Benoît Artige | Figures libres, Jules Verne

Par la fenêtre, il peut contempler la baie et, aujourd’hui, c’est àcroire qu’aucunes autres couleurs n’existent que ces infinies nuances de gris superposées. De son regard d’encre, il trace sur ce désert de ciel et d’eau, que trame de biais une petite pluie méthodique, des cratères sans fond, des feux croisés, des planètes lointaines et des îles aux trésors. Les images jaillissent sans discontinuer et bientôt c’est le trop plein, ça se bouscule ; il ne sait plus où donner de la tête. Il devrait fermer les volets, les yeux ou changer son bureau de sens, face au mur, pour se mettre au travail — mais c’est qu’il travaille déjà. Soudain, il enfile son manteau, prend son chapeau et le voilàdehors, allant pensif et d’un pas rapide le long des quais ; malgré le mauvais temps, il se sent rasséréné — la matière àune nouvelle histoire est là, il n’a plus qu’àlui donner forme —, sifflote un air àla mode, pense au repas du soir. Encore une journée qui ne sera pas passée pour rien.

2 novembre 2018
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