L’autobiographie comme exil | 1
« Le poète comme prisonnier, Langue et imagination créatrice en exil », de Réza Barahéni (paru dans On the Issues ©, printemps 1998).
Pour celui qui vit en exil il n’existe qu’un seul pays, le pays où il est né, une seule langue, la langue maternelle. En comparaison, tous les pays et toutes les langues lui apparaissent comme des fictions. Ceux qui ont connu l’exil, qu’il soit forcé ou volontaire, reconnaîtront ce que Salman Rushdie décrit comme « le rêve du retour glorieux ».
Immédiatement après le départ du Shah d’Iran en 1979, des milliers d’hommes et de femmes qui vivaient en exil depuis de nombreuses années ont pris comme moi le chemin du retour. La plupart laissaient derrière eux des choses de grande valeur. J’abandonnais aux États-Unis une réputation d’écrivain, un poste de professeur à plein temps dans une université respectée, beaucoup d’amis. Mais ce devait être notre retour glorieux. Et ça l’a été, d’une certaine façon. La sombre cité de Téhéran nous a entourés dès notre arrivée. Soudain nous avons reconnu les visages derrière les fleurs, nous avons entendu les paroles, les plaisanteries, les poèmes, et senti l’éclosion vive et exquise du souvenir. Nous étions chez nous, ce lieu familier et dangereux.
Je l’avais quitté cinq années auparavant parce que la répression l’avait transformé en enfer. J’y revenais parce que j’espérais que la révolution le transformerait en paradis. Je l’ai quitté à nouveau, en octobre 1996, parce que des années d’un régime brutal avaient fait de l’Iran quelque chose de pire que l’enfer. Ce pays a été le lieu d’une succession ininterrompue de turbulences, avec ses habitants et ses écrivains se redressant et retombant avec chaque nouvelle vague. Il est très difficile d’être écrivain dans un tel État. Il est malhonnête de voir lapider des femmes et de garder le silence. Il est malhonnête de voir interdire les langues d’un groupe ethnique et de garder le silence. Il est également malhonnête de contenir ses sentiments d’amour, d’affection, et de passion entre les limites prescrites par une législation hypocrite, malhonnête de ne pas écrire ce qui arrive entre deux êtres humains quand ils sont dans un lit. Il est malhonnête de ne pas se battre pour la liberté des êtres humains et pour la liberté d’expression en littérature.
C’est dans ces dispositions et cet état d’esprit que j’ai traversé la Révolution islamique de 1979, connu la prison deux ans plus tard, et l’éviction de l’université de Téhéran en 1982. Privé de tous mes droits en tant qu’être humain et contraint à l’exil dans mon propre pays, j’ai commencé à donner des cours, en toute illégalité, dans le sous-sol de mon appartement. Pendant des années ce sous-sol a été, en Iran, le centre de la littérature moderne, post-moderne et féministe. Il a été le ventre collectif de la création pour une génération de jeunes garçons et filles qui se lisaient leurs travaux les uns aux autres, et étudiaient la littérature iranienne et étrangère. Déniés et opprimés par les autorités, nous avons travaillé à éliminer toute trace des styles et de la structure patriarcale dans les écrits individuels. Ce qu’écrivaient ceux d’entre nous qui étaient exilés dans leur propre pays a donné une voix à ce dont notre société était privée.
L’attitude de la République islamique d’Iran envers les écrivains qui n’étaient pas inféodés au gouvernement - qui les traitait d’espions au service des puissances occidentales - a été d’une brutalité absolue. Dès le début de la révolution, nombre d’écrivains importants ont fui le pays ou ont été arrêtés. Récemment trois sont morts dans des circonstances mystérieuses. L’un d’eux, Faraj Sarkouhi, directeur de publication du mensuel Adineh, a subi d’atroces tortures. De nombreux autres ont vécu dans la peur, en se cachant ; plusieurs ont échappé à des enlèvements et à des tentatives d’assassinats. J’ai échappé à deux enlèvements, j’étais assigné à résidence à mon propre domicile ; tous mes livres étaient interdits. Des invitations m’arrivaient de Suède, du Canada, des États-Unis. J’ai dû prendre une décision.
