Semelles du printemps
Semelles du printemps
Et voilà le printemps. le vrai. lui et tout ce qui colle à ses semelles. soleil enrhumé, pluies, ciel fébrile et mille atchoum par jours ! faut que je le passe ce printemps, encore un et c’est de plus en plus dur chaque printemps. ça m’arrive de parler aux mouches ! pas longtemps, mais quand même ! je me raisonne comme je peux. sois sage Dimitrius, pisse assis ! à la cosaque en exil ! solitude d’un vermisseau ! tout de même, j’ai envie parfois que quelqu’un frappe dans le mur…oui, légèrement. même dans les prisons on a quelqu’un qui fait toc toc dans notre cellule. on entend les bruits ! quelqu’un a frappé notre mur ! même s’il se trompe...pas grave ! on a entendu ! il y a quelqu’un…
Toi, faut que tu sois archi-sage là. toutes tes plus grosses conneries tu les concoctes au printemps. toutes tes merdouilles ont le printemps pour mère ! et toi pour père ! donc vas-y en souriceau ! mais vraiment j’aime pas le printemps ! avec ses pas légers tout de même il me marche sur les burnes ! et c’est lourd à la longue ! printemps ! tous les ouvriers du sexe au chômage traînent, bite reniflant ta bave ! les oufs nocturnes sortent en plein midi ! GPS déréglés, en vadrouille, jusqu’à l’épuisement total ça rôde cils collés aux jupettes de femmes qui se dénudent ! oh oho ! l’hiver était rude ! mais je l’aime pas , mais du tout le printemps, comme tous les hommes solitaires. vapeurs, giboulées, soleil, odeurs, et puis solitude ! solitude au carré ! de mille rois Lear sans Shakespeare ! de mille Bovary sans un seul Flaubert ! on détale de nos trous en flèches en chaleur ! et puis d’un seul coup plus mous que les caniches ménopausés on se tortille sur place !
Automne – oui et re-oui, mais printemps – c’est niet. à l’automne je suis tranquille comme un Socrate de la taïga ! mais le meilleur de mieux – c’est l’hiver. je suis hiver ! né en hiver. et dedans je suis plus sage qu’un mort-né.
Printemps ! ça démange les périnées les plus blindées ! on se met à roucouler ! on renâcle comme les ânes face à un tas de carottes ! pigeons se mettent à miauler ! chats aboient et tournoient en derviches ! on renifle à droite et barrit à gauche ! on rampe à la recherche de l’âme sœur ! mon cul ! prise mâle cherche prise femelle ! et ça se termine par la parlotte et puis la lecture en Braille d’un cul ou d’une bite ! l’âme sœur ! celui qui cherche une âme – ne trouvera qu’un cul. celui qui ne cherche qu’un cul risque de trébucher sur une âme.
La mienne est orpheline. bien fatiguée. vieille babouchka, la mienne. elle ne recherche qu’un banc tranquille, sinon une pierre, ou même un caillou qui n’a pas encore été jeté, mais c’est pas facile dans une pétaudière pareille. un petit coin, mon dieu ! coin sans rien ! sans frères ni sœurs justement ! et puis s’asseoir et puis regarder au loin et puis c’est tout et puis j’ai rien, moi. que les nerfs.
L’âme… Russes disent que printemps lui donne le pain ! sacré culot ! demandez à un orphelin qui est son meilleur ennemi ! le vrai ! il vous dira « celui qui me donne le pain » ! point. c’est clair comme le matin.
