Sur Eric Suchère : deux textes inédits de Camille Saint-Jacques & Xavier Person.

Eric Suchère, n° 31, avril 2000.




CHAQUE MOIS ÉRIC SUCHÈRE


Par Camille Saint-Jacques



Chaque mois Éric Suchère envoie trente cartes postales. Au recto, une image. Aux débuts, elle présentait souvent une partie du corps du poète, plaquée contre la vitre de son scanner, puis vinrent des photographies plus ou moins corrigées grâce à l’informatique. Au verso, dans la partie gauche, celle que toutes les cartes postales réservent à la correspondance, un texte formant un seul bloc de caractères en petits corps. À droite, en plus du timbre du cachet de la Poste et des quatre lignes de l’adresse, soulignées du traditionnel filet continu, on trouve dans la partie inférieure une sorte de légende libellée ainsi :

Éric Suchère, N° 94 : Photogrammes,
juillet 2005. Tirage limité à 30 exemplaires.
http://poesie.suchere.pagesperso-orange.fr/



Depuis plusieurs mois, cette légende est agrémentée à sa droite d’un cachet japon à l’encre rouge. Auparavant ce cachet n’avait pas une place fixe.

Ces cartes sont directement imprimées par l’auteur à l’aide d’une imprimante couleur classique. Le papier blanc et mat est assez rigide pour recevoir une impression recto-verso et répondre aux besoins des services postaux, mais il n’est ni luxueux ni remarquable. Pour peu qu’une boîte aux lettres soit en plein vent, la moindre trace d’eau laisse une marque indélébile sur l’une ou l’autre face. L’objet est donc fragile. Il arrive toujours au moins corné à un destinataire tout d’abord surpris par cet envoi singulier. Rapidement, celui-ci se met à collectionner soigneusement les cartes sans autres idées, comme par marque de respect ou bien par intuition que c’est là le seul rôle qui lui revient dans l’élaboration d’une œuvre qui le touche et l’élit de manière privilégiée.

Parce que c’est un courrier, une « adresse » et non pas une œuvre destinée à un public impersonnel, la première conséquence pour le destinataire est de se voir impliqué dans le déroulement du projet, ne serait-ce que comme dépositaire et garant, de sa pérennité matérielle. Chacun des destinataires ignorant l’identité des autres - ce qui encourage les conjectures - nous sommes en droit de nous croire invités à user pleinement de ce statut de sujet acolyte de l’œuvre. Pour ma part, je me souviens d’avoir cru nécessaire, à plusieurs reprises, d’écrire ou d’appeler l’auteur au téléphone, pour lui signaler mon enthousiasme ou plus simplement mon intérêt pour l’ensemble de la démarche. Chaque fois, l’écoute prenait un air très composé, à la fois bienveillant et distant, éludant tout réponse. Aux marques d’admiration comme aux critiques ou aux suggestions, Éric Suchère s’applique à réagir avec cette politesse chic et onctueuse dans laquelle l’autre s’englue et finit immanquablement par perdre le fil de sa pensée.

En 2003 pourtant, le recueil Lent(1)rassemblait les soixante premiers textes de ses cartes postales. Là encore, nulle présentation, à peine quelques mots en quatrième de couverture : « Je suis né le 25 octobre 1967 : depuis le mois d’octobre 1997, j’envoie, chaque mois, une carte postale à un nombre fixe de correspondants. Ce projet, commencé le jour de mes trente ans, devrait s’achever en 2028 après mes soixante ans ; il sera, alors, constitué de 365 textes. 365 textes pour : une correspondance, une éphéméride, un autoportrait en continu, un journal, un résumé, un condensé, un précipité, une commémoration. Ce livre regroupe les textes des cinq premières années. »

« Correspondance, éphéméride, autoportrait, journal, résumé, condensé, précipité, commémoration ». Autant dire qu’il s’agit là d’un nœud qui s’affirme comme primordial, en même temps qu’il reste inaccessible, générant le travail plus strictement littéraire dans un geste volontairement elliptique de cette matrice première d’images et de mots. D’emblée, le Livre, les différents livres et recueils, en ce qu’il est généralement perçu comme la forme même du discours littéraire, se trouve n’être plus qu’un aperçu incomplet (il est sans image), comme l’épiphénomène d’un « voir-dit » atypique et englobant qui occupe une position constante dans les préoccupations du poète, tout en demeurant inaccessible au commun des lecteurs.

