Comme un vol d’étourneaux

(18) il y a quatre grues Bouygues Bâtiment toutes oranges avec du blanc bariolé elles sont tournées dans la même direction, comme des soldats visant la barre d’immeubles en face, c’est ça je les vois au-dessus de ma tête elles attendent l’ordre de faire feu, peut-être de moi, un geste, lever le bras, qui sait, mais je ne suis pas un soldat Bouygues, appartenant àla maison mère, sauf que mon téléphone est Bouygues Telecom, ça je ne peux pas le nier, dans le ciel il y a un vol, je ne sais pas, d’étourneaux sans doute pas, de corbeaux peut-être, quand j’étais enfant je disais "sansonnets", et c’est devenu comme un mot d’enfant (16) alors je dis étourneaux, ça pèse 100 grammes pas plus, 20 ou 22 cm, c’était un nuisible, le sansonnet, l’étourneau me paraît simplement beau, surtout en groupe, quand ils volent en nuage, des grues comme des robots géants, des robots Bouygues venus détruire en construisant tout un quartier, comme les quadripodes de Star Wars, des Bouygues Monopodes, élégants comme des flamants roses, leur nez armé sur la ville, je n’ai jamais vu de vol de flamants roses, ça doit être comme ces vols en réseau des étourneaux (14) la sonnerie de mon téléphone est un cri d’oiseau mais plutôt de perruche, quelque chose de vert et exotique qui lâché dans la nature francilienne est tellement vorace qu’au-delàd’un certain nombre de perruches abandonnées où ayant fuit comme ça des grandes maisons avec volière, ça menace l’écosystème local, enfin c’est ce qui se dit mais c’est vrai qu’elles font du bruit, les perruches vertes mais mon téléphone me donnait simplement un code à4 chiffres et une lettre, parce que je m’approche, ça se programme facilement même si je n’ai jamais essayé, écrire le même programme mais en rose, enfin c’est ce qu’on dit, les vols d’étourneaux sont programmables, il faut écrire le programme en se plaçant du point de vue d’un étourneau, sans même besoin d’échange d’information, rien que les informations locales visibles par chaque étourneau, sans communication, il regarde et il décide, par exemple il s’approche de ses voisins, mais pas trop, sinon il s’en éloigne, mais pas trop, il y a une distance, une zone de manÅ“uvre pour éviter la surpopulation locale, ou la trop grande solitude, il y aussi la direction àprendre, moyenne de celles des autres qu’on voit près de soi, c’est ça, on ne suit personne mais on suit tout le monde, on se décide sur ce que les autres autour ont décidé, chacun ayant fait de même pour soi, et sur les bords il faut peut-être faire jouer un facteur fatigue, un étourneau trop fatigué qui se rapproche trop de moi, je le double, je prends sa place, éventuellement je suis au bord du groupe social (12) sinon j’attends qu’un autre ralentisse et s’approche trop, je le double et une fois au bord du groupe, avec tout le vent qui me fatigue je reste lààjouer le rôle de frontière entre notre société d’étourneaux et le monde extérieur, avec un meilleur point de vue, au-dessus des grues-flamants-roses sans m’éloigner de mon groupe social sinon j’ai froid je peux mourir, et aucun champ àpicorer, rien que des poubelles àpercer avec les restes de la semaine (10) vieux pots de yaourts, risotto pas terminé, fond de boîtes de conserve, peut-être de la viande, du poulet, est-ce que je serais capable de manger un congénère poulet ou dinde ? mais je ne suis pas un étourneau qu’est-ce que je raconte et làils construisent quoi dans ce terrain vague, je marche sur le bord du trottoir tout près de la route, au salaire moyen du grutier débutant de 25.200 €, jusqu’à40.000 € en fin de carrière, c’est àdire quelques années plus tard quand c’est trop vieux pour grimper et dégommer les immeubles d’en face, ils construisent encore un de ces écoquartiers parce qu’un quartier ce n’est pas assez bien il faut vendre la verdure (8) faire plus-value de tout bois mais c’est sà»r que ce sera sans moi, alors je lève le bras, personne ne me voit, les grues ne bougent pas, aucune déflagration (4) les soldats sont au repos dans cette position armée, les étourneaux sont partis, (2-bis) c’est là, je vérifie le code, D 4223, 5é étage gauche, on m’attend.

Algorithme réalisé en Javascript avec la librairie P5.js, grâce àDaniel Shiffman, d’après Craig Reynolds (1986)

13 juillet 2019
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