Je suis arrivé au Canada en janvier 1997. Cela a été le plus long hiver de ma vie, cette nouvelle période d’exil qui nous a, ma femme, deux de nos enfants et moi, paralysés et tourmentés. Toute ma vie, semble-t-il, j’ai vécu en exil.
Beaucoup ont tendance à considérer l’exil comme une métaphore de la misère et de la tragédie, ou comme sa métonymie. En fait, c’est encore plus paradoxal. Quand je pense au Canada, l’Iran n’est présent ni dans ma mémoire ni dans mon esprit. L’Iran et le Canada n’ont aucun rapport entre eux. Je suis une personne déplacée ou un écrivain, et ma raison d’être repose quelque part ailleurs. Dans le contexte de la langue persane et de la littérature iranienne, spécialement la langue et la littérature de ces quarante-cinq dernières années, mon travail a un sens particulier. Je ne saurais l’expliquer, même à l’écrivain ou à l’éditeur canadien le plus sympathique. Mais je n’aurais à l’expliquer à aucun de ceux qui ont participé aux travaux d’écriture dans le sous-sol. Ils « savaient » de quoi je parlais ; le même sang coulait dans nos veines. Je n’existe pas, à leurs yeux, physiquement ; j’existe en tant que langue et que littérature. Je ne suis pas, à leurs yeux, un poète et un romancier ; je « suis » la poésie et la fiction. Mais aux yeux de mes amis canadiens, je suis un sommaire, sans aucune signification particulière.
Je viens d’un des plus anciens pays du monde. Ma ville, Tabriz, est un lieu de fables et d’histoires, un lieu reconstruit par Shéhérazade. Je suis une histoire en plusieurs langues. Je suis ce que le philosophe français Michel Foucault a appelé, à propos d’un récit de Jorge Luis Borges, un « non-lieu », qui n’existe que dans la langue. Et cette langue ne se prête pas facilement à vivre dans une nouvelle demeure. J’aime la société multiculturelle canadienne, mais je souffre d’une sorte de claustrophobie. Langue et raison d’être enfouies dans ma poitrine et ma gorge, je me déplace de lieu en lieu, et de celui-ci à celui-là, écrivain véritablement en exil, faisant l’expérience de l’éternel entremêlement de la mémoire, du désir, de l’espoir et de la langue au point que tous les lieux sont laissés loin derrière, et je me retrouve à me tenir dans ma bouche, dans ma gorge, dans ma poitrine - concrètes assises de mon langage poétique. La langue des rêves et des désirs commence à avoir une fonction différente. La notion entière de référentialité se modifie, et je n’ai plus confiance dans mes yeux puisqu’ils ne sont pas aptes à me mettre en contact avec les choses réelles. L’acuité visuelle globale, bien que nouvelle, belle et solidement structurée, diminue. Je ne vois pas les scènes qui se déroulent devant moi. Des visions d’une autre mémoire m’habitent, me torturent, celles d’amis qui sont morts et enterrés, celles de figures aimées qui ont disparu, telle Eurydice dans les brumes de l’enfer quand son époux le poète Orphée commit l’erreur de se retourner. Le poète n’a alors plus rien qu’une langue, une voix, une bouche.
