Le Languedoc, c’est ma terre d’enfance
Textes de KF
Du parquet, en chêne, des moulures au plafond, des cheminées grandes, en marbre dans chaque pièce avec une glace au-dessus qui reflète les chandeliers allumés avec les lumières des 5 bougies de chaque chandelier. En général 2 chandeliers sur le bord de la cheminée. Ces lumières vivantes de la fête, qui font danser les arbres des moulures et des visages.
Le matin, ce sont des micro bruits de maison ancienne, le chêne ancien, le bois qui craque. Le déplacement silencieux d’un chat sauvage qui va vérifier s’il n’y aurait pas une souris ou 2 à chasser dans un lieu idoine, en général la chambre, le cellier ou la cuisine. C’est aussi le cliquetis des griffes du chien sur la pierre, la tomette ancestrale du sud, puis sur le plancher de chêne – quand il décide de venir me voir.
Le coucher dans les draps de lin, rêches et doux à la fois. Si lourds et si sympa pour dormir lorsque les autres crèvent de chaud.
La maison familiale qui a été conçue et construite par mon arrière-arrière grand-père du côté de ma grandmère avant 1900. Une maison immense avec ses 9 très grandes pièces sur deux étages. Les plafonds à plus de 4,50 m. Avec cette grande terrasse au-dessus de laquelle figure la glycine bicentenaire, au tronc de baobab.
Arrivé dans un virage en Z à double 90 °, vous rentriez au milieu du deuxième virage dans ses 45 °, pour surgir, le large portail vert pomme pâle, couleur du midi Languedoc, aussitôt franchi, dans une cour en L.
Le portail débouchait sur une large terrasse en face de vous et, sur notre gauche, les poubelles cachées derrière le battant d’un volet du portail et aussi par un énorme buisson que l’on taillait peu, de sorte qu’il remplissait bien son office de cache misère.
Sur la droite, tout en long, il y avait cet auvent, le garage de 90 m de long. Plus de 10 m de haut. Eclatante et blanche, la pierre. Une muraille du Moyen-âge en torchis ancien qui date du temps des templiers. Au sommet de ce mur, à plus de 15 m de haut, les toits des maisons adossés.
Les toits étaient faits d’immenses tuiles vernies, colorées du siècle dernier.
Les deux côtés du L étaient en pente qu’il fallait bien grimper pour aboutir sur du plat. Nous prenions le plus souvent - mais pas toujours - à gauche vers la grande demeure familiale. Sortis de la calèche, et plus tard, de la voiture, nous repartions vers la pente du L mais avant d’y arriver, nous tournions à droite dans le jardin d’agrément étincelant de vert et de luxuriance, de la verdure du Sud, des plantes inondées de soleil, mais qui ne manquent pas d’eau.
Entrés dans le jardin, nous faisions quelques mètres pour tourner à droite vers les 8 marches du perron qui donnait sur la terrasse ombragée de la glycine, havre de paix adoré de tous ceux qui y avaient jamais goûté à 25 km à la ronde.
Devant nous, la porte bourgeoise en bois peint marron, à double auvent, heurtoir ouvragé, poignées boules etc., vitraux qui nous faisaient face. Une grande marche d’une seule pierre pour franchir le seuil.
Pour avertir de notre présence, point de sonnette, mais un énorme heurtoir du 19e siècle qui trônait au centre de cette porte à deux battants. A hauteur d’homme derrière des grilles en fer forgé, il y avait des sortes de vitraux colorés de fin 19e, qui de l’extérieur masquaient la vue du visiteur, alors que de l’intérieur, ils nimbaient la vue de couleurs vives et éclatantes, chatoyantes en été et mordorées en hiver.
Lorsque cette majestueuse porte s’ouvrait, nous pénétrions dans un hall rectangulaire de 5m X 15, avec au fond en face de nous une deuxième double porte, mais intérieure le bas étant en bois, alors qu’à hauteur d’homme et de géant était une vitre transparente et blanche gravée au chiffre et armoiries du propriétaire, mon arrière-arrière-grand-père du côté de mon père et par sa mère et la mère de celui-ci. Les choix des hôtes précédents, d’un bon goût luxueux et plaisant à voir, avaient été préservés et protégés. Entretenu avec amour, ils transmettaient nonchalamment et par osmose directe, une science sûre du bon goût en mélange de la qualité traditionnelle du Languedoc Roussillon et des exigences du recevoir à Paris, capitale riche où il fallait bien monter et tenir son rang.