Pour être élus, les trente destinataires n’en sont pas pour autant des initiés formant autour du poète un cercle, une sorte d’avant-garde autoproclamée, soudée par une même sensibilité envers l’art actuel. S’ignorant les uns les autres, nullement invités à correspondre en retour, on peut imaginer que c’est davantage de la teneur de leur silence qu’Éric Suchère se nourrit. Entre le livre qui adresse un même texte à un public indéfini et le courrier qui propose un message singulier à chaque destinataire dans l’attente d’une réponse ou, du moins d’une inflexion relationnelle, les cartes postales d’Éric Suchère adressent la même image, le même texte à un destinataire pluriel, mais sans doute singulier dans l’esprit de l’auteur. La pluralité anonyme de ce Nous libère chacune des personnes adressées, des liens et des réponses, pas toujours souhaités, que réclame en général le courrier. Ce collectif n’a donc de sens que pour l’auteur qui sans doute y voit une topographie et une typologie stimulante pour son travail. Ainsi, les destinataires, mis à part ceux d’entre eux qui ont le goût indiscret d’imaginer le « dessous » des cartes, n’ont d’autres choix que de se penser comme une unité au sein de ce nombre, 30, vaguement relié à l’âge auquel Éric Suchère initia cette aventure, sans plus.

L’inconsistance de ce collectif pour lui-même peut passer pour anti-moderne. Mais sa qualité première tient à ce qu’elle permet aux personnes concernées de jouir de ce « voir-dit » à la fois à la manière de destinataires particuliers, ce qui n’est pas le cas lorsqu’il s’agit des autres œuvres d’art , et aussi dans les conditions habituelles de la jouissance de l’art par le public. Ainsi, l’adresse change-t-elle d’abord la condition de réception de l’œuvre puisqu’elle rappelle au destinataire qu’il est choisi intentionnellement par l’auteur, et qu’en même temps, il conserve ici toute la liberté qui est la sienne devant n’importe quelle œuvre d’art (2). De là naît la possibilité d’une conduite esthétique plus complète, puisqu’elle harmonise les deux registres de réactions qui habituellement s’excluent l’un l’autre, celui qui règle l’approche d’œuvres des « proches » et celui, plus habituel, dont relève le vaste ensemble des œuvres d’art, contemporaines ou du passé, avec lesquelles nous n’entretenons d’autres relations qu’esthétiques.

C’est donc bien de distances autant que de liens qu’il s’agit dès que l’on reçoit une de ces cartes postales. De prise des distances, de mise à distances, de proximité comme de recul, avec l’image - souvent partiellement floue - comme avec le temps passé, celui qui reste, les réminiscences textuelles, les souvenirs, les éléments biographiques, les passants et personnages, etc. Pour un peu, on pourrait dire de cette entreprise ce qu’Hugo disait des couvents en général, et qui est valable de toute démarche artistique : qu’il s’agit « d’appareils d’optiques appliqué sur l’infini » ; avec ce que la formule révèle d’ambition et de dérisoire (3).

On ne peut pas non plus rester insensible à la disproportion entre l’ampleur des intentions affichées et l’humilité du support utilisé. Pour un projet si ambitieux, pourquoi ne pas choisir un matériel plus valorisant et durable, voire plus sophistiqué d’un point de vue technique ? Quelle stratégie torve consiste à confier l’essentiel à ce qui dans l’ordre des choses écrites, semble le plus insignifiant : la carte postale ? On pourrait même voir là encore une de ces poses anti-modernes qui consiste à reculer à l’endroit précis où tous fuient en avant vers toujours plus de technologie et de notoriété médiatique.

