en soutien à l'enseignant de français d'Abbeville soumis à garde-à-vue et perquisition à son domicile pour avoir fait travailler une classe de troisième sur le Grand Cahier d'Agota Kristof
"Le procureur d´Abbeville, Patrick Steinmetz, a classé vendredi 1er décembre ces plaintes sans suites."
Et s'il fallait quand même donner suite, nous?
à lire : les interventions / soutiens et le débat - des écrivains, des éditeurs, des enseignants
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Des collègues d'Abbeville ont créé une adresse mel
où vous pouvez envoyer toutes réactions individuelles et collectives, tracts, pétitions, messages de soutien au collègue. Pour avoir soutenu de près un collègue dans ce genre d'affaire, je sais le prix de ne pas se savoir considéré comme une brebis galeuse. Redirigez ce message sur toutes les listes publiques et privées où vous le pouvez, merci.
une copie de vos interventions peut être mise en ligne sur cette page, si vous nous les transmettez... |
note Le Grand Cahier figure explicitement dans les instructions officielles d'accompagnement des lectures suggérées en classe de seconde : "On présente donc ici une liste de romanciers et de romans, ainsi que de nouvellistes des XIXe et XXe siècles qui pourront faire l'objet d'études en classe de seconde. Cette liste a été établie à partir de la consultation et des expérimentations qui ont déjà eu lieu (...) Il est possible de faire lire et étudier (...) éventuellement, des oeuvres moins attendues pouvant susciter la curiosité et l'intérêt des élèves (...) Kristof, Le Grand Cahier (...)" Documents d'accompagnement des nouveaux programmes de la classe de seconde, page 20. http://www.cndp.fr/textes_officiels/lycee/lettres/sec/ASEFR004.rtf
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Lettre ouverte aux Abbevillois distribuée samedi 3 décembre par les enseignants du collège Millevoye
et lettre au ministre de l'éducation nationale
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une page d'une université canadienne sur le Grand Cahier, présentation, critique, analyse, etc : à punir
"Une histoire triste, grotesque et surprenante, mais aussi un livre qui nous donne des exemples de force et volonté de survivre au cours d'une vie traumatisante. Agota Kristof, émigrée hongroise installée en Suisse, raconte dans Le Grand Cahier, l'histoire de deux jeunes garçons aux prises avec la guerre. Elle utilise une langue très simple et des phrases courtes parce que ce livre est un journal écrit par les jeunes jumeaux. Dans un chapitre, les garçons expliquent une règle simple de cette écriture: «La composition doit être vraie. Nous devons décrire ce qui est, ce que nous voyons, ce que nous entendons, ce que nous faisons.» Ils n'utilisent pas de mots désignant des sentiments ou des opinions subjectives. Cette description d'une guerre et d'une vie traumatisante racontée sans émotions renforce immensément l'impression de grotesque ressentie par le lecteur."
présentation du Grand Cahier par un de ses éditeurs ("Le grand Cahier" est traduit en vingt langues...) : à punir
Victimes des malheurs et des horreurs de la guerre, les jumeaux se montrent, à leur tour, capables de toutes les bassesses. Ils sont témoins d'un passage de Juifs déportés, de la découverte d'un charnier, de la mort de leur mère. A la fin, ils font la connaissance de leur père qu'ils envoient dans un champ de mines où il trouve la mort, ce qui permettra à l'un de passer la frontière. A la manière du Simplicius Simplicissimus de Grimmelshausen et de La Mère Courage de Brecht, Le Grand Cahier brosse, en une suite d'épisodes, un tableau tranquillement horrible de la guerre et du totalitarisme vus à travers les yeux naïfs de deux garçons. C'est, en outre, un véritable roman d'apprentissage plein d'humour noir.
un article dans Lire en 1998 : à punir
... L'univers d'Agota Kristof est noir. Sa littérature est noire. Son humeur est noire. Et pourtant... Par l'écriture, elle a réussi à exorciser en partie ce qu'elle a vécu durant son enfance hongroise. Sa plume, désobéissante et indépendante, la ramenait en Hongrie à chaque fois qu'Agota voulait écrire sur la Suisse. Devant la caméra, Agota Kristof se souvient de son passé, de son arrivée à Neuchâtel en 1956 avec son mari et sa fille, des journées interminables dans une usine de pièces d'horlogerie...