Ce hall comportait en chacun des murs du milieu des doubles portes de traverse qui menait à votre droite dans le grand salon où l’on tenait aisément à vingt personnes les grands jours de fêtes ; cette pièce étant cependant fort encombrée d’un piano, d’un sofa, d’une liseuse, de chaises et de fauteuils Louis XV en nombre et de 2 fauteuils crapauds recouverts d’une soie de Chine noire tissée de bleus et d’ors d’un effet prodigieux sur nous, les enfants, mais je gage que l’ensemble valait largement le coup d’œil et son déplacement pour nos visiteurs occasionnels et réguliers.
Après avoir longtemps discutaillé, mené conversation, avec anecdotes et force bons mots comme on en est friand en France depuis plus de 500 ans, vu que je sais qu’à la cour d’Henri le troisième déjà la chose était courue et reconnue. Mais sous Charles IX autant, et Henri I ou François 1er aussi. Aussi cette mode se perpétua-t-elle lorsque Henri IV, successeur huguenot du bon roi catholique Henri III, eut son règne. Après donc avoir discutaillé, mené la conversation, écouté et bien ri, on avait dès lors bu jusqu’à trois apéritifs avant de passer à table de l’autre côté du hall passant la double porte, nous étions trois mètres plus loin jetés sur la grande table de la maison sur laquelle on pouvait tenir à 4 ou 5 dans la longueur et à 2 personnes bien confortablement (3 si nécessaire) dans les côtés.
C’était alors tous les plaisirs des agapes de ces repas de fête bourgeois où les histoires drôles, les bons mots volent d’un coin de la table à un autre, alors que les fourchettes ardentes à la picorée s’échinent sur une tranche de gigot rosé, accompagné de ses éternels haricots verts extra fins et de sa grenaille de pomme de terre à la graisse d’oie.
Après cela, venait la salade verte, toujours issue de notre jardin potager, dont la sauve vinaigrette de vin fait dans le vinaigrier du fond de la cambuse et d’huile d’olive verte, première pression à froid.
Passait alors le pantagruélique plateau de fromage où il devait figurer en bonne place par tradition plus que quadri-séculaire : le roquefort et le comté affiné plus de 23 mois (comté vieux). Deux choses dont je raffolais mais n’étais point le seul.
Venait enfin, mais ce n’était point encore la parfin, le dessert. Toujours fait maison, et excellent, par tradition - noblesse oblige. Il pouvait s’agir d’un vatrouchka si l’hôte invité était russe, d’une tarte aux fruits - aux pommes si nous étions en septembre - février. Aux abricots en juin et début juillet, aux pêches blanches en juillet, jaunes en août... Si l’invité avait un lien avec les anglo-saxons, on pouvait alors lui faire un crumble des plus délicieux. Ce ne sont là que quelques exemples bien classiques de ce que l’on trouvait à notre table, outre le gâteau de la Reine de Sabba, accompagné de sa crème anglaise à la vanille Bourbon naturelle. Ladite crème réalisée avec une finesse toute upper classe, dépassé le goût bourgeoitisant de la moyenne gentry pour aller vers l’exigence et la finesse de la très haute cuisine de luxe des palais les plus fins et les plus exigeants du monde.
C’est à chaque fois la même histoire renouvelée des sensations riches de diversité et de finesse qui explosent tel un feu d’artifice en bouche. Dans notre palais, cela chatouille, cela papille, papillonne en effervescence d’un endroit à un autre dans la 3D du palais de ma bouche.
La seule fois où j’ai goûté quelque chose s’en approchant mais d’un moins grand luxe de sensations, c’était au Ritz à Londres. Une pluie anglaise se déverse avec des bourrasques en chien, et nous décidons de sortir du cab londonien, ce taxi typiquement anglais, pour aller nous réfugier dans un endroit cosy et voluptueux où le chiendent et la chienlit ne pénètrent pas.
