The Day Before
Le jour avant une sorte d’échange déconcerté entre deux lampadaires déconcertants chuchotait à mes oreilles. Le dérangement venait d’un excès d’ordre (établi). Je n’étais pas surprise par la parfaite symétrie,
Lynne Cohen m’avait offert déjà depuis longtemps Les trois sœurs…
— La pièce de Tchékov ?
Non, une photographie encadrée de l’artiste du
vide après tout qui montre trois chaises parfaitement symétriques à côté d’une petite table.
J’étais troublée par le canapé circulaire à trois places à égale distance des deux lampadaires déconcertants qui éclairent l’instant où tout est encore possible et où tout pourtant semble déjà décidé.
— Le jour avant l’incendie qui avait fait vieillir Olga de dix ans en une seule nuit ?
Non, les ciels étoilés le jour avant Guernica (25 avril 1937), Hiroshima (5 août 1945), Nagasaki (8 août 1945), Sarajevo (28 août 1994) ou Bagdad (15 janvier 1991)...
Renaud Auguste-Dormeuil présente dans le cadre de l’exposition actuelle du Palais de Tokyo « Cinq milliards d’années » des cartes du ciel étoilé le jour précédant des bombardements militaires.
Les
« Military installations » de Lynne Cohen présentent des photographies d’espaces intérieurs destinés à l’apprentissage du fonctionnement des bombardements militaires.
L’agencement du temps et de l’espace peut se faire selon toutes sortes de procédures.
En 1960 Yves Klein avait sauté dans le vide, un panneau d’or posé au sol aurait reçu la chute du corps : ci-git l’espace. La forme de "l’espace-même", une éponge bleue en auréole de Sainte Rita…
— Comme un poème de Malcom de Chazal ?
La forme
Est
Le changement
De vitesse
Des couleurs
Oui. Déjà la voix de Claude Louis-Combet disant les roses, le sang et l’or de la « Sainte de l’impossible »
Renaud Auguste-Dormeuil est né en 1968.
— Ah prémonitoire : l’art c’est ce qui résiste !
Non.
L’artiste n’en fait pas une morale de l’art “acte de résistance”, il en fait une pratique d’artiste. Il ne supporte pas de rester sans rien faire devant la télé-catastrophe. Il fait seulement des actes lourds de sens : " Hôtel des transmissions/Jusqu’à un certain point "
— Hélas oui : c’est affreux ! Mais que la vie est dure par temps de catastrophe !
« Et pourtant tout, tout vise à nourrir cette confusion, la hâte insensée de cette poursuite infernale. Les moyens de communication se perfectionnent sans cesse […] Les communications deviennent de plus en plus hâtives de plus en plus confuses. » [1]
Le premier livre de Lynne Cohen est intitulé Occupied Territory, le deuxième No man’s land, le troisième Camouflage.
— Cela fait penser à la guerre. La situation est-elle si préoccupante ?
Pas vraiment, juste cinq milliard d’années que ça dure ! Un jour avant, un jour après, il y a partout tout le temps un canapé circulaire à trois places, un aleph éclairé par deux lampadaires déconcertants, car la nature des choses est de durer : « toute création veut du temps pour croitre et croit lentement. » [2]
9 octobre 2006