USTKE
Savez-vous ce que signifie USTKE ? Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités. Oui, des exploités. Qui oserait inscrire dans le nom d’un syndicat le mot « exploités » ? Penserait-on jamais créer un mouvement qui s’appellerait CGTH, Confédération générale des travailleurs et des humiliés ? Ou bien CFDTA, Confédération française des travailleurs et des asservis. On dira : ne pas partir perdant, ne pas sceller dans un nom une condition que précisément on veut transformer... Et puis, n’est-ce pas, de nos jours, qui est encore vraiment exploité, humilié, asservi ? Ces mots sont trop forts.
Mais non, les mots ne sont pas trop forts, on a pris la fâcheuse habitude de s’en servir comme de cache-misère, des mots, de les détourner, de les tordre. Aujourd’hui, gauche ou droite, n’est-ce pas, Jaurès ou de Gaulle, Blum ou Pompidou, oui ou non, c’est pareil. Les kanaks nous donnent là une leçon de langue française. Les mots existent parce que la réalité existe.
USTKE. D’accord, enlevez le E, procédez à sa « disparition », non pas d’abord la lettre, mais dans les faits : plus d’exploités, d’humiliés, d’asservis. Et ne niez pas, ah, vous niez ! comme s’exclamait Hugo à l’Assemblée nationale, alors allez toucher de vos mains les plaies de l’exploitation, de l’humiliation, de l’asservissement, dans les voitures transformées en habitation, dans les cours d’usine où l’on annonce deux cents licenciements d’un coup, dans les hôpitaux où l’on meurt de l’amiante industrielle, dans les centres de rétention.
USTKE, n’enlever le E que le jour où...