Renault, livres à vendre : mobilisation

La semaine dernière, nous mettions en ligne la façon dont Renault comptait brader les 28 000 livres et documents audio de la bibliothèque du CE.

On empruntera, à la place, du matériel de bricolage, on achètera des billets de spectacle.

Affaire bien symptomatique de comment évolue le rapport de la culture au monde du travail...

FB

ci-dessous, article de Catherine Bédarida, dans Le Monde du 21/12/04.

et dans L’argus automobile est sauvé, lien vers la pétition en ligne de Renault Le Mans


La bibliothèque de l’usine Renault du Mans sera bradée le 1er janvier

LE MONDE | 20.12.04 | 14h56

La Bibliothèque du comité d’établissement (CE) de l’usine Renault du Mans (Sarthe) devrait fermer le 31 décembre, selon la décision prise par l’alliance CFDT-CGC, majoritaire au sein du CE depuis 2000. La bibliothécaire sera licenciée et les ouvrages seront vendus au prix de 2 euros pièce, à partir du 1er janvier.

Selon Alain Violeau, secrétaire CFDT du CE, "le fonds est vieillissant, la bibliothèque est située dans un réduit du CE, sans possibilité d’expansion ; elle serait toujours viable, mais nous avons dû faire un choix économique". L’élu affirme que d’autres activités du CE sont "en pleine expansion : le prêt de matériel de jardinage et de bricolage", alors que le nombre d’adhérents à la bibliothèque stagne. Les activités culturelles proposées aux salariés de l’usine Renault par le CE se limiteront désormais à une billetterie pour les spectacles, ainsi qu’à une possibilité d’inscription à la médiathèque de la ville du Mans, proposée à prix réduit.

Créée en 1945, la bibliothèque de l’usine possède 28 000 ouvrages, dont 8 000 titres pour la jeunesse et 4 000 documents sonores. Une partie du fonds concerne l’histoire ouvrière de Renault ou d’autres grandes usines. La CGT (38 % des voix aux dernières élections du CE, contre 30 % à la CFDT et 29 % à la CGC) s’oppose à cette décision.

"Chacun sait que l’accès au livre est inégal et que les ouvriers ont plus de mal à accéder à la culture. C’est pourquoi les activités culturelles proposées sur le lieu de travail jouent un rôle important", affirme Fabien Gâche, secrétaire général CGT de l’usine.

Selon lui, l’alliance CFDT-CGC a divisé le budget de la bibliothèque par 2,5, freiné l’acquisition de nouveaux titres et supprimé tous les supports d’animation. Jusqu’en 2000, affirme-t-il, le CE avait lancé de nombreux débats, "sur la souffrance au travail, avec les auteurs Yves Clot et François Desriaux, ou avec Stéphane Beau et Michel Pialoux à propos de leur livre Retour sur la condition ouvrière".

A l’initiative de la CGT, 168 adhérents de la bibliothèque sont venus emprunter 11 000 ouvrages, en présence d’un huissier, pour "empêcher la dispersion du fonds".

Un comité de soutien s’est créé autour de l’écrivain Gérard Gourmel et une pétition a été lancée (www.cgtrenault72.fr.tc). Le romancier François Bon, qui vient de publier Daewoo, récit de vies ouvrières en Lorraine, et qui anime des ateliers d’écriture dans des milieux populaires, se mobilise à travers son site Internet (www.remue.net).

L’Association des bibliothécaires français (ABF) propose d’aider à créer une commission de relance des activités de la bibliothèque. Elle rappelle qu’en 1992 elle a signé avec cinq confédérations syndicales, dont la CFDT et la CGC, une "charte pour le développement de la lecture dans l’entreprise".

Catherine Bédarida © Le Monde
• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 21.12.04

23 décembre 2004
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