Multipliant les qualificatifs à propos de ses cartes postales, sur la couverture de Lent, Éric Suchère en omettait un, qu’on aurait pourtant attendu en premier : « œuvre ». Ce qui prive les cartes postales du statut habituel de la pratique artistique et littéraire, c’est justement leur vocation à tout englober, à se poursuivre de manière si durable, qu’à l’échelle d’une vie humaine, le projet semble, dès le départ, voué à l’inachèvement propre aux œuvres qui prétendent orgueilleusement rompre avec les critères commodes de leur époque. Ces cartes postales sont donc tout à la fois le cœur battant de l’œuvre littéraire de Suchère et ce que Paul Éluard nommait « la petite monnaie » de l’art et de la poésie(4). À la fois l’essence et le superflu, le « super flux » donc, ce qui est au-dessus du flux des œuvres, et ce faisant échappe au labeur de l’écrivain, et ce qui se donne comme sans valeur, sur quoi rien n’a prise, ni la critique des autres, ni l’orgueil de l’écrivain.

Il y a donc mille raisons de préférer (5) ces cartes postales à toute autre œuvre singulière d’Éric Suchère. Justement parce qu’elles ont la forme de ce qui, dans la vie courante, est à la fois négligé et indispensable. Elles seules rassemblent et préservent cette ambivalence de l’écrit, de l’image et de l’adresse, grâce justement à leur statut insignifiant. Contrairement au livre, où l’image illustre le texte ou bien inversement, où le texte vient commenter l’image, la carte postale n’ordonne pas la relation de l’image à l’écrit. Si l’adresse prime, en ce qu’elle distingue un destinataire de tous les autres possibles, celui-ci demeure libre de privilégier l’image, le message, la légende, la graphie...

Bizarrement, ce média moderne s’il en est - il date de la guerre de 1870 entre la France et la Prusse - est resté pratiquement en marge de la pensée. Plus diffusées que la presse, par exemple, les cartes postales souffrent d’être populaires. Si quelques collectionneurs s’intéressent à leur esthétique ou bien à leur valeur documentaire, les particularités de leur discours n’intéressent guère. Il y a pourtant dans l’humilité de ce support quelque chose qui nous rappelle le lien fondamental unissant l’image et le récit, et c’est cela qui assure son succès planétaire, un peu à l’égal du cinéma, qui lui aussi, interroge ce voir-dit si essentiel dans la pensée de Suchère. Seulement, là où le cinéma s’entoure de ce que la technique a de plus progressif et de plus moderne, la carte postale recule, s’affirme humble, archaïque, on pourrait même dire primitive. À une époque où auteurs et artistes cèdent volontiers à la surenchère technologique des mixed medias, « des techniques mixtes », choisir la carte postale, c’est faire un pas en arrière, en affirmant que la mixité des langages, le caractère hybride, comme la richesse polysémique d’une démarche artistique, n’est pas fondamentalement une affaire technique ou de moyens. Pour Éric Suchère, le Voir dit de Guillaume de Machaut est tout tangible que celui du cinéma par exemple, les arts chinois ou japonais anciens, disent aussi bien, sinon mieux, la mixité, l’entre-dit ou l’entre-vu de l’image et de l’écrit, que nous imaginons le faire aujourd’hui, avec souvent une naïveté et une arrogance toute avant-gardiste.

Le sceau japonais qui scelle chacune des cartes est, avec l’adresse, la seule marque autographe de l’envoi. Il évoque le nom de l’auteur non pas dans sa langue, mais de l’extérieur, d’un ailleurs de nos références linguistiques, littéraires et artistiques européennes. Cette signature de lettré est à la fois une clé et perspective. Une clé, car le lettré, en Extrême-orient est justement celui qui conjuguent les arts, et en particulier ceux de l’écrit et de l’image. Une perspective, parce que même si la nature du sceau peut-être deviné, sa compréhension est soumise à la connaissance d’une langue et d’une culture lointaine. Ainsi, cette signature est aussi une invitation, non pas à transgresser nos codes, à la manière des modernes, mais à les mettre en perspective en changeant de points vue, de manière à jouer successivement des extrapolations et des interpolations que ce type d’exercice suscite immanquablement.

