Philippe Dollo | No pasa nada, 4ème fragment
"En Espagne, il y a une vallée appelée Jarama C’est un lieu que nous connaissons tous trop bien Car c’est là que nous avons perdu notre jeunesse Et aussi la plupart de nos vieilles années."
Alex McDade, Version antérieure de la chanson "Jarama Valley".
A perte de vue, un paysage sublime sculpté par les Dieux, pour les Dieux. Poussières et soleil blanc aveuglant, vent brûlant sec, le thermomètre est au-dessus des quarante ; qui oserait s’installer ici, sauf un fou mystique et contemplateur. Comment a-t-on pu songer à se battre, s’étriper, faire couler le sang dans une telle beauté ? Sur les hauteurs de la Jarama, le plateau rouge, écrasé de soleil, garde les traces torsadées des tranchées républicaines.
Au pied du monument des Brigades Internationales, on en a restauré une partie, on a débouché les postes de tirs, on pourrait se faire un film. Le serpent continue plus loin, reconnaissable, même si les galeries presque recouvertes sont envahies de ces plantes qui ne poussent que dans les déserts. Dans ce paysage âpre, dur et d’une beauté sauvage, on s’est donc battu. Sous le cagnard brûlant de l’été, dans la tranchée sans ombre et les chaleurs extrêmes où ça bascule d’un coup dans le froid vif et coupant d’un vent d’hiver violent venu des sierras du nord, dans cette nature sublime mais écrasante pour l’homme, on s’est donc massacré.
En février 1937, selon différentes sources, entre 16.000 et 45.000 hommes vont périr pendant les trois jours de la bataille de Jarama.