De Staël : la peinture marquée comme un but L’escalator-chenille du Centre Pompidou nous emmenait, ce 2 mai, au-dessus des toits de Paris ; au loin le Sacré-Cœur nous protégeait. Nicolas de Staël s’expose ici à tous vents devant les cohortes de touristes étrangers ou d’amateurs éclairés. Le ciel se peint de reflets bleu sombre, des cumulus courent, rapides, comme dans cette toile énigmatique intitulée “Paysage au nuage” (1953) où une sorte de bloc monolithique semble menacer, façon Magritte, le monde d’en bas. La peinture de Nicolas de Staël est une lutte au couteau : la matière doit être domptée, les traces du combat sont sur la toile. Epaisseur du geste, signature profonde dans le support, transpercé de tant d’audace ! “ Parc des Princes” et la fameuse série rouge et blanc des “Footballeurs” (1952) : marquer un but ? “ Ballet” (1953), un spectacle de gris ; respirations siciliennes à “Agrigente” (1953-1954); “Sur la route d’Uzès” (1954), mariage du vert, du gris, du noir et du blanc ; “Les Martigues” (1954), parfum d’orange ; “Coin d’atelier fond bleu” (1955), de douceur ; et puis “Le Concert”, dernier immense tableau désaccordé de 1955, avant la défenestration... Palette de couleurs, rage de peindre pour arracher l’indicible. “ Merci de m’avoir écarté du gang de l’abstraction avant”, écrit Nicolas de Staël à Bernard Dorival, conservateur au musée national d’Art moderne de Paris... En février 1951, Nicolas de Staël rencontre René Char : il illustrera ses “Poèmes” de bois gravés, la couverture d’une lithographie, les emboîtages sont peints en noir. Mi-juin 1952 : “Bon, cher Nicolas, je sais maintenant où tu te trouves ! Auprès de la lumière, auprès du cassé-bleu. Vis et à bientôt. Tu manques, c’est certain. Fraternellement. René.” Nicolas de Staël, 23 juin 1952 : “Le cassé-bleu c’est absolument merveilleux, au bout d’un moment la mer est rouge, le ciel jaune et les sables violets et puis cela revient à la carte postale de bazar mais ce bazar-là et cette carte, je veux bien m’en imprégner jusqu’au jour de ma mort.” Peindre
: un geste de désespoir, un poème jeté sur
la toile, à crever ? Dominique Hasselmann, 5 mai 2003.
Exposition Nicolas de Staël au Centre
Pompidou, Paris, du 12 mars au 30 juin. |
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