En marge de l’œuvre littéraire d’Éric Suchère, les cartes postales n’en forment pas moins le cœur. Adressées à un public choisi, elles n’ont cependant aucun caractère privé. Si elles exhaussent les destinataires au rang de lecteur idéal, c’est pour ne leur conférer aucune qualité distinctive. Enfin, si elles perturbent la hiérarchie des ordres entre l’écrit et le visuel, c’est à la fois pour détourner notre regard vers l’altérité radicale que sont pour nous les cultures d’Extrême-orient et pour suggérer un statut singulier de l’auteur, celui du lettré, à mi-chemin entre peinture et poésie, ouvert à tous les possibles, donc sans idées, c’est-à-dire, une pensée sans arrêts, sûre et certaine, parce que sans certitudes, fluide et discrète comme les « bons baisés » qui ornent les cartes postales de nos vacances.


(1) éd. Le Bleu du ciel, 61, rue Judaïque 33000 Bordeaux, 2003.
(2) Sauf lorsque le destinataire et est aussi le commanditaire, mais cela implique une relation forte avec l’auteur.
(3) « C’est que le couvent qui est propre à l’orient comme à l’occident, à l’antiquité comme aux temps modernes, au paganisme, au bouddhisme, au mahométisme, comme au christianisme, est un des appareils d’optique appliqué par l’homme sur l’infini. » Victor Hugo, Les Misérables, II e partie, VIIe livre, I, éd. Le Livre de Poche, Paris, 1998, p. 705
(4) « Commandées par les exploiteurs pour distraire les exploités, les cartes postales ne constituent pas un art populaire. Tout au plus, la petite monnaie de l’art tout court et de la poésie. Mais cette petite monnaie donne parfait l’idée de l’or. » Éluard, Paul, Les plus belles cartes postales, Œuvres, T. II, éd. Gallimard, coll. De la Pléiade, Paris, 1968, p. 837.
(5) « ce à qui je ne me résoudrai jamais, c’est à publier autre chose que des cartes postales, à leur parler (.../...) Ce que je préfère, dans la carte postale, c’est qu’on ne sait pas ce qui est devant ou ce qui est derrière, ici ou là, près ou loin, le Platon ou le Socrate, recto ou verso. Ni ce qui importe le plus, l’image ou le texte, et dans le texte, le message ou la légende, ou l’adresse ». Jacques Derrida, La carte postale, éd. Flammarion, Paris, 1980, p. 17.

Camille Saint-Jacques




Exercices de ralentissements encore plus lents pour une lecture de Fixe, désole en hiver d’Eric Suchère


