André Markowicz | Un entretien aléatoire (13)

TU FU

EN REVANT DE LI PO


1.

La mort t’éloigne — ravaler mes larmes
La vie t’éloigne — te pleurer tout haut.
Du sud du fleuve en pleine pestilence,
L’hôte banni me laisse sans nouvelles.
Mon vieil ami tu m’es venu en rêve
Nous revenons sans cesse l’un vers l’autre.
L’âme peut-elle avoir autant de vie ?
L’ombre apparaît — les érables sont verts
L’ombre s’éteint — les gorges s’assombrissent.
Prisonnier des filets qui te retiennent
Te serais-tu senti pousser des ailes ?
La lune errante en éclairant les poutres
Trace hésitants les contours d’un visage.
Sur les vagues furieuses du grand fleuve
Que les dragons prends garde ne t’emportent !


2.

Les nuages errants passent encore
Le voyageur n’est toujours pas rentré
Trois nuits de suite tu me viens en rêve
C’est l’amitié profonde qui nous lie
Quand tu repars toujours — ton inquiétude
Tu sais que le voyage est périlleux
Les lacs, les fleuves sont si agités
Tu as peur que ta barque ne chavire
Le seuil franchi grattant tes cheveux blancs
Comme accablé par l’ambition déçue
La capitale est pleine de notables
Toi seul tu n’as que peines et soucis
Larges les mailles du filet céleste ?
L’âge venu tu vis dans la douleur.
Dix mille automnes dix mille ans de gloire —
Ce sera seulement après ta mort.

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24 novembre 2011
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