Hommage à Pierre Peuchmaurd
« J’ai perdu la trace de l’avenir. »
La meilleure façon de le retrouver est bien sûr de lire ses livres. L’œuvre est importante et imposante. Disséminée chez différents éditeurs, elle se trouve pour peu qu’on la cherche. Sans concession, elle évolue sur une ligne sensible, vive, légère, inventive et inspirée par les éléments, les animaux, le monde végétal, les corps libres, les frémissements inhérents à toute vie secrète et assumée.
« Je vois bien ce que me reprochent quelques uns : c’est de n’avoir pas pris leur sérieux au sérieux. »
La poésie l’accompagnait au jour le jour. L’inverse était également vrai. Venu à elle par le biais du surréalisme, il se méfiait néanmoins des intransigeants qui, accrochés en queue de comète, passaient leur temps à tracer des lignes rouges (à ne pas franchir) un peu partout. Lui, le temps, il préférait le distiller ailleurs et autrement. Là où ses envies ou ses coups de cœur le menaient. Et c’était à chaque fois vers des auteurs avec lesquels il désirait dialoguer pour faire ensuite un bout de route en leur compagnie. La plupart (Anne-Marie Beeckman, Louis-François Delisse, Eugène Savitzkaya, Guy Cabanel, Jimmy Gladiator, Anne Marbrun, Jacques Izoard, Alice Massénat et tant d’autres) sont présents dans la petite collection Myrddin qu’il a animé durant près de vingt ans.
Il travaillait également en grande complicité avec ses amis peintres (Robert Lagarde, Jorge Camacho, Florent Chopin et Jean-Pierre Paraggio entre autres) qui interviennent dans plusieurs de ses ouvrages.
« Comment j’aimerais mourir ? Sous la griffe d’un grand fauve, ours ou lion, dans cette aveuglante douleur rouge, dans cet éblouissement. »
Avec Pierre Peuchmaurd, c’est un discret (de plus) qui s’éloigne. Parmi ses récents recueils, il faut d’abord citer – et ne pas rater – chez Simili Sky (9 rue Garibaldi 93400 Saint-Ouen) Scintillants squelettes de rosée. Un peu plus ancien mais étincelant au possible, son Bûcher de Scève (éd. L’escampette) fait partie, au même titre que Le Loir atlantique (éd. Cadex), Le Bel endroit (Le Dé bleu) ou Les Bannières blanches (Fata Morgana) de ces livres dont on ne s’écarte jamais très longtemps.
« La mort est un insecte doré qu’on tient entre le pouce et l’infini », disait-il dans l’un de ses nombreux aphorismes (qu’il appelait « des fatigues ») qui lui servaient de clous, ou de pointillés, sur lesquels il avait pris l’habitude de marcher en équilibre pour passer d’un poème l’autre en donnant de légers coups de coude à une pensée toujours en émoi.
À noter enfin le bel essai que Peuchmaurd a consacré chez Seghers (Collection « Poètes d’aujourd’hui ») à Maurice Blanchard, l’auteur des Barricades mystérieuses (Poésie / Gallimard) qui lui était, par bien des côtés, très proche.
« Que, mort, l’homme monte au ciel n’est pas très certain.
Que l’oiseau tombe à terre, oui. »
Les citations sont extraites de l’immaculée déception, éd. Atelier de l’agneau, 2002.