Et là - je regrette, mais profondément, mais à trente pieds sous terre d’en avoir parlé ! ça a été plus fort que moi. l’âme ! c’est ce printemps maudit, ca doit être ça, mais oui ! ça ramollit tout le monde, Samouraï s’est mise à divaguer et combien ! en haut et en large ! elle entend des voix ! moi – pas encore. mais c’est embêtant, j’avoue, surtout – parmi ces voix il y a la mienne. et la mienne déconne à tout va, il paraît. faut que je la vois plus souvent, Samouraï. elle est si seule. mais pas plus que toi, Dim ! elle a sa folie. oui, mais quel compagnon, mon sang ! faut que je la voie. Mais avec la Marquise, ses courses, ses nuits – j’ai pas le temps. même si elle dort comme une pierre. quand on guette une somnambule – ça se balade pas. ça me rend nerveux tout ça. je me sens comme un type qui est venu au bal masqué tronche nue.
Parfois je lui parle de pépé Jo, comme ça il est vivant et ça la divertit, sinon – j’ai pas envie. mes racines, tout ça, juste les feuilles mortes, ça – oui, et papy – l’une des plus tordues. la plus ivre-vivante. même là – ça valdingue ! même pas un mot, juste un souffle et ça vole…et ça danse, mon pépé Jo ! s’il savait ! il serait fier comme forgeron ferré ! Marquise aux yeux qui brillent ! mais ça dure pas. elle est absente de plus en plus. parle plus de son Anglais. ni de lui ni avec. il vient plus la voir. il l’attend quelque part peut-être… ça serait bien, après un si long voyage. vol comme ça… mais là - les yeux au plafond, immobile comme un coffre, juste ses mains qui bougent…elle est là tout de même. les doigts saisissent le drap et puis le lâchent, et puis encore, et puis le caressent, tels doigts d’un nouveau-né en mouvement perpétuel, et puis et puis elle s’endort. et tout s’endort avec elle. tout s’arrête.
Bientôt ça sera fini. Faucheuse est là, juste cette fois elle a pris l’escalier. plus vieille que la mère de Dieu, la Mort monte à pieds. lentement mais monte. Marquise veut plus rien. ni entendre ni manger. reste au lit, sur le côté, les yeux vers la fenêtre.
Ah sa fenêtre ! je la vois même d’ici sa fenêtre, et printemps dedans, toujours jeune. et ses yeux, elle sourit, les yeux pleins et brillants « j’ai toujours aimé le printemps… et toi ? tu sens l’odeur ? » elle me regarde. elle me voit pas. « c’est vraiment comme une odeur, mais c’est à l’intérieur. comme une joie étouffée. comme la joie dans un rêve. tu vois ? comme si on a perdu quelque chose, oui, quelque chose qu’on n’a même pas eu… »
Toi, faut que tu sois archi-sage là. toutes tes plus grosses conneries tu les concoctes au printemps. toutes tes merdouilles ont le printemps pour mère ! et toi pour père ! donc vas-y en souriceau ! mais vraiment j’aime pas le printemps ! avec ses pas légers tout de même il me marche sur les burnes ! et c’est lourd à la longue ! printemps ! tous les ouvriers du sexe au chômage traînent, bite reniflant ta bave ! les oufs nocturnes sortent en plein midi ! GPS déréglés, en vadrouille, jusqu’à l’épuisement total ça rôde cils collés aux jupettes de femmes qui se dénudent ! oh oho ! l’hiver était rude ! mais je l’aime pas , mais du tout le printemps, comme tous les hommes solitaires. vapeurs, giboulées, soleil, odeurs, et puis solitude ! solitude au carré ! de mille rois Lear sans Shakespeare ! de mille Bovary sans un seul Flaubert ! on détale de nos trous en flèches en chaleur ! et puis d’un seul coup plus mous que les caniches ménopausés on se tortille sur place !
Automne – oui et re-oui, mais printemps – c’est niet. à l’automne je suis tranquille comme un Socrate de la taïga ! mais le meilleur de mieux – c’est l’hiver. je suis hiver ! né en hiver. et dedans je suis plus sage qu’un mort-né.
