Programme des rencontres
Librairie-galerie Le Monte-en-l’air — 71, rue de Ménilmontant / 2, rue de la Mare 75020 Paris — 01 40 33 04 54 — Métro Ménilmontant, bus 96
Le programme complet
Graphsm !
Lassés du travail de commandes ces deux graphistes se sont pris en main et ont décidé de s’impliquer dans des projets personnels où leurs compétences et leurs envies pouvaient se conjuguer pleinement. Expérimentateurs curieux et désinvoltes, ils s’approprient les outils modernes pour développer leurs univers en toute indépendance, sans jamais oublier de collaborer avec d’autres pour enrichir leur pratique.
Sukrii Kural
Ce graphiste belge est avec le dessinateur François de Jonge un des deux cerveaux aux commande de Super structure, un micro-éditeur bruxellois qui publie des petits livres et un fanzine éponyme contenant bd et dessin dans un style moderne et brut de décoffrage. Un projet qui met au centre la notion d’expérimentation à travers l’impression, l’encre, le papier et la reliure. La matière de l’objet imprimé est la préoccupation majeure de Sukrii Kural. Il travaille de manière étroite avec des dessinateurs (c’est une des caractéristiques de sa démarche). Le dessin devient une matière à transformer par l’alchimie de la mise en page et de l’impression. Depuis 2015 il réalise des affiches remarquées pour le musée bruxellois Arts et marges.
Raphaël Garnier
Graphiste et dessinateur, fasciné par Illustrator qu’il considère comme un jeu vidéo, il développe au départ son univers graphique de manière vectorielle. Une pensée géométrique
constituée de formes simples en noir et blanc qui se combinent dans des rapports tendus. Il a ainsi créé un système formaliste dans lequel il peut faire rentrer toutes ses envies : dessiner une typo, éditer un livre, réaliser un film d’animation, produire des motifs textiles ou encore inventer une histoire. À travers le nom La Trance - terme générique qui englobe l’ensemble de ses pratiques artistiques - il développe un univers graphique singulier rempli d’éléments minéraux et végétaux synthétisés dans lequel il n’exclut pas de mettre en scène des personnages.
La lettre dans la BD — Mercredi 19 avril -
On considère que la bande dessinée est apparue en 1827 sous l’impulsion du suisse Rodolph Töpffer. Prenant conscience de ce qu’il a inventé et qu’il appelle à l’époque « Littérature en estampe », il va théoriser dessus. Il comprend très vite les potentialités de cet art et explique dans ses écrits l’importance de la graphie de la lettre, la manière dont elle doit fonctionner en symbiose avec le dessin et être dessinée du même trait. La bd ne cessera de développer une relation intime entre images et textes, développant une esthétique et des codes qui influenceront le graphisme et l’esthétique pop. Jamais analysé, le champ esthétique du dessin de la lettre dans le 9ème art est cependant très vaste. Il ne faudrait pas oublier le rapport qu’entretient cet art à l’objet imprimé. On essaiera de débroussailler le sujet en analysant les liens étroits qu’entretiennent depuis toujours la bande dessinée et la publicité, ainsi que la fétichisation de l’esthétique des comics ou des vieux illustrés qu’on observe un peu partout. On passera en revue code et manière de mettre en scène les mots dans les cases.
Placid
Dessinateur issu de l’underground apparu à la fin des années 70, son style oscille entre l’aquarelle de peintre du dimanche et un dessin aussi frénétique qu’expérimental, signe de son ouverture à 360°. C’est aussi un spécialiste de l’ombre, amateur éclairé de design graphique et de bande dessinée.
Thomas Gabison
Connu pour son travail chez Actes sud à la tête de la collection bd, il est de manière souterraine l’instigateur de plein de petits projets artistiques et culturels à la limite des pratique amateurs. Il a souvent mis ses talents de graphiste discret au service de projets modestes : pochettes de disques, maquettes de journaux associatifs et autres. Sa connaissance de la bd, du dessin et des enjeux éditoriaux, lui permette de porter un regard pointu sur l’histoire de la bd.
