]

La limite d’une durée est
une forme oblongue
il y a d’autres circonstances
et la même phrase revient
elle traverse jusqu’à la fin
et montre le temps avec l’espace
le lieu d’une chambre (photographique) signe les traits tirés
d’un côté et de l’autre
le langage sent la fumée du poème
— L’herbe rouge⁄Des pieds tournés⁄Le ventre plus gros⁄Le tourbillon est⁄Les ombres vertes⁄2 fois au moins⁄Dans la circonférence d’un cercle ⁄Le même qui revient

JEAN DE LA LUNE [COMES BACK AROUND]

La même qui revient
c’est la rose trémière
Artémis reprend toute la place
et les usages de l’archer
du coup l’arc ne vise plus rien du tout
sauf un halo autour de la lune
la flèche ne court pas dans la nuit
pour décrocher l’aura
elle laisse venir le langage comme il vient
le monde est un point rond c’est tout

UNE FIXATION SANS APPUI

Tout recommence à parler
Tout recommence à dessiner
toute image tourne sept fois sa langue
sur une langue de papier [tue-mouches]
sous le pont des tribulations
se balance une ritournelle
une histoire de sardines
impossible à digérer
— al lenguaje de las sardinas
el gato a resucitado
marramiau miau miau miau

UNE FABLE [LE LIEU DES SIGNES]

“Je” planche
la mer énorme
les flots en colère
les grands mots et les petits dessins
une table molletonnée montée sur pieds de puce
pour mieux sauter
les coups du dessin
sans priver le sens du sens
sans perdre la matière du langage
« une puce voulait se faire aussi grosse qu’un hêtre
quand un obus d’imagier la fait éclater »

13 novembre 2012
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