Printemps ! ça démange les périnées les plus blindées ! on se met à roucouler ! on renâcle comme les ânes face à un tas de carottes ! pigeons se mettent à miauler ! chats aboient et tournoient en derviches ! on renifle à droite et barrit à gauche ! on rampe à la recherche de l’âme sœur ! mon cul ! prise mâle cherche prise femelle ! et ça se termine par la parlotte et puis la lecture en Braille d’un cul ou d’une bite ! l’âme sœur ! celui qui cherche une âme – ne trouvera qu’un cul. celui qui ne cherche qu’un cul risque de trébucher sur une âme.
La mienne est orpheline. bien fatiguée. vieille babouchka, la mienne. elle ne recherche qu’un banc tranquille, sinon une pierre, ou même un caillou qui n’a pas encore été jeté, mais c’est pas facile dans une pétaudière pareille. un petit coin, mon dieu ! coin sans rien ! sans frères ni sœurs justement ! et puis s’asseoir et puis regarder au loin et puis c’est tout et puis j’ai rien, moi. que les nerfs.
L’âme… Russes disent que printemps lui donne le pain ! sacré culot ! demandez à un orphelin qui est son meilleur ennemi ! le vrai ! il vous dira « celui qui me donne le pain » ! point. c’est clair comme le matin.
Et là - je regrette, mais profondément, mais à trente pieds sous terre d’en avoir parlé ! ça a été plus fort que moi. l’âme ! c’est ce printemps maudit, ca doit être ça, mais oui ! ça ramollit tout le monde, Samouraï s’est mise à divaguer et combien ! en haut et en large ! elle entend des voix ! moi – pas encore. mais c’est embêtant, j’avoue, surtout – parmi ces voix il y a la mienne. et la mienne déconne à tout va, il paraît. faut que je la vois plus souvent, Samouraï. elle est si seule. mais pas plus que toi, Dim ! elle a sa folie. oui, mais quel compagnon, mon sang ! faut que je la voie. Mais avec la Marquise, ses courses, ses nuits – j’ai pas le temps. même si elle dort comme une pierre. quand on guette une somnambule – ça se balade pas. ça me rend nerveux tout ça. je me sens comme un type qui est venu au bal masqué tronche nue.
Parfois je lui parle de pépé Jo, comme ça il est vivant et ça la divertit, sinon – j’ai pas envie. mes racines, tout ça, juste les feuilles mortes, ça – oui, et papy – l’une des plus tordues. la plus ivre-vivante. même là – ça valdingue ! même pas un mot, juste un souffle et ça vole…et ça danse, mon pépé Jo ! s’il savait ! il serait fier comme forgeron ferré ! Marquise aux yeux qui brillent ! mais ça dure pas. elle est absente de plus en plus. parle plus de son Anglais. ni de lui ni avec. il vient plus la voir. il l’attend quelque part peut-être… ça serait bien, après un si long voyage. vol comme ça… mais là - les yeux au plafond, immobile comme un coffre, juste ses mains qui bougent…elle est là tout de même. les doigts saisissent le drap et puis le lâchent, et puis encore, et puis le caressent, tels doigts d’un nouveau-né en mouvement perpétuel, et puis et puis elle s’endort. et tout s’endort avec elle. tout s’arrête.
Bientôt ça sera fini. Faucheuse est là, juste cette fois elle a pris l’escalier. plus vieille que la mère de Dieu, la Mort monte à pieds. lentement mais monte. Marquise veut plus rien. ni entendre ni manger. reste au lit, sur le côté, les yeux vers la fenêtre.
Ah sa fenêtre ! je la vois même d’ici sa fenêtre, et printemps dedans, toujours jeune. et ses yeux, elle sourit, les yeux pleins et brillants « j’ai toujours aimé le printemps… et toi ? tu sens l’odeur ? » elle me regarde. elle me voit pas. « c’est vraiment comme une odeur, mais c’est à l’intérieur. comme une joie étouffée. comme la joie dans un rêve. tu vois ? comme si on a perdu quelque chose, oui, quelque chose qu’on n’a même pas eu… »
Dimitri Bortnikov
24 mars 2014