Si le crumble était devenu un gâteau des plus quotidiens, car il permettait de nous faire consommer quantités de fruits, il suffisait de varier suivant les saisons la nature du fruit qui constitue l’ingrédient principal ainsi que leur nombre. Si un peu de lassitude se faisait sentir du fait de la monotonie de l’expérience ; quoi, encore du gâteau, du crumble ! On pourrait pas avoir du clafoutis ou un quatre-quarts pour changer ? Alors on nous mettait des épices, la cannelle et la vanille étaient les plus couramment utilisés, mais la fleur d’orange, l’eau de rose n’étaient pas à dédaigner dans ces contrées du Sud où l’odorance fait partie intégrante de la vie. Avec les fleurs d’oranger on nous faisait les « bougnets » une sorte de pâte fine aromatisée à la fleur d’oranger et ensuite dans de la friture d’huile de pépin de raisin. Bien utilisé cette pâte donne un beignet - d’où le nom en Catalan- des plus raffolant. Que ce soit pour la repue de midi, où pour notre quatre-heure, je n’ai jamais dit non, une dénégation à la proposition d’un de ces merveilles au palais.
La Reine de Sabba était de tout temps le gâteau fétiche des anniversaires. Comme nous invitions beaucoup et adorions faire la fête, il a fallu en inventer une version en pièce montée à 3, 4 ou 6 étages suivant le nombre et la qualité des convives. Les adolescents dévorent davantage que leurs cadets.
Il y eut aussi les improbables, les curiosités et les carrément ratés, mais loin que de vous mettre en appétit, leur recension finirait par vous affamer.
La Reine de Sabba donc, disais-je, est un mélange secret, une recette de famille. Elle peut s’évoquer en goût à votre palais pour les quelques becs fins qui ont eu l’heur de goûter au fondant au chocolat, au Vatrouchka et aux cakes au citron et à l’orange de Kayser, auquel il faudrait sans doute rajouter le soufflé à l’orange (issu du soufflé à la mandarine). Quoique fort riches, ces mets enchantaient nos estomacs et suscitaient le bonheur parmi nous.
Mais il faut bien redescendre, que ce soit pour aller à sa classe de maternelle, d’école élémentaire, avec son entourage bariolé et son crépitement de langues étrangères qui se répondent en écho du début du préau, jusqu’à la cours de récréation.
Du portugais à l’espagnol, de l’italien au grec. Et je passe sur le sri-lankais, le vietnamien, le mauricien. Ce n’était pas encore le chinois de nos jours, naguère, ni le japonais ou le russe mais pour des oreilles toutes neuves, cela impressionne et vous fait ressentir les émotions du voyage immédiatement, d’emblée ou avec écho à la lecture de quêtes et de voyages. Que ce soit pour les Trois Mousquetaires avec les patois et dialectes du gascon au picard en allant passer par les allemands et les anglais ; ou outre-atlantique dans ces contrées totalement inconnues mais vite mythiques que sont le Canada, avec le Québec et les Etats-Unis d’Amérique.
Pour moi, le voyage vers les USA passe par l’Afrique, puis par les Caraïbes, le Brésil, puis on remonte la côte Est des Etats-Unis vers le Nord.
Il y a donc cette menace des indiens cannibales dès que vous êtes dans un pays chaud, d’îles, avec une invisibilité des habitants en bordure de la côte et toujours dissimulé dans la jungle.
Oui immédiatement l’été de ce 29 juillet 86 m’évoque le temps des vacances, donc celui des voyages. Car si nous n’allons pas au même endroit, nous n’échappons pas à la chienlit des congés payés. Cette transhumance qui fait converger le troupeau des travailleurs d’un endroit vers un autre, vers un lieu où on l’on ne fait rien. Rien d’autre que de se faire griller sur le sable. Cette félicité à se faire rôtir enduit d’huile sur les plages, jusqu’à en acquérir cette couleur rouge vif, et cette sensation de brûlure partout, sur les joues, le nez, le front ; dans le dos et sur les épaules ; et jusqu’aux cuisses.
