Signes d’un fléchissement àla troisième semaine du Jeà»ne

Anton Beraber vient de faire paraître, chez Gallimard, Signes d’un fléchissement àla troisième semaine du Jeà»ne, texte qui fait écho àson journal publié chaque semaine sur Remue.

Plutôt qu’àla raideur du dogme religieux (auquel le titre fait allusion), c’est sans doute aux errances d’êtres humains désorientés que s’attache ce texte dont la Ville incarne le personnage central et écrasant. Un ensemble de fragments où l’âpreté des situations décrites est contrebalancé par la beauté et l’ampleur du style et une ironie omniprésente.

Extrait :
« On n’a pas su s’il était fou ou bien, comme une moitié de la Ville, s’il ne faisait que briguer le refuge de la folie en se pénétrant intimement de ses usages. Le géant marchait entre les files de voitures immobiles, torse nu, les cicatrices blanchissant dans le soleil avec cette plénitude de brà»ler que je ne vis qu’aux coquillages morts. Paumes ouvertes : on eà»t dit qu’il allait jeter vers le ciel la Ville énorme mais il ne nous demanda rien, ne se justifia pas, ignora superbement le salut qu’amusé je lui adressai. Soudain quelque chose derrière nous qu’il était seul àvoir le figea ; au rire qui lui révulsa les yeux la matière suspendit ses effondrements successifs sur elle-même, resta foule, fuyards, affligés et furieux une seconde de plus qui dérégla tout. Il paraît que dans certains avions au sommet de leur boucle la gravité s’interrompt brièvement. les cicatrices : des rondes, des courtes, des points et des lignes, les méridiens de la parole tenue, donnée, reprise, que les inquisiteurs nous retrouvent àla pointe du couteau. Les conducteurs, en redémarrant, jetèrent des graines des poignées de graines de courge et des pièces de cinquante qui lui collèrent àla peau. »

27 avril 2021
T T+