Par Xavier Person



L’inversion bloque l’élan de la phrase, laquelle tend à s’effacer, se rétracte en avançant, tant son mouvement est incertain : une phrase fait du surplace dans une sorte de brume, elle avance sans bouger et c’est l’hiver alors on pourrait dire qu’il neige, on est dans cette avancée lente de ce qui n’avance pas vraiment. Le temps de la phrase est suspendu ou bien la phrase est sans temps, ce qui fait que la phrase n’est pas une phrase, rien ne s’y passe que l’impossibilité du temps ou quelque chose d’approchant, comme dans le rêve cette improbabilité narrative, cette avancée problématique puisque, aussi bien, tout se dissout dans l’avancée de ce qui avait commencé d’avoir lieu, tout se défait à mesure qu’on avance et revenir en arrière est une possibilité, où tout réorganiser de ce qui s’est dissous sous nos yeux, mais sans que rien ne se fixe vraiment, tout rendu flottant et dans ce flottement il se pourrait qu’il neige à nouveau. Le sujet est incertain, voire effacé, ce qui fait que la phrase perd pieds, qu’elle glisse, se cherche une forme sans direction précise, sans autre mouvement que sa dérive, à quoi rien ne se relie, comme on glisse sur la neige, à la surface de la phrase où rien ne se fixe : le sujet de la phrase est effacé. La phrase qui n’est pas à proprement parler une phrase est comme une phrase vue de loin, on y distingue un cargo sur l’horizon, c’est à peu près tout, on scrute la phrase et cela brille vers le lointain, un ciel au moins c’est clair apparaît, mais que peut dire une phrase d’une ciel si celui-ci fixé trop longtemps n’est plus qu’un mot dans la phrase qui du coup rend possible le vol des oiseaux, où tout bascule et se défait ce qu’on avait commencé d’en lire. La phrase voudrait aller plus vite que son mouvement, mais c’est impossible alors tout se brise avant que rien ne s’y fixe, comme au passage d’un train ou comme vu d’un train un paysage qu’il s’agirait de lire, mais c’est trop tard alors on passe à la suivante. La phrase accélère encore, mais dans une sorte de lenteur où tout finit par se défaire, dans cette immobilité où tout est suspendu, où une phrase n’a pas encore commencé d’être une phrase, où tout hésite, en cette apesanteur, en ce ciel qui en somme tient lieu de phrase, où tels des nuages se dispersent les mots, s’affranchissent les mots de leur matière verbale et plus légers se tiennent au bord de se défaire, comme ça, d’un coup et du coup une phrase continue-t-elle d’être une phrase ? La phrase glisse vers l’intérieur d’elle-même, comme inspirée dans l’intérieur de son mouvement. Ou alors elle s’avance au bord d’elle-même, elle se tient là où elle ne peut plus avancer, d’où elle contemple le vide en contrebas, en éprouve un vertige, se retient d’avancer sinon c’est basculer dans un fleuve et dans son courant, dans l’évidence de son flux se donner à ce contre quoi la phrase résiste, ce qu’elle se refuse, un mouvement, un plus simple mouvement, une impulsion à laquelle céder enfin. L’accentuation de la lenteur fait d’une phrase un peu l’équivalent d’un visage, elle montre ce visage au ralenti et c’est comme un murmure inaudible, c’est-à-dire que la phrase s’éloigne dans une sorte de lenteur excessive, dans l’abstraction de cette lenteur, comme le ferait un visage qu’on ne pourrait plus regarder, dont le souvenir peu à peu s’effacerait, de sorte qu’on peut dire de la phrase qu’elle s’efface, que c’est une phrase qu’on ne peut pas très bien voir alors même qu’on la lit, qui dans son apparition nous échappe, comme au fond chaque visage, dont même l’immobilité ne saurait fixer l’étrangeté, dont même fixée l’étrangeté ne se laisse pas vraiment lire. La phrase s’écrit avant que d’être vraiment une phrase, elle n’est pas encore rassemblée comme une phrase que déjà elle s’écrit, quelques mots en sont juste posés, une suite de mots dont on pourrait faire une phrase, qu’on fige là dans ce mouvement trop lent de ce qui de trop de lenteur sans doute n’a pas pu devenir une phrase, ne peut pas devenir en somme, comme bloquée dans ce qu’elle semblait pouvoir devenir, figée dans son mouvement, se décomposant dans ce mouvement sans avenir, dans une sorte de lenteur infinie, dont on ne pourrait plus renverser le cours, décomposée, défaite en tant que phrase avant que d’avoir pu dans sa décomposition se ressaisir et ne le pouvant plus, ne l’ayant jamais vraiment pu. C’est une histoire de nuage dans le mouvement de la phrase pour se défaire, on en suit le mouvement et ce qu’il reste après le passage d’un nuage est ce qu’on lirait dans cette phrase si cette phrase était possible, mais tout s’efface, cette phrase est incertaine, la lire est rendu flottant, quelque chose comme un ciel prend la place d’une phrase, où tout se décompose si vite. C’est le début d’une histoire, avant le début, ou bien après que l’histoire ait eu lieu ou bien c’est que l’histoire n’a pas eu lieu ou qu’aucune histoire ne sera plus jamais vraiment possible, la question ne se pose en fait même pas, on peut dire que la fin de l’histoire n’a pas vraiment commencé, quelque chose est suspendu, une histoire est encore possible, on se tient là.

21 septembre 1996
T T+