Quelle ardeur à acquérir ces coups de soleil que nous fuyons avec constance dès que nous sommes dans le sud. Et comme je m’en apercevrai plus tard, nous y avons éduqué nos chiens qui trottinent avec nous, nous précédant ou nous suivant d’une zone d’ombre de l’église romane du XI, XII et XIIIe siècle jusqu’à celle du cyprès puis la course jusqu’au figuier, pour traverser la cour.
C’est une cour à la blancheur éclatante, écrasante avec ses gros graviers tout blancs de granit au sol et ses énormes pierres rondes du sud, maçonnées dans les murs d’ocre et roux typique du Roussillon. Pour cela, le Languedoc, c’est ma terre d’enfance. Avec ses pierres issues de la terre, des champs à cultiver.
Cette terre, elle est cultivée en fonction des besoins locaux et de sa qualité. Des maraîchages, des potagers quand la terre est bonne et qu’il y a de l’eau. Souvent on reconnaît cette terre à sa consistance limoneuse, un genre de sable épais dans lequel tout pousse, car ce n’est pas du sable, mais de la bonne terre nourricière. D’ailleurs, il n’y a plus guère ou pas de pierre dans cette terre-là, cultivée d’époques et de temps immémoriaux.
Elle est grise ou ocre. Après un bon temps de sécheresse et de chaleur ; le sol est tout dur et craquelé mais parfois friable à certains endroits. Et si on creuse un peu profond, on retrouve de la fraicheur, indice que les plantes souffrent mais elles trouvent du réconfort à l’intérieur de la terre.
Ailleurs, loin des rivières, souvent sur des coteaux de plus en plus pentu, un champ de vert à perte de vue, immense. C’est la vigne.
De loin et pour le béotien, ce sont tous les mêmes plants. Impossible de distinguer la syrah du mourvèdre, la folle blanche du grenache ou du muscat de Rivesaltes. Ces mots de vignerons éleveurs se mélangent avec ceux des lieux géographiques dans un enchantement de son et d’évocation de sensations et de saveurs : près de la Canterranne, à la Madlock ou à la Massane. A la Coulemine, aux Ouches ou à Sensas. Sise Carabès ou près de Thuir, ou encore passé Trouillons sur la route d’Elne. Les vignes d’Argelès ou de Saint-Cyprien ; celles de Canet (-en-Roussillon).
Les vignes ancestrales de PortVendre dont notre ancêtre est le créateur ou de Collioure où le goût du vin est si typique qu’il figure à la table des Rois de France, d’Espagne et de Navarre. Et bien sûr le Roi de Majorque si peu connu sauf des historiens et des nobles de ces contrées. Tous, ils ont connu et fortement apprécié le grenache et le Collioure, alors que les gens ne connaissent plus que le valgus Porto, bien sûr le ruby et la gamme au-dessus mérite le détour mais sinon, nos bons vieux vins français sont pourtant si supérieurs, si fins et non-trafiqués.
Pourquoi alors tenter d’aller se ruiner la santé avec des vins italiens dont on ne nous laisse désormais que les mauvais et empoisonnés ?
Et pour des vins empoisonnés :
S’ils ne l’étaient qu’à la dioxine, encore ; mais non – il faut déguster outre les métaux lourds, les rares, et des composés chimiques ou pétroliers hautement cancérigènes et répandus partout par la mafia.
Donc l’été bien sûr, c’est aussi l’Italie, mais le 29 juillet, ce sont les lacs glacés pour se refroidir de ces canicules torrides, de cette chaleur infernale qui vous chauffe le sang, le fait remonter à la tête, avec des battements sourds aux tempes, et le saignement du nez, en flots. Le corps déborde comme une cocotte-minute chauffée à blanc, ou à rouge sang.
Après une heure passée dans cette eau qui désormais ne vous semble plus aussi froide, vous voilà prêt pour affronter une indéniable salade de tomates italienne, avec sa fêta, son concombre et ses quartiers d’orange sucrés. Gaillardement repus, mais en pleine forme, ce repos de Gargantua se poursuit par l’attaque d’un quartier de la pastèque de 7 kg. Et là, pas de quartiers.