La Nouvelle Typographie — 10 mai
Cette appellation fait référence à un courant de pensée graphique théorisé par un personnage clé, le graphiste et typographe allemand Jan Tschichold. Il publie en 1928 un ouvrage éponyme à la fois manuel et manifeste qui va devenir un texte fondateur dans l’histoire du design graphique et qui ne cesse encore aujourd’hui de fasciner praticiens et amateurs éclairés. Cette nouvelle typographie prend sa source dans les recherches modernistes des grands noms du Bauhaus. Ses préceptes sont, de manière très résumée : l’utilisation de typos linéales, de compositions asymétriques, un usage fonctionnel de la couleur et une standardisation des formats. La nouvelle typographie se répand dans une Allemagne en plein essor économique où les supports de communication et la presse se développent à grande vitesse. Elle va ensuite se diffuser en Europe, et avoir une influence importante jusqu’à aujourd’hui.
Victor Guégan
Enseignant l’histoire du design Graphique à l’ÉSAD d’Amiens. Proche de la maison d’édition B42, spécialiste de Jan Tschichold, il est titulaire d’une thèse de doctorat en histoire de l’art sur le modernisme graphique en
Allemagne.
Design graphique dans l’Entre-deux-guerres — vendredi 2 juin
Dans les années 1920 en France, le mouvement des Arts Décoratifs se fait l’expression de la modernité et des progrès techniques. Son essor rapide culmine avec la grande exposition de 1925. Son influence est particulièrement visible dans le domaine de la réclame : c’est le temps des affichistes cultes tels que Cassandre, Carlu, Colin ou Loupot, dont les images marquantes, très picturales, ont infusé la culture visuelle collective. Mais rapidement, une esthétique plus moderne envahit les espaces graphiques tels que la publicité, l’édition et la presse, portée par une génération spontanée de jeunes créateurs épris d’innovation et de simplicité, mais aussi par quelques grands patrons visionnaires. Leur approche résolue et dynamique de la mise en page mêle intimement typographie et photographie, voire photomontage, et marque la véritable naissance du graphisme moderne en France. Elle reste pourtant encore étonnamment peu identifiée aujourd’hui.
Fabien Chaminade
Graphiste et enseignant,
Fabien Chaminade
a passé plusieurs années à
approfondir ses connaissances
sur la période de
l’Entre-deux-guerres.
Il se définit
lui-même comme
un « enquêteur graphique ».
Humour dans le design Graphique ?
Pour célébrer la sortie du livre Une approche décontractée de l’histoire du graphisme aux éditions le Monte-en-l’air, nous proposons une conférence sur les traces d’humour que nous avons pu dénicher dans le design graphique.
Avec Yassine & Toma Bletner
Des graphistes ont utilisé l’humour ou la parodie dans leurs pratiques : comment ne pas penser à Savignac, à certains affichistes de la période d’après- guerre, aux étudiants qui, lors de mai 68, ont su dégommer le pouvoir en place et de Gaulle, ou bien encore avant eux, à Heartfield et ses photomontages anti-nazi.
Parfois l’humour vient se nicher dans la forme : l’usage de certaines typos connotées ou de mises en page pleines de références créent un esthétique kitsch ou rétro qui renforce l’effet comique. Comme dans le travail de Cizo, qui s’amuse à détourner, à s’approprier avec beaucoup d’esprit certaines esthétiques. Il ajoute ainsi par son art de la mise en forme graphique un bonus à l’esprit comique général développé par les Requins marteaux. L’humour sait se nicher dans bien des endroits si on sait regarder.
Une approche décontractée de l’histoire du graphisme
Ce petit ouvrage, compilation de strips publiés à l’été 2015 dans feu le cahier d’été de Libération, propose une introduction légère et expéditive à l’histoire du design graphique.