Peu de choses sont plus traumatiques que l’interdiction de la langue maternelle. L’interdiction ne se résume pas à une totale amnésie. Vous pratiquez encore, d’une façon ou d’une autre, votre langue maternelle. Son interdiction pour raisons raciales ou ethniques ne peut jamais être totale parce que vous la pratiquez avec votre famille et vos amis. Mais la culture et la langue dominantes (le persan, en ce qui me concerne) s’imposent à vous, supplantent votre langue maternelle et votre culture (la mienne est turque azérie), qu’elles qualifient de traîtres. Le fait d’imposer l’arabe, le turc et le persan aux Kurdes d’Irak, de Turquie et d’Iran et le persan aux Turcs azéris d’Iran sont des exemples manifestes de ce qu’est la répression culturelle et linguistique. Quand vous la subissez dans votre enfance, vous regardez les visages innocents de vos parents, de votre famille, des habitants de votre ville - en fait, de toute la population de votre région - et vous vous demandez s’il est possible que la langue et la culture de tant de personnes soient à ce point déloyales. Votre langue maternelle devient une conspiration criminelle contre la grande culture officielle de l’État. Si vous écrivez quelque chose dans votre langue, vous devenez automatiquement un séparatiste et un traître envers la souveraineté de cet État. Ainsi, dès votre enfance et votre jeunesse dans votre propre ville vous commencez à vivre en exil, et vous apprenez à haïr votre langue maternelle. Qu’arrive-t-il à votre langue ? Tout simplement, vous l’avalez. Comment ?
Durant l’hiver 1945, alors écolier de Tabriz d’une dizaine d’années, j’ai écrit un article en azéri avec des encres de couleur, et je l’ai affiché sur un mur. L’article était rédigé dans ma langue maternelle, la langue maternelle de tout l’Azerbaïdjan. À cette époque, un gouvernement semi-autonome dirigeait la province. Quelques mois plus tard, ce gouvernement était renversé et le régime central iranien reprenait le contrôle de la ville et de la région. Pour avoir écrit cet article et l’avoir affiché au mur, les autorités scolaires, dont la langue maternelle était la mienne et celle de mon article, m’ont obligé, devant les professeurs et les élèves, à lécher l’encre sur toute la surface de la feuille de papier jusqu’à ce qu’il n’en reste plus trace. J’ai avalé ma langue maternelle. Je n’ai jamais oublié cette humiliation.
Je commençais juste à écrire de courts poèmes, enfantins, futiles, dans ma langue maternelle. Cette porte s’est définitivement refermée. On a fait de ma langue maternelle, langue féminine, langue apprise des lèvres et des caresses d’une mère, une chose cachée. La relation de Je et de Tu à quoi n’avait pas encore introduit la hiérarchie de la syntaxe, le rythme irrégulier et spontané des mains, des oreilles, des lèvres et de la bouche - tout a disparu dans cette humiliation d’avoir à lécher l’encre.
Presque cinquante ans plus tard, j’ai lu ces quelques phrases que la philosophe et féministe française Julia Kristeva aurait pu écrire à propos du cours que ma vie a pris suite à cette encre rendue invisible : « Écrire est impossible sans une certaine forme d’exil. L’exil est déjà en soi une forme de dissidence. » Vous entrez en dissidence par rapport à la norme, aux conventions, aux règles. La langue qui a été avalée produira le fruit le plus concret du langage : la poésie.
Nous sommes environ trente, uniquement des hommes, assis ou allongés sur le sol d’une des salles de détention, dans les étages supérieurs de la prison. Depuis que je suis ici mes yeux sont bandés, si bien que j’ignore que c’est la prison dans laquelle je suis resté, en 1972, plus d’une centaine de jours. Cette fois je suis dans ce couloir, yeux bandés, depuis vingt-deux jours. Tous ont également les yeux bandés. Nous sommes anonymes. Sans nom. Toutes les cellules individuelles sont occupées par des femmes. Quand je m’étends sur le sol, je peux voir sous le bandeau qui serre mes yeux, à travers la fente entre mon nez et mes joues, la procession solennelle des femmes quand on les emmène aux toilettes au bout du couloir. Elles ressemblent à des spectres que les autorités carcérales auraient empruntés aux pièces de Shakespeare. Droites et dignes, elles marchent en tchadors, ou en foulards et longs manteaux. Pas une mèche de cheveux ne s’en échappe. Les foulards sont épinglés sous le menton, et malgré les bandeaux qui dissimulent leurs yeux il y a toujours quelque chose de magnifique dans leur façon de se déplacer. La main couverte de la première tient un bâton tendu par le gardien, les autres suivent selon une ligne irrégulière, la main gauche de chacune posée sur l’épaule de celle qui la précède. Je vois cela à travers la fente de mon bandeau. Le gardien m’a déjà prévenu : si mon bandeau glisse, il me battra sévèrement. En me menaçant, par mégarde il a mentionné mon nom. La nuit venue, une des femmes chuchote en passant : « Monsieur... Monsieur... êtes-vous... le poète, Réza... êtes-vous ? »
Certains hommes dans le couloir ronflent. Sous le bandeau ça brille, mais comme un halo nébuleux, une lumière aveuglante qu’étoufferait un nuage. Le ronflement des hommes est d’un grand secours, mais j’ai peur qu’on repère son filet de voix.
