Pedro Kadivar | Quarante-deuxième nuit d’été
Il se dit que, probablement, bien que ne décidant pas de sa mort mais ne la désirant pas pour demain, d’autres visages viendraient encore s’y superposer, ceux de lui-même qu’il ne connaissait pas encore, ceux d’hommes plus mûrs, d’âges plus avancés, et sans doute celui de lui-même mort qu’il ne connaîtrait pas de son vivant, sans que pour autant les autres perdent de leur présence en lui, de leur vivacité, de leur envol ou de leur souplesse. Et il se dit encore que par chaque visage nouveau il verrait autrement tous les autres, son enfance et son visage du naissant, que chaque nouvelle couche géologique portait à son engendrement la promesse d’un vierge paysage intérieur où jamais aucun regard ne s’était posé, une autre image de cette montagne faite de strates multiples mais qui changeaient de couleur et de forme à la genèse de chaque nouvelle, et, lui, faisant ainsi face à un nouvel homme en lui-même, tout en reconnaissant le battement du temps et la pérennité de la terre en lui.