Géraldine Geay | Chronologiques
15.10.18
Je connaissais ce spectacle
Je l’avais oublié, cette fois il dure
Pénible, car j’en vois peu
Même s’il touche la vitre
Je n’y sors pas, n’aiderais rien
Reste à l’abri avec les peurs
Que cette tempête rappelle
La vie pourtant hors de danger
Comme quand on me mentait
Ou qu’une pousse ne prenait pas :
L’ulcère
16.10.18
Nuit chaude protégée
Toutes les secousses réduites en bruit
La tempête réduite à une vibration
Indolore dans la mâchoire
Ça dure, c’est la nuit
J’aurais le temps de pleurer maintenant
Si je ne croyais pas que c’était normal
Le ciel contemporain méchant
Donne la vérité, la vomit en eau
Sur mon plexiglas épais (je suis dans le zoo)
Vient avouer brièvement
À qui fuit
Toutes les épouvantes sont comme ça
À la porte au plexis au verre qui tiennent,
Nous au petit milieu
Qu’elles aient toute la place autour
Qu’on sente leur grandeur qui passe
Ivre piétinant sans joie sans bras
Elles avaient quelle forme quand elles étaient
Dedans avec nous ?
3.10.18
Elle se jette l’histoire sans reprise
Alors que reste sa place vide dans la mémoire
Elle se jette car je ne peux trier
Les histoires des autres
Qu’elles semblent fausses ou vraies
Qu’elles aient des papiers de réel
Ou me disent les avoir
Cette histoire, ancienne tutélaire, notre histoire
Que je nommais « secret »
Dont j’ai tout écouté, tout
Alors qu’avant comme après les preuves
J’en doutais – je faisais bien
Cauchemardais les soirs où j’y croyais
Nos proches l’avaient acclamée
Auraient su la vivre
Nous n’y arrivions pas
Et même si tu ne répondais pas
Je n’écrivais rien dessus
Le petit éclat de notre gêne légère
S’est, toc ou joyau, mieux conservé au grenier
Montré aux soupirants comme un épouvantail
Qui les a faits jaloux ; s’il était donnable
Auquel d’eux aurais-je dû le donner ?
Elle se jette, notre histoire sans messages
Ni étreintes
Elle se jette en apercevant celle
Qui ne peut déjà plus être annulée
Elle se jette et pourtant
Elle était une vieille lubie inoffensive
(même si nous n’en parlions toujours pas)
Un lieu finalement à la mode qui n’arrivait pas
À se charger de mystère
Et elle seule jette, ose jeter :
L’histoire de la triche en livre
Les histoires que je ne voulais pas vivre
L’histoire de la vie du voyeur.
8.10.18
Si même l’affection réciproque
Ne me normalise pas
Elle est encore plus folle et futuriste
Que l’œil sur des vies peu approchées
Si elle ne me corrompt pas, elle qui peut
Personne ne le fera
Elle ne récolte et mord que
Ce que je produirai jusqu’à ma mort
Ou qui part
Certaine et gratuite
Pourquoi veut-on surtout
N’embêter personne avec elle
Ni lui fabriquer de totem insortable
Un instant un siècle ne lui suffiraient pas
C’est elle qui reçoit et qu’on trouve
Sans tournée nulle part jamais
Que j’aille voir des boudeurs ou des courtisans
Des cousins ou ceux
Dont j’essayais de faire mes héros
C’était erreur
Nos je t’aime sincères et multiples
À bien des femmes des hommes
Gratuits : ils devront y venir
Notre inertie ressemble-t-elle
À celle de ceux qui les ont trahis
Je ne sais même plus
Si notre affection a pris du temps
Je me souviens juste qu’elle s’est agencée spéciale
Bizarre, suraidée, torse, différente, nouvelle
Pour qu’on ne puisse pas douter.
24.10.18
Je te vois même quand je suis dans la tempête
Pas pour que tu m’y sauves
Mais pour que tu voies
Que tu la saches ou m’en arraches
C’est pareil
Demain dans le calme je te reconnaîtrai
Tu me seras indispensable
Sur la terre visible
Depuis plein de chemins
Rien ne m’éloigne plus
Tu suis, et je n’enrage
Qu’en t’appelant
Quand tu ne hausses pas la voix
Alors que tout se fait plus bruyant
Pour une autre vie tu as dû être idole
Tu ne l’es pas mais tu n’as pas vieilli
Elle t’aurait collé
Tu m’écoutes, tu me montres, tu es fier
C’est la tempête
Tu te sauves tout seul Toi qui semblait copier.
26.10.18
Écrits de mon cher que je n’abrite pas
Je voudrais les couvrir
Mais personne ne voit
Qu’ils sont nus
Tous l’aiment
Lui le meilleur joueur, l’applaudi
Aux écrits si nus
Lui dont les ballons de richesses
Ont rejoint les bonnes mains
Pour éclater
Lui qui a publié
Des beaux mots de faussaire
Écrit si nu
Dès qu’il écrit
Ses gestes d’or, ses actes d’or
Que tous savent et qu’il ignore
Il en écrit
Il n’invente encore rien
Une infime partie de ce qu’il nous donne
Lui est retournée, et il dort
Rien ne vient s’agiter à la place
De ce qu’il inventera
Les textes douceâtres passeront
Si pendant le déshabillé
On le croit ridicule
C’est que même avant d’écrire Il était profond
On le lit comme une star sans nègre
L’homme adoré
Il avait déjà écrit