La Ralentie
La première ombre
Une flaque d’ombre reflète l’architecture du musée, La Ralentie y patauge à plaisir à la manière d’une enfant après quelques pluies sous un climat caniculaire. Les bienfaits de l’eau sont immédiats mais éphémères, dans les yeux de Lorellou la grande façade dédouble ses entrelacs en vagues. Une onde en balustrade court tout le long et puis cinq autres traversées jusqu’au cinquième étage par un escalator. La distance qui sépare un point d’un autre point est un ineffable vide, la loi des intervalles un grand mystère. Dans l’infime mouvement entre deux étages un ensemble de marches compris entre chaque valeur de l’escalier roulant chuchote : « J’écoutais l’ascenseur. Tu te souviens, Lorellou, tu n’arrivais jamais à l’heure. »
Ut pictura poesis
Lorellou est dans l’alphabet. Les lettres découpées sont un verbe. Elle est heureuse en le lisant, elle est heureuse en ne le lisant pas. Elle ne croit pas qu’elle sait, elle n’est plus pressée de savoir. La Ralentie n’a plus besoin de ses rêveries hollywoodiennes, elle est dedans et s’y détache en caractères majuscules. Enfin chez elle dans l’entre deux du mot et de son ombre, elle est atteinte du dard de la lenteur. Les mots figurent les mêmes signes, il lui suffit de les organiser différemment. Le récit devient une image qui raconte le lent déplacement entre terre et cieux du linguistique et de l’iconique ressenti au plus profond du profond du corps de Lorellou et qui lui chuchote : « Écoute, je suis l’ombre d’une ombre qui s’est enlisée. »
Malerei, Fotografie, Film
Les champs rectangulaires blancs sont le vide. Les gris, les rouges, les jaunes, les bleus sont le matériau. La conceptuelle pièce tangible rejoue la dynamique de la campagne hongroise regardée par le peintre et lui redonne un sens. La Ralentie regarde la pensée regardée de l’espace pictural et le lieu d’émergence d’un sens des sens. Toute forme peinte dans sa propre limite échappe au mouvement, le film a arborisé des moments de l’acte de vivre que la photographie avait fixés. Le modulateur d’espace-lumière montre qu’avec la Vision in Motion une trilogie peut être ni hiérarchique, ni historique, si seule la lumière établit les liens entre les genres.
Quand la peinture pense, la poésie entend toute la chair du monde et retrouve le chuchotement premier : « Sortirai-je ? Sortirai-je ? Ou bien ne sortirai-je jamais ? jamais ? »
La Salle Blanche
Le tracé du dessin et celui de l’écrit ne se font pas en même temps, pourtant ils élèvent ensemble une page à la puissance d’un ciel étoilé. Un mur, fut-il blanc, ne fabrique pas lumineusement une action restreinte, il ébauche une divagation et joue à son tour le coup de dés. Au hasard des douze plaques en aluminium anodisé Lorellou choisit la septième : COMME SI. Un jour elle avancera moins lentement mais alors ce sera trop tard, elle en aura fini, elle ne sera plus fatiguée, elle ne sera plus touchée, elle ne sera plus une amante qui a besoin d’aide, elle ne sera plus La Ralentie. COMME SI le merveilleux édicule où il n’y a que des mots d’artiste, l’espace poétique ouvert par la tautologie de la phrase titre du poème, lisait une partition chuchotée : « On ne rêve plus. On est rêvée. Silence. »
Toutes sculptures murales copyright Jian-Xing Too