Les insectes volent en tous sens autour de vous et il vous faut porter une extrême attention à chaque bouchée pour ne pas dévorer une guêpe ou un frelon. Lesquels gavés et repus ne sont pas agressifs mais gare si vous les provoquez. La riposte sera alors terrible, voire mortelle. C’est ce qui fait que les parents gardent présent le lieu du point d’eau le plus proche pour s’y plonger à l’abri au plus vite en cas de besoin, et aussi une grosse et grande serviette ou un torchon de combat pour écraser l’intrus qui en veut à nos victuailles.
C’est cela un 29 juillet ; c’est passer du temps à savourer chaque minute de la vie qui se déroule, paisible devant vous. A apprécier la prodigalité profusante de la mère Nature et à échanger avec des personnes aussi ravies que vous sur le bonheur de la vie passée ensemble dans ces moments de vacances.
C’est une forme d’errance, on a fait et on continue le périple de sa migration, laquelle est un tour d’Europe où de ce qui le deviendra naturellement puisqu’on est allé et qu’on ira en Espagne, terre de Cocagne où tout est si peu cher que c’en est donné. Merci Franco, merci la dictature et le meurtre qui a maintenu ce pays dans la pauvreté en assassinant toutes ses forces les plus vives : intellectuels, artistes, écrivains et peintres…
Notre errance en Espagne visite, recherche, avidité de découverte et de vision de choses belles et anciennes qui vous forment le goût dans un ravissement de plaisirs.
C’est la chatoyance des couleurs ocres et rouges, ces tons du Roussillon catalan, ces jaunes que Monet a tant aimé qu’il les a copiés et mis dans sa cuisine à Giverny et sur sa vaisselle, à côté de sa collection d’estampes japonaises.
C’est cela l’été, c’est le vagabondage, le guide Michelin (le rouge, le vert) en main. Un peu plus tard, ce sera aussi le petit Futé de Lyon ou le guide du routard. C’est une communion et une osmose avec mes lectures passées, présentes et futures. Bien sûr les Jack London, les Dumas des chevauchées des Trois Mousquetaires, les mers chaudes de la mer rouge ou des Caraïbes avec Sir Henry de Monfreid, James Oliver Curwood et Pierre Loti et son Ramuntcho. C’est la possibilité de jouer à la pelote basque, la Cesta Punta contre les murs des églises, les frontons plats et aveuglants de soleil. C’est aimer voir ce qu’on aime et aller voir ce qu’on aimera. Ce plaisir de la recherche du nouveau, de la découverte de choses, des meubles, des étoffes, des tapisseries, des architectures étranges et pourtant si familières aux enracinés dans notre culture ancestrale. C’est aimer la Sardagne au son du fifre, cette danse archi codifiée, difficile et exigeante tout autant que les Cayley celtiques, ceux de River Dance…
C’est une lenteur qui permet la pleine communion avec la Nature. On y aime ce qu’on voit et on va y voir ce qu’on va aimer !
Enfin le 29 juillet, c’est voir les juillettistes se préparer à partir et les aoutiens qui arrivent. En sachant bien que nous les hyper-privilégiés, nous bénéficions de juin à septembre et parfois même à début octobre d’une liberté de vacance incomparable, celle de la classe que Pierre Bourdieu dénonça.
Le 1er janvier est un jour de fête repu, après avoir dévoré comme cinq les 24 et 25 décembre, s’être emparé de reliefs qui restent pendant la semaine qui a suivi, nous avons festoyé pour les réveillons. Et nous voilà, le lendemain, l’estomac encore trop plein de la nuit et de la fête précédente. Il faut penser à de nouvelles résolutions pour l’année qui s’en vient, il faut aussi penser à changer l’année que l’on a écrit machinalement dans ses prises de notes, en haut, à droite de la feuille recto 21X29,7 blanche (A4).
Enfin vient vite le moment où l’on doit choisir ce que l’on va manger des restes et des nouveautés de fête. Il reste encore du foie gras d’oie, un délice mais nous ne pouvons même songer à en manger plus qu’un gros morceau sous peine d’indigestion directe. Il y a aussi le saumon fumé sauvage d’Ecosse. Tranché fin et au dernier moment c’est un régal mais nous en sommes déjà à notre 6e tranche si l’on compte la repue d’hier au fil du réveillon.
