Il est le père (#1)

Le périphérique. Dix heure. Il y a encore de la circulation. Il n’avait pas prévu ça. et ça l’énerve. Déjà. Il est assis au volant. Sa fille est derrière, dans son siège. Elle s’est endormie. Il la voit dans son rétroviseur. Il fait chaud mais il a fermé les fenêtres pour qu’elle ne soit pas réveillée par le bruit de la circulation. Il n’y a pas de climatisation dans la voiture alors le bruit du ventilateur siffle dans l’habitacle. Il en change constamment la position pour trouver le meilleur rapport bruit fraîcheur. Il semble qu’il n’existe pas. Le sifflement s’ajoute au grondement des voitures qui les entourent. C’est pénible. Le brouhaha n’arrive cependant pas à troubler le silence dans la voiture. Il aimerait bien mettre la radio, mais il ne veut pas la réveiller. ça permettrait pourtant de calmer les divagations de son cerveau.

Si ça continue ils vont être en retard. Ils se sont levés de bonne heure pourtant. Ils ont accompagné la grand-mère à la gare. Sa mère. Depuis que le père n’est plus là, il essaie de s’occuper d’elle. Pas assez sûrement. Il se le reproche. Ils sont moins proches qu’avant, mais il a sa vie son travail sa famille. Et puis il n’en peut plus. Il veut du calme. Ils sont moins proches et il se le reproche. Elle a besoin d’eux. De ses enfants.

Il sort du périphérique. Il suit son GPS même s’il n’a pas toujours confiance mais il ne connaît pas bien le quartier. Il a un doute tout de même. Autour, d’autre voiture avec des enfants. ça le rassure un peu. Il ne seront pas très en retard.


Elle est fatiguée. Elle s’est assoupie sur son siège. Dans la voiture. Elle s’est levée tôt ce matin ; il a fallu accompagner sa grand-mère à la gare.
Devant elle, son père conduit. Silencieux, comme souvent. Quand elle parle, il lui fait répéter, généralement. De temps en temps il lui pose des questions ; le ton de sa voie est enjoué. Il lui explique par bribes ce qu’il vont faire ce matin. Elle ne comprend pas bien. Pour tromper son ennui elle s’est endormie.

Elle ouvre les yeux. Elle ne comprend pas où ils sont ce qu’il font. Son père est penché sur elle et essaie de lui parler doucement tout en défaisant sa ceinture. Pour ne pas la brusquer, l’affoler. Il parle beaucoup. Il est un peu fébrile. Il dit qu’il sont en retard mais que ça va aller tout de même. Elle ne comprend pas pourquoi ça n’irait pas. Ils sont dans un parking souterrain. Le parking est joli il y a des piliers de toutes les couleurs. Elle lui dit mais il répond un peu brusquement peut-être qu’ils regarderont les piliers au retour. Elle bondit de la voiture, contente.

Elle est dans les bras de son père maintenant. Ils avancent vite. Il continue de parler.


Il prend sa fille dans ses bras. s’il la laisse marcher il sait qu’elle ne va pas avancer assez vite. Elle va s’arrêter, poser des questions, s’intéresser à plein d’autres choses que d’avancer. Elle n’aime pas qu’on la bouscule. Alors il l’a prise dans ses bras. Il veut que ça se passe bien. Il a préparé cette sortie car il est seul avec elle toute la journée. Alors il ne veut pas la houspiller. Ils ont passé deux heures dans la voiture, il est déjà énervé et fatigué. Mais ça n’est pas de sa faute. A elle. Il doit faire attention.

Dix minutes. Juste dix minutes de retard. ça l’agace quand même. Ils entrent.

Elle veut aller aux toilettes. Instant de panique et de lassitude. Ils vont encore perdre du temps. Coup d’œil circulaire, il avise les toilettes. Ce sont des toilettes pour enfants et elle trouve ça très amusant. Elle est bien. Ici.
Il la presse tout de même un peu parce que quand même ils ne sont pas venus pour ça.

Ils entrent à nouveau. Restent interdit. Comme s’ils ne comprenaient pas où ils sont, ce qu’ils y font. Une salle en mouvement. Tout tourne dans une demie pénombre. Il leurs faut un moment pour comprendre que ce sont les visiteurs qui bougent. On ne voit pas bien. Des cris et une multitude de bruits indistincts. Des enfants. De tous âges. Ce sont eux qui crient. Ils sont heureux ici tout est fait pour eux. Des jeux. Partout.

19 octobre 2013
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