"Café de l'époque" : les fixateurs de temps

 

Un peu à l’écart du Palais-Royal, presque en face des nouveaux bâtiments qui, indique une affiche énorme, “regroupent” en 2004 l’ensemble des services du ministère de la Culture et de la Communication rue Saint-Honoré, se trouve la petite galerie parisienne Vero-Dodat.
Ce passage, sis au 2 de la rue du Bouloi, relie la rue de la Croix des Petits-Champs à la rue Jean-Jacques Rousseau.
Il a gardé, depuis 1826, quand il fut ouvert par les deux charcutiers qui lui donnèrent son nom, un style... “Restauration” suranné et délicieux.


cliquer pour agrandir

C’est ici qu’une quarantaine de photos de l’amie des surréalistes Denise Bellon (1902-1999) sont exposées, jusqu’à fin mai, dans chacune des petites boutiques d’antiquaires, de marchands de poupées et d’objets anciens. Ces clichés encadrés (tous en noir et blanc, à l’exception d’un seul) sont présentés en vitrine, même dans le café situé tout à l’entrée.
Denise Bellon eut trois enfants : Loleh Bellon, comédienne et écrivain (épouse de Jorge Semprun puis de Claude Roy), Yannick Bellon, cinéaste (née en 1924), et Jérôme. Loleh Bellon est décédée en mai 1999, deux ans après Claude Roy, et cinq mois avant sa mère.


Denise Bellon, et Marcel Duchamp dans son atelier

En plus de ses nombreux reportages et voyages à l’étranger (Tunisie, Egypte avec les Delteil et le couple Henri Miller-Eve McClure...), Denise Bellon photographie toutes les grandes expositions du surréalisme : 1938, 1947, 1959, 1965.
Elle présente elle-même ses œuvres au MOMA de New York en 1939. Elle réalise de nombreux portraits de ses contemporains : Joseph Delteil, Joë Bousquet (de 1947 à 1948), Jean Giono, André Masson, André Breton (désert de Retz en 1947), Simone de Beauvoir, Pierre Balmain, Henri Langlois, notamment.
Elle fréquente le monde artistique, théâtral, pictural, cinématographique. Elle est d’ailleurs photographe de plateau pour quelques-uns des films de sa fille Yannick (”Zaa petit chameau blanc”, 1960, “Quelque part quelqu’un”, 1972, “La femme de Jean”, 1974).


à gauche, Sylvia Bataille et Jacques Prévert, à droite Jaime Semprun

Ce qui attire magnétiquement dans les photos de Denise Bellon, derrière le reflet de ces boutiques obscures et chargées de souvenirs (pour combien de temps encore ?), c’est la force de frappe de son tir photographique. Le noir et blanc est impérieux, sans équivoque, les personnages pris sur le vif sont au zénith de leur beauté.
Dans son viseur 6 x 6 de Rolleiflex, cette merveilleuse photographe a su capter, grâce à une attitude toute de grâce et d’ouverture, des instants magiques qui n’ont pas, ainsi, disparu au fil du temps.
Chris Marker a consacré un documentaire à Denise Bellon en 2001, pour Arte, intitulé : “Le souvenir d’un avenir”.


à droite, Claude Roy et Jaime Semprun

Dominique Hasselmann, 29 mai 2003.

http://www.litterature-lieux.com/actualite/actualite.asp
http://www.chez.com/delteil/bellon.htm
http://www.sdm.qc.ca/txtdoc/tbhroycl/htm
http://www.academie-goncourt.fr/m_semprun.htm
http://www.silcom.com/%7Edlp/Passagen/cm.home2.html

retour remue.net