Il faut encore choisir entre des côtes de carré d’agneau cuites aux sarments de vignes de l’année, ou de la poularde de Bresse, dorée, puis cuite dans son jus de bouillon de veau aux légumes. Enfin et pour faire bon compte on y aura mis sur la demi-fin de cuisson, 3 bouteilles de Gewurtzraminer.
Cette viande, comme mouillée de tendresse, de saveur de légumes et de fruits, dégustée en plein hiver, est comme le ying et le yang dans laquelle on voit déjà se profiler le printemps des petits légumes frais à venir, ainsi que les fleurs et les fruits en saveurs explosives de l’été.
Et là… Là est le grand luxe de cette viande d’hiver, accommodée en un mélange aussi subtile de printemps mâtiné d’été, au plein cœur du grand froid. D’ailleurs, le grand froid, il va nous falloir l’affronter car nous sommes de visite chez les uns et chez les autres mais mettre le nez dehors, cela veut dire affronter la tramontane violente et glaciale, déferlant depuis Fort-Romeux, au cœur de l’hiver, la pluie te reproche bien vivement de ne pas l’avoir prise au sérieux.
La sensation de froid mouillée et cinglante, cuisante. C’est comme si tu prenais sur ton visage des coups de baton qui te laisse des traces de feu glacé. Et pourtant, ce ne sont au toucher que des gouttes de pluie.
Mais ce qui reste comme souvenir, avant tout, ce sont des moments chaleureux de l’accueil rugueux. Totalement sincère, à la fois bourru, viril, franc et heureux de nous voir, car les uns et les autres, nous n’avons guère le temps.
Mais là, dans cet instant, le temps est vaincu. Il est arrêté et seul compte le moment présent, le moment de l’accueil et sa qualité. Son immense qualité, celle du siècle dernier, lors on avait tout son temps car il n’était pas compté. Et c’est ça le luxe. Le temps total accordé à l’autre.
Nous avons là un savoir-faire et un savoir-être, vestige du passé. Il s’agit des reliques d’une culture qui disparaît sous les coups de buttoirs du capitalisme sauvage. Celui des 100 crachs par secondes, celui des hors-la-loi qui gagnent toujours, à tous les coups avec leur HFT (Trading à haute fréquence), et qui refusent toute réglementation dont la taxe ATTAC, la seule à ma connaissance à même de régler ce problème.
Ces macron-gens, empreints d’un total libéralisme forcené me débectent. Un jour le peuple se retrempera dans sa gaulois-attitude et il descendra de ses songes, ceux des canapés – coach – potatoes, ceux qui passent leur temps sur des divans à rissoler comme des patates dans leur graisse, et il viendra couper quelques têtes, j’espère les bonnes… afin que de montrer aux élites possédantes, prosélytes, que la misère du peuple doit avoir des limites, c’est nécessaire.
Mais c’est sûr, tant qu’ils nous maintiendront sous le joug, ils ne changeront pas de méthode et de comportement.
Le temps bref, de sortir de la maison, de traverser l’antichambre, de descendre les deux imposantes marche du perron de la demeure de maître du XIXe siècle, puis de faire à toute vitesse, si ce n’est en courant les quelques mètres qui nous séparent de la voiture et nous voilà frigorifiés, entassés dans un véhicule qui tente désespérément de réchauffer ses occupants, mais en vain. Le vent terrible, puissant et pénétrant agresse victorieusement jusqu’au véhicule qu’il ébranle de coups de bélier vigoureux.
Chaque rafale vous semble plus impressionnante que les précédentes. Elles tentent de vous occire, gravement, et qui veut sa vengeance. Et il a décidé qu’il la voulait maintenant.
Heureusement, l’ambiance dans la voiture est chaleureuse. L’amour qui baigne les propos échangés irrigue nos cœurs et nos âmes. Et nous apprenons, par osmose, cette chose étrange qu’est l’Art et la manière d’aimer dans une famille, de partager des moments en toute simplicité.
C’est effectivement dans ces moments-là que par l’exemple, et les relations familiales, nous apprenons l’amour, son sens et à aimer.