W. G. Sebald 20/10/11

Portrait de W. G. Sebald par Jan Peter Tripp



« Science des fantômes », c’est ainsi qu’on pourrait définir l’œuvre de W.G. Sebald. Imprégnée par la présence spectrale et nostalgique d’êtres disparus que les photos viennent pour ainsi dire invoquer dans un moment de suspension du temps, toute son entreprise tente de combler le fossé qui sépare l’art de la réalité, la mémoire de l’oubli et les vivants des morts. « Les fantômes et l’écrivain ont en commun de s’occuper du passé, du leur et de celui des êtres chers d’autrefois. » Mais les fantômes sont aussi, comme les émigrants, des êtres du mouvement et de l’errance, ce que suggère avec élégance sa prose souple et labyrinthique.

C. M.


Quelques citations :

« (…) mes yeux tombèrent sur un article relatant qu’au bout de soixante-douze ans le glacier supérieur de l’Aar venait de restituer la dépouille du guide bernois Johannes Naegeli, porté disparu depuis l’été 1914. - Voilà donc comment ils reviennent, les morts. Parfois, après plus de sept décennies, ils sortent de la glace et gisent au bord de la moraine, un petit tas d’os polis, une paire de chaussures cloutées. » (Les Emigrants, p. 38)



« Cet après-midi-là, je tournai et retournai les pages de l’album, d’avant en arrière, d’arrière en avant, et je n’ai depuis cessé de le refeuilleter car à regarder les photographies qu’il renferme, il me semblait effectivement et il me semble encore aujourd’hui que les morts reviennent ou bien que nous sommes sur le point de nous fondre en eux. » (Les Emigrants, p. 67)


« Quand ils sont trop à l’étroit, les morts, à l’instar des vivants, s’exilent vers des contrées moins surpeuplées où ils peuvent trouver leur repos à distance raisonnable les uns des autres. » (Austerlitz, p. 182)


« Pour ma part, il me semblait que les morts étaient revenus de leur relégation et qu’ils emplissaient le demi-jour autour de moi de leur va-et-vient à la lenteur singulière et fébrile. » (Austerlitz, p. 184)


« Il ne me semble pas que nous connaissions les règles qui président au retour du passé, mais j’ai de plus en plus l’impression que le temps n’existe absolument pas, qu’au contraire il n’y a que des espaces imbriqués les uns dans les autres selon les lois d’une stéréométrie supérieure, que les vivants et les morts au gré de leur humeur peuvent passer de l’un à l’autre, et plus j’y réfléchis, plus il me semble que nous qui sommes encore en vie, nous sommes aux yeux des morts des êtres irréels, qui parfois seulement deviennent visibles, sous un éclairage particulier et à la faveur de conditions atmosphériques bien précises. » (Austerlitz, p. 256)


« (…) la frontière entre la vie et la mort est plus perméable qu’on ne le croit d’ordinaire… » (Austerlitz, p. 382)


« (…) la photographie, qui au fond n’est rien d’autre que la matérialisation des apparitions de fantômes au moyen d’une magie très douteuse… » (Campo Santo, p. 31)


« (…) plus on doit porter, pour quelque raison que ce soit, sa part de fardeau de deuil qui n’a sans doute pas été imposé pour rien à l’espèce humaine, plus on rencontre souvent des fantômes. » (Campo Santo, p. 38)


« Ce qui est si émouvant dans les images photographiques, c’est qu’elles sont parfois comme un souffle singulier qui semble venir vers nous de l’au-delà. » (Campo Santo, p. 192)



Quelques liens sur Internet :

Norwitch Wordpress : sur les lieux sebaldiens (gare d’Anvers, Prague…)


Incultures : un blog qui consacre une page à Sebald, avec notamment des archives radiophoniques.


Staulker : site littéraire qui consacre de nombreux articles à l’œuvre de Sebald.

27 octobre 2011
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