Fabienne Swiatly | Il a fallu

Il a fallu plusieurs jours sans énergie à croire que l’écriture avait disparu et se retrouver bien démunie à s’inventer encore du désir.
Il a fallu jeter la télécommande loin de l’écran comme à chaque fois qu’il s’agit seulement d’oublier l’angoisse poisseuse. Il a fallu arrêter de regarder chaque message envoyé comme s’il avait le pouvoir de changer le cours de la journée. Il a fallu exiger un peu de silence au monde qui toujours veut vous raconter une histoire nouvelle. Il a fallu une longue marche dans le parc de Parilly avec la belle lignée de patineurs tous habillés d’un même rouge, le vieux couple de magrébins qui se donnaient si joliment la main et l’homme qui prenait en photos des oiseaux que lui seul voyait. Il a fallu dans la chambre à la lumière grise allumer la petite lampe bleue. Il a fallu oublier la pluie dehors qui ne se lassait pas de tomber. Il a fallu relire la pièce d’Angélica Liddel, La Maison de la force :

« 
La nature vous ignore.

Le vent…š les tempêtes…š la chaleur…š

toutes ces merveilles vous ignorent.

La chaleur est absolument indifférente à votre putain de vie et à votre putain de mort.

Même si on retrouve vos cadavres déchiquetés au bord du fleuve…š

pour le fleuve…š vous n’êtes ni vivants ni morts. »

Puis il a bien fallu se remettre au boulot. Reprendre l’écriture à ce stade où le texte se finit et que l’on voudrait pourtant tout reprendre à zéro. Un moment de dégoût. Cela va passer, on le sait, on a vécu cette situation de doute tant de fois. Cela va passer.

« Et tes crises c’est du cinéma »

photo@swiatly

8 mai 2012
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