Lilas (Causerie des)

(La souris peut circuler sur la photo.)

« Si différent est devenu le monde
que mes souvenirs sont étrangers »

Marcel Béalu, Si différent... (Poètes d’aujourd’hui, Jean-Jacques Kihm, Pierre Seghers éditeur, 1965.)

Le boulevard du Montparnasse, comme les principales artères de Paris, vient finalement d’être rétréci pour limiter le flot des voitures, et les bus fendent la circulation de leur étrave épaisse.

Le promeneur, dans ses pérégrinations vers midi, trouve encore quelques librairies mariant art et littérature, tout en se dirigeant vers la station RER de Port-Royal et les jardins de l’Observatoire.

Il est pourtant curieux de constater que cette partie terminale de Montparnasse (le dos à la tour, sortant du métro Vavin) semble quand même délaissée : on s’étonne qu’une animation historique ait régné jusque dans ces contrées éloignées du centre de gravité artistique du Dôme, de la Rotonde, de la Coupole...

Comme il fait froid, on a hâte de trouver un endroit accueillant pour goûter un peu à ce qui faisait jadis le charme de ce quartier : réunions d’intellectuels, dernier salon où l’on causerait des lilas, ce restaurant réputé, et, à l’entrée, un voiturier en uniforme (« voiturier » est écrit dans son dos) et un écailler (sans inscription au verso), les mains nues, le couteau dissimulé sans doute quelque part.

La Closerie des Lilas a été, et est encore sans doute, la toile de fond ou le précipité de nombre de rencontres littéraires, éditoriales, dramatiques, cinématographiques, ou pour tout dire : artistiques.

Osons y pénétrer une nouvelle fois ! La porte à tambour débouche sur un lieu assez sombre mais incontestablement « cosy ». Même pour un simple café, le serveur aimable nous laisse le choix entre le bar et une petite table à quatre places.

Des têtes de gens connus (on les reconnaît à ce qu’ils ont des têtes de gens connus !) entrent, disent qu’ils ont réservé, et sont conduits avec ménagement vers l’espace brasserie ou restaurant.

A peine installé, nous voici soudain placés par le hasard hospitalier là même où s’asseyaient Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir : les plaques de leurs noms sont en effet vissées dans le bois (c’est plus original que sur un mur de rue), et il s’en faut sans doute de peu que leurs tasses et soucoupes n’aient été fixées à jamais sur la surface de la table vernie.

Hemingway lui-même écrivit ici en partie, dit-on, Le Soleil se lève aussi (1926). Les étagères du bar semblent bien achalandées en alcools divers.

En quittant à regret l’établissement, on aperçoit au loin le restaurant du CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires), ainsi que l’entrée du gouffre du RER dans sa petite maison désuète, et la coupole de l’Observatoire, qui se confond avec la blancheur du ciel.

Le boulevard du Montparnasse se remonte maintenant en sens inverse : mais tout de suite à gauche, perpendiculairement, c’est l’étrange rue Boissonade (prénom : Jean-François, 1774-1857), un linguiste, un helléniste peu célèbre.

Et l’immeuble qui se dresse ici est un signe architectural qui pourrait, pourquoi pas, être sujet à quelque causerie ?

Autres voies :

http://www.terresdecrivains.com/article.php3?id_article=220
http://www.parisminnesota.com/17.htm
http://www.alexandreleupin.com/publications/Sartre.htm
http://www.eliohs.unifi.it/testi/800/quilraggh/quilraggh_creuzer.html

21 décembre 2005
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