« Qui êtes-vous ? » je chuchote au vide derrière le bandeau, et je me tais, craignant que le gardien ou même l’un des prisonniers proches de moi n’ait entendu ma voix. Plus rien n’arrive de derrière la porte. Elle ne veut peut-être pas me dire qui elle est, elle était simplement curieuse à mon sujet. Puis elle parle.
Ce qu’elle dit m’abasourdit : « Nous sommes enceintes toutes les quatre. Ils vont nous tuer. »
N’osant faire le moindre mouvement qui trahirait cette conversation aux gardiens, j’attends. Elle aussi attend. Presque une demi-heure plus tard, elle respire soudain lourdement et dit :
« Ca bouge.
— Comment ? je demande malgré moi.
— Là. En moi. Joie... L’enfant... Il est là... Réza... »
Je ne sais pas quoi dire.
« Mon papillon, murmure-t-elle. Là, Réza... là... Mon papillon... qui bouge... là... Paume... Sous ma...
— Soyez prudente. Ils pourraient vous entendre. » Un peu plus tard je demande : « Où est votre mari ?
— Tué.
— Quand ?
— Il y a trois semaines. »
Je ne sais pas quoi dire. Rien ne m’a préparé à parler à cette femme dont le mari a été tué, qui répète « papillon », et qui semble me proposer de toucher et de sentir les mouvements de son enfant à travers sa peau. Comment une femme iranienne peut-elle dire ces choses à un homme, à un étranger ? Son esprit est-il dérangé ?
« C’est chaque jour... Mon papillon... Chaque jour maintenant.
— Demandez-leur de vous emmener à l’hôpital... Dites-leur de vous y envoyer.
— Ils le feront... Pas la peine... Pas leur demander... Ils le feront quand les douleurs commenceront. »
Après un silence elle demande : « Quel est votre crime ?
— Je ne sais pas, je chuchote, je n’en ai pas la moindre idée.
— Pensez-vous qu’ils vous libéreront ? »
D’abord je ne l’entends pas très bien - ou je ne peux pas croire ce que j’entends. Comment peut-on mettre une femme dans cette situation ? Puis j’entends quelques simples phrases. Et rien d’autre. Le jour suivant, on la sort de sa cellule. Toutes les femmes pleurent. Ensuite, plus aucune ne me parle de derrière la porte ; elles sont maintenant trois à aller aux toilettes. Quelques jours plus tard, on me déplace vers un autre étage, un autre exil. Ses phrases hachées de derrière la porte résonnent à mes oreilles :
« Ils tueront... Je n’ai aucun doute... Ils me tueront sûrement... À la naissance... Mon papillon naîtra et immédiatement après, on m’emmènera et on me tuera. »
Ces phrases m’ont été adressées en persan. Je les écris en anglais. Aucune de ces langues n’est ma langue maternelle. C’est cet exil-là que Julia Kristeva, elle aussi écrivain exilée, a appelé « une façon de survivre ». Comment ce processus qui m’a permis de survivre s’est-il déroulé ? À la maison, à l’usine, au marché, même à l’école entre élèves et professeurs, on pratiquait sa langue maternelle. Mais la forme écrite de la langue de l’école, la forme écrite de la langue du travail, de la police, des tribunaux, des films était le persan. La langue de la littérature et de la poésie était le persan. La langue maternelle ne méritait qu’humiliation et assujettissement, comme ma mère vis-à-vis de mon père qui l’avait toujours dominée. L’exil hors de la langue est la schizophrénie linguistique de tous ceux, individus ou peuples, qui sont soumis à la domination d’une langue.