Découverte du design graphique bulgare
Socmus est l’association de trois personnes :
deux bulgares, Nikola Mihov et Valeri Gyurov, et un français, Michaël Bordat, qui se sont donnés pour mission de préserver un patrimoine en danger. Face à l’oubli d’un pays, ils collectent et archivent cette culture
graphique qui fut un temps très populaire.
En effet, le graphisme bulgare sous l’ère communiste a été très prolifique et
largement soutenu par l’état. La propagande nationale passait beaucoup par des affiches pour annoncer les manifestations culturelles, fêtes populaires, événements sportifs et autres communications officielles du parti. Le public était attentif à ces réalisations graphiques comme les posters de Tassev, affichiste, personnage flamboyant et figure centrale de cet âge d’or du graphisme
Le graphisme bulgare n’est pas éloigné de celui des autres pays du bloc de l’Est comme la Pologne et la Tchéquie dont on connaît mieux la production. Ces pays avaient d’ailleurs l’habitude d’organiser des échanges culturels, ce qui peut expliquer une certaine parenté. Dans le graphisme bulgare, on distingue une approche joyeuse et colorée. L’usage des couleurs expressives y joue un rôle important et on y croise parfois l’usage de motifs folkloriques. Une touche décorative qui se rapproche d’un certain psychédélisme. Au final on y croise souvent un esprit festif, représentatif du
tempérament bulgare.
Nikola Mihov
Photographe bulgare grand défenseur de la culture de son pays. Il documente en photo les
architectures abandonnés dans son livre Forget the past. Amateur de design graphique il est l’initiateur de ce projet de sauvegarde de ce patrimoine graphique délaissé.
Michaël Bordat
Libraire et connaisseur de
tout ce qui est imprimé,
ce français s’implique dans
ce projet en tant
que messager,
en France et
à l’Ouest, de
ce patrimoine inconnu.
Polices de France
En ce moment on sent une effervescence
dans la scène typographique française liée
à l’arrivée de nouvelles générations de
créateurs de caractères. Les projets se
multiplient et les typographes prolifèrent.
Benoit Bodhuin
Graphiste, dessinateur de caractère et
enseignant, son approche de la typo est osée et fantaisiste. « Je pars à l’aventure. » dit-il, quand il se lance dans la conception d’une nouvelle typo. Ses créations dénotent par leur originalité et un certain sens de l’humour à l’image de sa typo Elastik qui propose de déformer de manière
éxagérée, voire caricaturale, les accents
d’une typo linéale.
Velvetyne
Cette fonderie créée en 2010 par de jeunes créateurs de police propose des
typographies gratuites et libres de droits. On peut les partager librement et même les modifier. Une approche ouverte et collaborative du dessin de caractère. Ils fédèrent de nombreux jeunes typographes et organisent des ateliers autour de cette pratique pour la rendre toujours plus vivante.
Grapus
1970 - 1990 - Les membres de Grapus se
sont rencontrés dans les ateliers des écoles d’art lors des événements de mai 68.
Ce collectif incarnera un idéal de travail entre exigence formelle et engagement politique. Une vision des choses qui sera transmise à de nombreux jeunes
collaborateurs, apprentis graphistes qui intégreront et quitteront Grapus pour
voler de leur propres ailes. Leur façon
de voir les choses se répandra largement dans le graphisme français. À l’heure où les questionnements politiques sont plus que d’actualité, il est intéressant de revenir sur cette histoire riche et complexe.
Léo Favier
Graphiste, cinéaste, il est l’auteur d’un livre de témoignages des nombreux graphistes passés par l’atelier de Grapus (des trois fondateurs jusqu’au nombreux collaborateurs, apprentis puis graphistes confirmés).
Beaucoup d’entre eux ont constitué les forces vives du graphisme en France depuis presque 50 ans.
