Rencontre avec Pascale Senk et la musique des haïkus
Nous nous étions rencontrées il y a une quinzaine d’années. Je faisais mes premiers pas dans le journalisme, elle quittait un poste de rédactrice en chef. Puis nous nous sommes suivies de loin en loin, via les réseaux sociaux. Un jour est apparue l’annonce de la publication d’un livre de haïkus qu’elle venait d’écrire. Haïkus : seul le nom m’était familier. Je ne connaissais ni le contenu ni la forme de ces poèmes originaires du Japon ancien. Peu à peu, au gré de ses publications, j’ai découvert une poésie courte, humble, sans majuscules, mais sonore, éminemment musicale.
Ainsi m’est venue l’idée de proposer à Pascale Senk (auteure notamment de Un haïku chaque jour et L’effet haïku, aux éditions Points) une lecture et une rencontre sur le thème du haïku et de sa musicalité. Désormais, « notre amitié » était devenue « poétique », comme elle me l’a si délicatement écrit. Pascale Senk est venue à la librairie Maruani avec Patrick Chompré, son mari, qui a accompagné sa lecture à la guitare. En voici quelques extraits :
matinée d’hiver -
l’air d’opéra italien
réchauffe la cour
Pascale Senk
concert de jazz
sur la ligne de basse
se pose mon cœur
PS
chanson flamenca-
dans la nuit chaude s’envolent
de grandes peines
PS
chaleur de printemps
dans les feuilles un vent doux
devient violon
PS
black bird - no !
blue bird ! pear
branch still jumping
Jack Kerouac
première neige -
ce que j’écris s’efface
ce que j’écris s’efface
Chiyo Ni
sans chapeau
une averse d’hiver tombe sur moi
et alors ?
Basho
tamtam de la pluie-
le monde entier danse
dans mon rêve
PS
aube d’hiver-
les cris d’une mouette
iodent mes rêves
PS
Heure calme -
Un oiseau marche sur les feuilles mortes
Bruit de ses pas
Ryushî
Silence.
Le cri des cigales
Creuse les rochers
Basho
Pour Pascale, qui a lu des textes ayant pour thème la musique et d’autres jouant tout simplement sur la sonorité des mots, « écrire des haïkus, c’est d’abord exprimer l’émerveillement devant le monde. Les haïkus sont de véritables bombes sensorielles dont la première musique est celle de la nature sous toutes ses formes. Leur force est l’épure. Ils nous apprennent à éliminer progressivement les mots, comme un Erik Satie éliminait les notes. Car le haïku, c’est aussi, avant tout, la musique du silence. »