L’engrenage de l’amour et de la haine se met en place. C’est quelque chose qui a toujours trait à mon père, jamais à ma mère. L’amour maternel est total. Sans ma mère, je ne serais pas la personne que je suis, poète et romancier. Pour apprécier quelque chose, je dois y déceler l’élément maternel. L’imagination implique qu’on le découvre dans tout ce avec quoi nous entrons en contact. Mais plus que n’importe quoi au monde, c’est la langue qui est maternelle. La mère a joué à la langue avec nous. C’est à travers elle que cet amour généreux accorde à la langue sa capacité poétique. La poésie est une langue dans laquelle les mots tombent amoureux les uns des autres ; ils cessent d’être utilisés de façon extérieure, non affective. Un poète qui écrit dans une langue qu’il a choisie ne sera pas un grand poète avant qu’il n’ait découvert le rapport mère-enfant dans cette langue.
Dans la littérature, l’exil a pris différentes formes. C’est Samuel Beckett qui choisit d’écrire la plupart de ses pièces et de ses fictions en français. Il m’aurait été impossible d’écrire de la poésie ou de la fiction en turc azéri. C’est Vladimir Nabokov qui écrit la plupart de ses dernières œuvres en anglais. Recherchant l’autre dans la langue, la tradition et la poétique de la fiction, James Joyce expérimente les dispositifs de l’écriture même. Son exil volontaire hors d’Irlande est un des événements importants de la littérature mondiale. Certainement, ce sont de grands moments dans l’histoire d’une nation quand un écrivain sent que, par chance, il peut demeurer parmi les siens, s’enrichir de cette expérience et écrire à ce sujet. Mais l’exil est également une aventure, une expérience dans un monde autre qui permet à l’imagination de chacun d’aller dans des directions inconnues, à la fois techniquement et spirituellement. Les lettres de Joyce et son premier roman montrent qu’il s’est intentionnellement expulsé d’Irlande afin d’embrasser l’expérience non seulement du Continent mais également des continents de l’aventure artistique. Un territoire né de l’imagination a été créé par les œuvres de ces écrivains que ne définissaient ni les périodes historiques ni les pays où ils vivaient.
Un tel exil franchit les frontières idéologiques, philosophiques, politiques. En exil, vous sortez des normes et des conventions de la pensée et de l’imagination. C’est le désir de voir au-delà, d’avancer « dans l’exil », tel Dante imaginant et parcourant les étapes de l’imagination elle-même.
Quand j’apprenais le persan, j’étudiais également l’anglais, ma fenêtre sur Shakespeare, Joyce, Virginia Woolf, Gertrude Stein. Quand ma mère est morte de la maladie d’Alzheimer dans une maison de retraite de Téhéran, en 1995, j’avais commencé d’écrire en anglais un roman que j’avais l’intention d’intituler « Notre Dame des Scribes », l’histoire d’un poète qui partage sa nourriture avec d’autres. Une heure avant sa mort, j’ai ôté le noyau d’une datte et j’ai porté le fruit aux lèvres de ma mère. Elle a soulevé ses bras fragiles, pris la datte, l’a partagée en deux et m’en a tendu une moitié. Elle a porté l’autre à ses lèvres, l’a lentement embrassée, mais ne l’a pas mangée. Elle est morte une demi-heure plus tard, cette moitié de datte entre ses doigts. Mon roman a été interdit de publication en Iran. Trois mois après mon plus récent départ en exil, il était publié en Suède. J’écris maintenant du Canada, j’écris sur ces continents qui se dressent du passé afin d’exiger un avenir.