Isotype
Imaginé par le philosophe autrichien
Otto Neurath (1882-1945) et mis en forme par le graphiste allemand Gerd Arntz
(1900-1988), le système Isotype est un langage visuel qui allie un certain radicalisme formel et une pensée hautement fonctionnaliste. Il a été pensé pour rendre limpide des informations complexes au plus grand nombre. Revenir dans les années 20 à la source de la création de ce système visuel permet de réfléchir à notre rapport à la lecture des images/signes qui nous entourent.
Alexandre Dimos
Graphiste, à la tête du studio deValence, il dirige aussi la maison d’édition B42, qui réalise depuis 2009 un beau travail de fond sur le design graphique.
Au moment de cette rencontre, il aura publié deux livres consacrés à Otto Neurath.
Des lettres dessinées à la bombe
Né à Philadelphie à la fin des années 60, c’est surtout à New-York au début des années 70 que le graff va se développer.
Au départ, c’est le fait de très jeunes gens, sans références, influencés par leur environnement et la pop culture de leur époque : comix, publicité, pochettes de disque. Ils vont, à travers une pratique illégale, inventer une nouvelle forme du dessin de la lettre, une typographie vandale qui se dessine à la bombe, dans l’urgence. Cette approche, au départ naïve et décomplexée, va donner lieu à des multitudes de variations, et de nouveaux codes graphiques de la lettre vont apparaître. Désormais ces écritures ornent les murs de toutes les villes du monde. Il ne s’agit pas ici de faire l’histoire de ce mouvement et de ses divers aspects, mais d’essayer de comprendre son contexte historique et aussi d’envisager l’apport esthétique de cette culture alternative dans l’approche de la lettre. Les graphistes ont toujours été fascinés par la typographie vernaculaire. Ils ont toujours traqué, avides de formes inédites, les lettres de la rue pour s’en inspirer. Pourtant le graff semble avoir peu influencé la création typographique. Ces deux mondes semblent distants alors que bien des choses les rapprochent. Ce langage nourri de ses propres codes a-t-il créé des ponts avec le champ du design graphique ?
François Chastanet
Graphiste, architecte et enseignant, il est aussi spécialiste des écritures urbaines, il a réalisé trois livres sur trois phénomènes de l’épigraphie contemporaine. Il est un des rares spécialistes du design graphique à avoir envisagé ces nouvelles pratiques d’écriture sous l’angle esthétique.
Gsulf & Torpen
Graffeurs et membres du collectif Moderne Jazz, ils ont créé les Éditions Peinture, maison qui a pour but de mieux faire connaître la culture du graff contemporain en dehors de ce cercle. Ils éditent des fanzines et projettent de publier des monographies ambitieuses, comme celle qu’ils ont consacrée à Saeio (Pal).
Les 30 glorieuses
Au sortir de la guerre la tradition de l’affiche française perdure avec un certain bonheur grâce au talent de ses grands représentants : Savignac, Loupot, Villemot, Morvan, Gruau, … Imagerie colorée et joyeuse, typique d’une France en plein essor
économique où la société de consommation est encore vue comme quelque chose de nouveau et positif. L’édition française se structure autour du modèle des clubs du livre impulsé par Pierre faucheux, graphiste clé qui influencera d’autres grandes figures comme Massin et Delpire. À partir des années 50 des Suisses biberonnés au « style international » débarquent à Paris et offrent leur approche moderne et solide de la typo et de la mise en page. Un savoir-faire qui ira, entre autres, au service des institutions françaises : SNCF, Air France … Durant cette période, la France va connaître une effervescence qui verra aussi l’émergence de personnages marquants tels que Excoffon ou le Polonais Roman Cieslewicz. Une période qui s’arrête en mai 68 sous le signe des affiches étudiantes, des images basées sur des dessins simples et un style efficace qui n’est pas sans rappeler celui de grands noms de l’affiche tel que Savignac, les couleurs en moins.