Hommages à Philippe Raulet

C’est Jacques-François Piquet, dont il était un proche, qui m’apprend la disparition, à 66 ans, de Philippe Raulet.

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Philippe Raulet intervenait régulièrement dans des stages et ateliers d’écriture, et fait partie de ce petit noyau d’auteurs qui ont donné à ces interventions leur force et leur noblesse, exercice de littérature, et non pas "animation" comme on voudrait nous le faire avaler. Philippe Raulet faisait partie de ceux pour quoi l’écriture en soi ne se sépare pas de ce partage, cette mise en mouvement.
FB


Philippe Raulet avait publié un premier roman Napoléon V ou Chroniques du Palais en 1966 chez Gallimard. Ce sont les Éditions de Minuit qui accueillent, en 1993, Micmac, roman, puis L’Avant, monologue d’un gardien de but, en 1995. Il écrivait également des contes, on signale Les Histoires tombées de l’orme à Martin, avec une préface d’Henri Gougaud (ADELPE, 1988).
Son œuvre, d’une grande réceptivité aux registres de la pensée orale, tisse des liens entre les locuteurs des monologues ou des dialogues qu’il met en scène, les situations imprévues, inattendues où ceux-ci sont plongés souvent malgré eux et les lieux où ils se tiennent, anxieux, sinon de trouver leur propre place, au moins de prendre place quelque part. Elle a su créer des univers sensibles, drôles, pleins de fantaisie, sans jamais l’ombre d’une explication ou d’une élucidation quant à ce qui rapproche ou éloigne les êtres, les fait vivre là où ils sont, faire ce qu’ils font. Il y avait du détachement et de l’ironie dans sa façon de laisser dériver le sens des mots, les ouvrir à leur propre écho, les conduire en voyage.
DD


Début de Micmac :

Les trains de nuit sont interminables, dit la femme à l’homme qui lui prend sa valise, j’ai hâte d’être à la maison, interminables, répète-t-elle en arrangeant d’un geste rapide sa coiffure tandis que déjà ils s’éloignent, découvrant un autre passager planté là sur le mince trottoir, indifférent à ceux qui débouchant à sa suite, éblouis sans doute par la lumière, ne peuvent que le heurter. — Je vous en prie, répond-il aux brèves excuses formulées, tout en contemplant les autocars, moteur en marche, prêts à fermer leur porte sur les derniers voyageurs s’écoulant du hall, puis faisant les quelques pas qui le séparent du plus proche, dont il a pu lire au-dessus du pare-brise la destination : comment est-ce, La Vogne ? demande-t-il, un pied sur la première marche. — C’est ici pour La Vogne, répond le chauffeur, montez ! Mais lui, gravissant la seconde marche : Je veux dire, est-ce en vallée ? — La Vogne ? ça, pour être en vallée !... et plus fort, à l’attention sans doute des habitués : ça grimpe, après, de partout ! et de lui tendre son ticket qu’il détache de l’appareil dont il vient de tourner, d’un geste vif, la petite manivelle au bruit de crécelle, puis monnaie rendue, levant les yeux vers le rétroviseur, de suivre du regard le passager qui progresse dans l’allée, entre les bras des fauteuils auxquels se prend parfois la bretelle de son sac, jusqu’à la première place vide où vite il se pose, préférant, à se relever pour loger son bagage dans le filet, le glisser sous son siège.


Lire le texte d’hommage de Dominique Bondu.

Extraits de va-et-vient paradis, roman de Philippe Raulet (éditions Verticales, octobre 2009).

23 mai 2006
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