"Label France", c'est en toutes lettres, pour Le Grand Cahier d'Agota Kristof sur cette page officielle du Ministère des Affaires Etrangères.... à punir!
l'affaire d'Abbeville dans Libération : samedi 2 - lundi 5 - article du Monde ci-dessous
un extrait du Grand Cahier Il fait de plus en plus froid. Nous fouillons dans nos valises et nous mettons sur nous presque tout ce que nous y trouvons: plusieurs pull-overs, plusieurs pantalons. Mais nous ne pouvons pas mettre une seconde paire de chaussures sur nos souliers de ville usés et troués. Nous n'en avons d'ailleurs pas d'autres. Nous n'avons ni gants ni bonnet non plus. Nos mains et nos pieds sont couverts d'engelures. Le ciel est gris-foncé, les rues de la ville sont vides, la rivière est gelée, la forêt est couverte de neige. Nous ne pouvons plus y aller. Or nous allons bientôt manquer de bois. Nous disons à Grand-Mère : - Il nous faudrait deux paires de bottes en caoutchouc. Elle répond: - Et quoi encore? Où voulez-vous que je trouve l'argent? - Grand-Mère, il n'y a presque plus de bois. - Il n'y a qu'à l'économiser. Nous ne sortons plus. Nous faisons toutes sortes d'exercices, nous taillons des objets dans du bois, des cuillers, des planches à pain et nous étudions tard dans la nuit. Grand-Mère reste presque tout le temps dans son lit. Elle ne vient que rarement à la cuisine. Nous sommes tranquilles. Nous mangeons mal, il n'y a plus ni légumes ni fruits, les poules ne pondent plus. Grand-Mère monte tous les jours un peu de haricots secs et quelques pommes de terre de la cave qui est pourtant remplie de viandes fumées et de bocaux de confitures. Le facteur vient parfois. Il vient tinter la sonnette de sa bicyclette jusqu'à ce que Grand-Mère sorte de la maison. Alors le facteur mouille son crayon, écrit quelque chose sur un bout de papier, tend le crayon et le papier à Grand-Mère qui trace une croix au bas du papier. Le facteur lui donne l'argent, un paquet ou une lettre, et il repart vers la ville en sifflotant. Grand-Mère s'enferme dans sa chambre avec le paquet ou avec l'argent. S'il y a une lettre, elle la jette dans le feu. Nous demandons: - Grand-Mère, pourquoi jetez-vous la lettre sans la lire? Elle répond: - Je ne sais pas lire. Je ne suis jamais allée à l'école, je n'ai rien fait d'autre que travailler. Je n'ai pas été gâtée comme vous. - Nous pourrions vous lire les lettres que vous recevez. - Personne ne doit lire les lettres que je reçois. Nous demandons: - Qui envoie de l'argent? Qui envoie des paquets? Qui envoie des lettres? Elle ne répond pas. Le lendemain, pendant qu'elle est à la cave, nous fouillons sa chambre. Sous son lit, nous trouvons un paquet ouvert. Il y a là des pull-overs, des écharpes, des bonnets, des gants. Nous ne disons rien à Grand-Mère, car elle comprendrait que nous avons une clé ouvrant sa chambre. Après le repas du soir, nous attendons. Grand-Mère boit son eau de vie puis, titubante, va ouvrir la porte de sa chambre avec la clé accrochée à sa ceinture. Nous la suivons, la poussons dans le dos. Elle tombe sur le lit. Nous faisons semblant de chercher et de trouver le paquet. Nous disons: - Ce n'est pas gentil, ça, Grand-Mère. Nous avons froid, nous manquons d'habits chauds, nous ne pouvons plus sortir et vous voulez vendre tout ce que notre mère a tricoté et envoyé pour nous. Grand-Mère ne répond pas, elle pleure. Nous disons encore : - C'est notre mère qui envoie de l'argent, c'est notre mère qui vous écrit des lettres. Grand-Mère dit : - Ce n'est pas à moi qu'elle écrit. Elle sait bien que je ne sais pas lire. Elle ne m'avait jamais écrit auparavant. Maintenant que vous êtes là, elle écrit. Mais je n'ai pas besoin de ses lettres!
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Protestations après la garde à vue d´un professeur d´Abbeville
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