Romain Fustier | Comme si de rien

les larmes aux yeux sur l’autoroute elle avait déjà tout à l’heure, avouera-t-elle après coup, zone industrielle gare de marchandises marché de gros comme est ton cœur aujourd’hui, continuer tout droit au rond-point prendre la seconde sortie puis à droite, la chambre où vous dormirez cette nuit bonne ça t’étonnerait, votre enfant son bilan spécialisé demain

les gens qui mangent en silence vous au milieu devant votre plateau maison des parents la tristesse de mise, vous baignez dedans dès l’arrivée dans la salle, une entrée un plat fromage & dessert, la fontaine d’eau où c’est de l’inquiétude qui s’écoule, accueil des familles des malades hospitalisés, un hébergement en centre-ville, pension complète, heureusement

des comptes-rendus d’échographie on vous demande tout sur lui sur vous, si vous disposez de films vidéos de votre enfant dans les premiers mois & années de vie non vous n’en avez pas, il nous serait très utile que, dans le cadre des recherches que nous menons, cette angoisse avec le soir qu’écarte votre fils souriant battant des mains comme si de rien

cette image de l’automne les feuilles par terre sur le trajet de l’hôpital à pied ça n’arrange rien, ciel voilé votre enfant qui tousse, le boulevard traverser la place la chapelle, l’électroencéphalogramme les pleurs de ton fils son hoquet pas facile à vivre qui reprend, à demain, le soleil sur le trottoir le sourire sur ses lèvres sa petite main dans la tienne, serrée

entretien pédopsychiatrique avec les parents lui dans une autre salle examen qui s’est très bien passé, vous racontera-t-on rendant votre enfant séparé de vous deux heures, le personnel à l’écoute qui sait bien s’y prendre comprend combien de souffrance derrière, la médecin l’infirmière, pour retrouver le fil depuis sa naissance un peu d’espoir comment

m’enfermer s’enfermer dans la chambre maintenant elle ne peut pas, s’écrie-t-elle, la lumière d’une fin d’après-midi dehors il fait déjà sombre à l’intérieur, comme vos pensées auxquelles un tour en ville je vais elle tente ainsi d’échapper, reviens dans une heure c’est par où, ton fils & toi qui jettes un œil à la fenêtre le ciel ta douleur au-dessus des toits

au guichet des admissions vous irez des boxes verrez pour entrer dans le bâtiment les portes-tambours, elle déteste ça, cette odeur chaude pénétrant dans le hall de viennoiserie industrielle, relais-presse ses gobelets en carton l’atmosphère pâteuse, ô déprime, qu’elle tente de repousser, le centre hospitalier régional & universitaire en attendant quoi

cafés allongés limonade une grenadine pour elle vous avez à peine pris le temps de manger la place autour demeures en pierre & à pans de bois, trop tard vous n’en profiterez guère, l’équipe de service pour faire le point si attentive, la ville couverte d’ardoises qui vous enserre dans ses bras dans ses cheveux gris sur les antennes sur tes tempes depuis que

vivre comme vous auriez vécu il faut ces mots de la médecin qui repassent en boucle en partant la zone industrielle les panneaux directionnels, les week-ends les vacances, le plaisir familial, les moments de repas des paroles qui rassurent la fatigue tombant dessus, votre fils qui dort à l’arrière si gentil qu’ils ont dit sa confiance en les adultes, votre amour

20 janvier 2012
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