Virginie Gautier | Les déprises
Le texte des déprises est publié strophe par strophe dans la revue Hors-Sol. Les trois premières strophes sont reproduites ci-dessous
Départ à l’aube où tout est provisoire démontable grossièrement ficelé
articulé roulant sur roues déplacé par une troupe de l’autre côté d’un barrage d’un fossé on sort des ornières un camion on cherche un point d’accroche de chute une forêt une piste indienne en particulier qui se détourne lustrée par les pas des chasseurs un lac avec une bordure où l’on puisse fredonner en trottant comme sur un cheval en récitant des vers les plus démunis sont les plus légers les plus légers les moins saisissables les plus dispersés _cette terre d’abord si étrange si pleine de bruits zébrée de bois sauvages des restes d’un feu ils ont fait leur destination dorment sur des tissus tendus capitonnés de feuil-
-capitonnés de feuilles à peine arrivés la zone envahie à leurs manières légères ils donnent l’eau aux chiens d’un bidon touchant terre les pointes des pieds déchaussés dans l’humide sur l’herbe des marais où glissaient les pirogues [petites pirogues pour chasser l’oie sauvage] un bout abandonné du monde l’occasion est trop belle pour eux qui ont tourné longtemps la terre gratuite cri des crapauds dans l’air tapage nocturne ils ne savaient rien de ça du peu qu’il faut des branches à feu dites fagots paroles en bouche à oreille un cercle autour lumière vacille l’île est aux rats aux rats les miettes bientôt tailleront pics pilotis pont de planches échelles connues pour leur solidit-
-leur solidité le coupant de la hache le pied de biche l’huile de coude la palette du même bois que le bois de l’arbre à bras le corps le hangar en coque de bateau en écailles petites peaux du même tonneau le dos cintré tirant l’arc arquant la tige le piège cette chose bien pesée disposée à distance sur la litière forestière qu’ils traversent en courant trois bonds sorciers les longues pattes les manches relevées perdent des plumes puis s’arrêtent devant un tertre une chose à défendre _ici les carnivores feront les mammifères les mâles les femelles les plus malins les amphibiens les historiques de l’histoire continuent de creuser écorcent des troncs d’ivoire avec les mains ramassent des résidus des graines faisant le geste de s’approvis-