Dieu n’est-il qu’une inscription urbaine ou se manifestera-t-il le 1er mai ? La fête des travailleurs est aussi celle de la rue : on y descend pour revendiquer, pour crier, pour espérer, pour exploser (fixe ou mobile), pour lever la tête au ciel. Dieu immanent ou permanent, image ou symbole, entité disparue le dimanche (or, ce premier mai tombe un jeudi), les églises délaissées, un Dieu bientôt uniquement pour les sans-papiers... Bertrand Poirot-Delpech : “L’habitude de donner aux rues des villes des noms de célébrités du moment, en guise de visa pour l’éternité, cet usage que ne connaissent plus les mégapoles quadrillées et numérotées à la new-yorkaise, sait-on qu’elle a nom odonymie, d’odos, la voie ? Le Rue André-Gide de Le Bihan retient d’autant plus l’attention qu’il ne fait rien pour cela, bien au contraire.” (”Le Monde” du 30 avril) Dieu est-il “la célébrité du moment” ? Sûrement l’était-il lorsque la plaque lui a été dédiée : colonel napoléonien, architecte... ou est-il celui qui dispose vraiment d’un “visa pour l’éternité” ? Il cherchait sans doute sa voie... Il serait alors arrivé, nuitamment, pour clouer lui-même cette marque de son passage près du canal Saint-Martin ? Bientôt, André Breton aura sa plaque-médaille en chocolat (après qu’on a débarrassé sa planque, 42, rue Fontaine) : elle sera vissée à une intersection de rues, dans le IXème arrondissement. Ce n’est pas très loin, numérologiquement, du Xème arrondissement. Le prétendu “pape” du surréalisme, dépouillé de ce qui encombrait chez lui, pourrait ainsi venir (incognito) faire un tour rue Dieu, et se joindre à la manifestation des travailleurs qui, pas très loin, place de la République, rêvent encore d’une autre vie, même s’ils n’ont pas tous lu ses livres indéchirables. Dominique Hasselmann, 1er mai 2003.
sur "Rue André Gide" d'Adrien le Bihan, l'article de Bertrand Poirot-Delpech écrire aux éditions Cherche Bruit Odonymie et anonymat |
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