Tzara et Satie, à plus d’un titre
“ Eh bien oui, Tzara a marché quelque temps avec ce défi dans le regard et pourtant toute cette belle assurance ne l’a pas trouvé à la hauteur d’un véritable coup d’Etat”, écrivait André Breton dans “Les Pas perdus” (Gallimard, réédition 1949). Mais de la place Blanche à Paris, à côté de la rue Fontaine, à l’avenue Junot, il n’y a qu’un pas à retrouver, justement, puisque Tristan Tzara (1896-1963), l’un des fondateurs du dadaïsme, s’était fait construire une maison sur mesure. Elle se tient toujours là, dans Montmartre, et une simple plaque, clouée sur son architecture modern’ style, retient par hasard l’attention du promeneur qui escalade ce lieu privilégié du tourisme dans la capitale.
Or, dans “L’homme approximatif” (Gallimard, Poésies, réédition 1968), écrit entre 1925 et 1930, le regard tombe fortuitement sur cet extrait “musical” scandé par Tristan Tzara :
A quelques
centaines de mètres, Erik Satie (1866-1925) a occupé une
maison au 6 de la rue Cortot, durant quelques années : elle est légèrement
surélevée et donne sur une de ces petites rues pavées dont
les habitants du “village” montmartrois ont su empêcher le
remplacement par du bitume... Lisons Anne
Rey (Erik Satie, Solfèges/Seuil, 1981) : En juillet 1921, Picabia se sépare à grand fracas de Tzara et annonce, dans un numéro spécial de sa propre revue (391) la mort définitive de Dada. Satie figure en tête de ce numéro fracassant. Puis il collabore, deux années plus tard, au Cœur à Barbe et à la Pomme de pin, deux feuilles éphémères patronnées par Tzara. Positions aussi tranchées que contradictoires ; refus de s’embrigader dans l’un ou l’autre camp ; humeur bagarreuse ; maniement allègre de l’aphorisme vengeur ; de l’insinuation, et, à l’occasion, de l’insulte : "Dada, en Satie, avait trouvé un adepte.” Maintenant, écoutons quelques œuvres d’Erik Satie (dans l’interprétation sans égale de Jean-Joël Barbier au piano) et lisons en même temps leurs titres :
La fantaisie est dans les titres et
la musique de Satie. Satie et Tzara se sont rencontrés à une certaine époque, révolue. Mais ils ont joué en mesure. Ils ont fait un beau remue-ménage ! Il existe maintenant à Paris (avenue des Ternes, 17ème) un café nommé “Dada”, où le ministre Jean-Jacques Aillagon a récemment déclaré, dans “Le Journal du Dimanche” du 22 juin, prendre ses aises dominicales, pour le café croissant du matin: tant mieux. L'esprit Satie Tzara, et en tout cas leurs livres, on pourra les trouver bien plus près, après promenade entre le Lapin Agile ou la Maison Rose, rue de l'Abreuvoir, sur la magique place des Abbesses, dans la librairie tenue par Marie-Rose Guarnieri, adresse que tous les écrivains connaissent... Dominique Hasselmann, 23 juin 2003.
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