La comédie humaine d’Arlene Heyman
Tard dans la vie l’amour d’Arlene Heyman, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anne Rabinovitch, a paru aux Éditions Christian Bourgois.




L’auteure, psychiatre et psychologue new-yorkaise, est certainement passée maître dans l’observation de nos processus les plus secrets, les plus retors. Mais elle est aussi une virtuose de l’accident, inaugural ou final : ouvertures et chutes de ses récits sont souvent savoureuses.
L’art de la nouvelle tient à la fois dans son économie narrative et sa construction qui ne peut comporter aucun à-peu-près. Il faut à la fois aller vite et prendre son temps. Que tout un imaginaire se développe dans l’esprit du lecteur. La fin semble toujours repoussée et quand elle arrive, on la prend comme une gifle.
Dans « Dancing », la nouvelle la plus longue du recueil, l’architecture narrative est une petite merveille du genre. La leucémie d’un homme, Matt, et la chute des Twin Towers se font écho, cernant peu à peu la vie de la femme et du fils de Matt.
Un ballon qui fracasse une vitre, la tête tranchée d’un saumon sont les micro-événements qui font exploser le récit presque naturel de la vie qui continue, presque indifférente aux bouleversements privés et publics.
Tout est dans ces « presque », qui, en permanence, agissent comme des points de bascule, où l’apparente banalité du monde se transforme en une farce cruelle.
Parce que les personnages de son livre ont déjà eu plusieurs vies, parce qu’ils jouissent sans entraves et ne se privent pas de mots pour dire leurs désirs, parce que désirs et besoins se superposent, parce que romantisme se confond avec kitsch, parce qu’il n’est plus temps d’habiller d’illusions et de faux-semblants les moments importants de l’existence, parce que mieux vaut être cru que cuit, les nouvelles d’Arlene Heyman sont jubilatoires. Les femmes en sont les narratrices insolentes et mélancoliques, l’amour ne peut jamais être complètement tourné en dérision. Il est un moteur de vie exceptionnel et l’âge n’y change rien. Tard dans la vie l’amour : que du bonheur !