Immersion électrique

Mi-Janvier.

Premières rencontres avec les élèves en CAP - Préparation et Réalisation d’Ouvrages Électriques
Puis avec ceux qui préparent un Bac Pro MELEC- Métiers de l’Électricité et de ses Environnements Connectés. Les métiers de demain me disent-ils.

Certains me regardent avec un air curieux, d’autres avec un regard timide ou détaché. Certains sont endormis, d’autres vifs et éveillés. Certains aiment ce qu’ils font, d’autres pas.

Que des garçons. Qui se forment aux métiers de l’électricité. Terrain inconnu pour moi.

Ils viennent de Chine, de France, d’Haïti, du Bangladesh, du Sénégal, de Côte-d’Ivoire, du Mali… Ils parlent bambara, italien, chinois, bengali, perse, soninké… Et français bien sûr, même si c’est loin d’être évident pour tout le monde.

Je leur présente mon projet de résidence : une enquête littéraire dans les pas d’un frère hongrois perdu de vue depuis l’enfance. Je me rends sur les lieux que j’associe à mon frère, je mène des entretiens avec les membres de ma famille, chacun raconte ce qu’il se rappelle de lui.

J’ai un puzzle de souvenirs.
Ça les intrigue.

Votre frère, vous l’avez trouvé alors ? Mais c’est facile non ? Vous ne connaissez pas son adresse ? Personne ne sait où il est ? Il est donc en Hongrie ? Ah vous ne savez pas ? Il est peut-être…non…hm…mort..?

D’habitude ils écrivent, ils composent des tableaux électriques. Je leur explique que nous allons écrire de la poésie, composer avec nos différentes langues. Retrouver des souvenirs. Ecrire à partir de nous. Créer des ponts entre la mémoire collective, la mémoire individuelle. Ça a l’air de leur plaire.

C’est quoi un souvenir pour eux ?

C’est le passé. C’est l’enfance. Quelque chose qui n’existe plus, quelque chose qu’on pense avoir vécu. Des gens qu’on aime bien. Des choses qui font mal…

Je leur demande de noter un mot en lien avec leur formation. Et puis pourquoi ils ont choisi tel mot.

Lampe. Ça sert à éclairer. Ça donne de la lumière.
Tableau électrique. Je partage l’électricité dans les appartements. Je donne de l’électricité dans les maisons.
Prise. Ça sert à charger les téléphones. On apprend à les fabriquer, à les installer.
Câble. Parce qu’il y en a dans chaque appareil. C’est mon métier de les connaître.
Électricité. Tout simplement. C’est ce que je fais, c’est ce que je connais.

Un souvenir ressurgit : je coupe les fils d’une lampe pour ajuster sa hauteur. Sans la débrancher sans couper l’électricité générale. Je coupe, tout s’éteint.
Les élèves se marrent.

On va vous aider à trouver votre frère !

À suivre.

11 février 2023
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