Les yeux de Sacha
Récit de Karel Pecka
« J’observai le chien un moment ; il le sentit et leva vers moi ses yeux, incertains et coupables, comme s’il avait fait quelque chose de mal, comme s’il s’excusait d’être au monde. »
Ils s’attachent à Sacha. À cause de son regard défait bien sûr. Mais aussi parce que son existence de paria et de chien errant s’apparente étrangement à celle d’un homme (DubÄ ek) en qui ils ont cru. Mila et Macek finissent par adopter l’animal mal en point. Il va avec eux à l’auberge. Il dort à l’entrée de la roulotte et bientôt dans une niche qu’ils vont lui confectionner.
« Sacha flaira l’entrée de la niche avec méfiance, puis il se retourna. Il me regardait, inclinant la tête d’un côté puis de l’autre. Je compris que ce chien n’avait jamais eu de niche. »
En ces lieux, et à cette époque, le bien-être et le répit ne peuvent être qu’éphémères. Les pompeurs d’eau le savent depuis longtemps et vont à nouveau en faire la douloureuse expérience. Il y a dans les environs des êtres qui n’aiment pas les chiens. Et d’autres qui, affamés, sont amenés à les aimer autrement. Ce sont ces destins tragiques, scellés par l’absurde et redoutable pouvoir en place, que dévoile ici, en à peine quarante pages, le subtil et percutant Karel Pecka (1928-1992).
Karel Pecka : Les yeux de Sacha, traduit du tchèque par Hana Barraud, préface de Marie-Hélène Prouteau, éditions Alidades.
Il est bon de se promener dans le copieux catalogue des éditions Alidades, animées par Emmanuel Malherbet. On y découvre des pépites, des textes courts (et souvent bilingues) signés Alexandre Blok, Carlo Bordini, Hart Crane, Sergueï Essénine, Desmond Egan, John Montague ou encore Elena Schwarz que côtoient des poètes français très discrets tels Francis Coffinet, Adeline Olivier, Pierre Courtaud ou Luc Richer.