Tom Sawyer au pays des Microphones
Pendant près de deux heures, face aux étudiants attentifs et inquisiteurs, soudain préoccupés, heureux d’avoir sous la main un professionnel avec qui évoquer la différence entre dynamique et électrostatique, Laure Egoroff, réalisatrice, a évoqué son travail : la fabrication d’une dramatique radiophonique (comme on le disait au temps de Georges Charbonnier), depuis la lecture d’un texte jusqu’à la mise en ondes en passant par les répétitions, les prises, le bruitage, la ruse pour amadouer des acoustiques désastreuses ou démoniaques, l’impossible pause déjeuner, la quête d’un son de grillon, la hantise des bruits de bouche et la grâce d’une inspiration tombée du plafond du studio 115 (un parmi d’autres).
Épisode palpitant de la résidence, au cours duquel les étudiants ont pu apprendre comment et à quelle vitesse un réalisateur doit choisir ses comédiens, comment s’équilibrent les timbres des voix, comment s’organisent les répétitions et si elles sont nécessaires, comment l’on enregistre différentes versions d’une même tirade, comment on les annote, les apprécie, les juge, les morcelle et les recompose le cas échéant pour en faire une tirade unique, sans déglutition ni savonnage. Ils ont appris de quels membres se compose une équipe technique, qui place les micros et qui rature une brochure, en combien de temps on passe de l’enregistrement au montage et au mixage.
Ils ont découvert de quels sons peut se nourrir un silence, puis ont soumis l’intervenante à une série de questions toutes pertinentes, comme parfois les questions à vingt ans : soit métaphysiques, soit prosaïques, dans l’évitement de la demi-mesure. Il a été question de la magie merlinesque ou varèsienne du binaural – et pour donner un exemple d’une fiction radiophonique enregistrée en public et en direct (en janvier 2015), Laure Egoroff a fait entendre un extrait de Une aventure de Tom Sawyer : une chasse au trésor suivie de la visite d’une maison hantée.
On a pu entendre aussi comment des chefs-d’œuvre de la littérature se laissent volontiers adapter sous la forme raccourcie et digeste d’une fiction de trois minutes, publicité comprise (Don Quichotte, par exemple, ou Madame Bovary).
Il se peut même qu’au cours de cette séance, on ait suscité des vocations ; mieux vaut ça qu’attraper un rhume.
Don Quichotte
Emma Bovary