Action ! Jackson Pollock’s painting !

Près de l’Opéra-Garnier, un film sur un grand peintre abstrait américain

 

Le cinéma s’appelle Gaumont (une référence !)-Opéra et il se trouve à deux pas de l’Opéra-Garnier, où nombre de touristes, parfois américains, se font prendre en photo devant cet énorme monument aux dorures kitsch.

Mais le film Pollock, réalisé par l’acteur Ed Harris, n’est, semble-t-il, pas vraiment distribué pour attirer les foules : seules six salles le programment à Paris depuis le 10 septembre ; va-t-il rester à l’affiche très longtemps ?

Il a pourtant bénéficié d’une critique élogieuse dans la presse : on a applaudi le jeu d’Ed Harris (extraordinaire dans The Hours d’après Virginia Woolf), on a vanté la connaissance qu’il apportait au grand public de la peinture et de la vie de Jackson Pollock (1912-1956), on a souligné la fluidité du récit et l’interprétation excellente de sa femme par Maria Gay Harden, ainsi que le personnage de Peggy Guggengeim dans lequel sa propre épouse s’est glissée...

Certes, le film est plutôt linéaire et pas assez pictural : la motivation profonde de l’artiste est atténuée par l’importance donnée à l’alcoolisme dans lequel il sombre vers la fin de sa vie et son œuvre elle-même passe paradoxalement un peu au second plan. L’atmosphère de l’époque est cependant joliment reconstituée et l’Oldsmobile décapotable ne rate pas son dernier rendez-vous.

John Haskell, écrivain américain, a écrit un livre intitulé : I Am Not Jackson Pollock (Ferrare, Strauss and Giroux, 2003), un peu comme Michel Foucault écrivant sur le titre Je ne suis pas une pipe d'un tableau de Magritte. Il dit donc de Pollock, dans une de ses nouvelles : « And then he hit the tree. The tree didn’t move so he died » (The Village Voice, 11 août 2003).

Le film d’Ed Harris (cela fait plaisir de voir la photographe de Life, en 1949, utiliser son Rolleiflex avec la célèbre manivelle de réarmement) s’inspire de la biographie, parue en 1991 aux USA, de Stephen Naifeh et Gregory White Smith : Jackson Pollock, an American Saga, traduite chez Tristram... en 1999.

L’œuvre de Pollock n’éclabousse peut-être pas assez violemment l’écran : « dripping » ou « action-painting », sa rage de déverser la matière en minces filets à partir de ses pinceaux ou depuis des seaux sur les toiles étendues par terre (et quoi de plus normal qu’elle se retrouve un jour sur la toile d’un cinéma !) reste en deça de l’effet que produit la rencontre d’un de ses tableaux « en vrai ».

Exposé au Museum of Modern Art de New York du 1er novembre 1998 au 2 février 1999 puis à la Tate Gallery de Londres du 11 mars au 6 juin 1999, Jackson Pollock s’est vu reconnaître une gloire posthume. Il faut préciser que le film d’Ed Harris a été tourné en 1999 et nous parvient en septembre 2003 : la reconnaissance est décidément une longue patience.

Peu d’écrivains français se sont penchés sur l’aventure de cet artiste hors normes (pléonasme ?) et « la brèche » qu’il avait réussi à ouvrir, après s'être dégagé de l’influence de Picasso à ses débuts, comme le dit, à un moment dans le film, sa femme, peintre elle-même.

Jean-Yves Bosseur a cependant montré comment certains musiciens avaient été influencés par l’art de l’improvisation, proche du be-bop puis du free-jazz, de Jackson Pollock (voir Musiques et Arts Plastiques, Interactions au XXe siècle, Minerve, 1998).

En fait, les toiles de Jackson Pollock demeurent mystérieuses, comme une littérature expérimentale ou simplement inépuisable. Elles donnent une idée de l’infini, et une vue forcément petite...

De son pinceau s’est égouttée la peinture, parfois sur d’immenses surfaces, comme du stylo de l’écrivain (à moins qu’il ne préfère maintenant la douceur du clavier informatique) sourdent des flux d’encre dont les gouttes sont parfois couleur rouge sang.

Dominique Hasselmann, 16 septembre 2003.


détails extraits de "She Wolf", cliquer pour agrandir

 

Une palette de liens parmi d’autres :
http://www.ibiblio.org/wm/paint/auth/pollock/
http://www.guggenheimcollection.org/site/artist_bio_129.html
http://www.theatlantic.com/unbound/criticaleye/ce990217.htm
http://www.observer.com/pages/story.asp?ID=72
http://www.haberarts.com/pollock.htm
http://www.telerama.fr
http://www.ecrannoir.fr/films/00/pollock.htm

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