Trois paragraphes
Le livre est le labyrinthe. Tu crois en sortir, tu t’y enfonces. Tu n’as aucune chance de te sauver. Il te faut détruire l’ouvrage. Tu ne peux t’y résoudre. Je note la lente, mais sûre montée de ton angoisse. Mur après mur. Au bout, qui t’attend ? - Personne. Qui te feuillettera, te déchiffrera, t’aimera ? - Sans doute, personne. Tu es seul dans la nuit ; seul au monde. Ta solitude est celle de la mort. Un pas encore. Quelqu’un viendra peut-être, perforera le mur ; trouvera, pour toi, le chemin. Hélas ! Nul ne s’y hasardera. Le livre porte ton nom. Ton nom s’est replié sur soi-même, comme la main sur l’arme blanche.
Je suis le souffle de mes livres, tel le vent engouffré dans la mer. Chaque vague est d’écume et d’eau suspendue ; toute valeur, celle que prend le ciel ; mais de soulever l’onde, d’inventer sa forme et sa frange, le vent renaît avec elle, parcourt à ses côtés l’océan jusqu’à l’épuisement. Sa puissance lui vient d’ailleurs, mais sa volonté lui est propre.
Aucun livre n’est achevé. Trois fois, ai-je refait le mien. Le soleil s’entoure la nuit d’étoiles et le matin, d’êtres de plumes dont nous gardons le souvenir.
Lire le scintillement des astres du sommeil, le battement d’ailes et le rapt de l’oiseau, feuillet après feuillet, n’est-ce pas reconnaître à l’écriture le pouvoir suprême, que détient en priorité la mort, de transformer le monde, de légitimer l’image de l’univers dans es multiples et inconnaissables changements ?