en soutien à l'enseignant de français d'Abbeville soumis à garde-à-vue et perquisition à son domicile pour avoir fait travailler une classe de troisième sur le Grand Cahier d'Agota Kristof

retour page Soutien à l'enseignant d'Abbeville...

page d'accueil remue.net

ci-dessous, dans l'ordre des arrivées des messages :

réactions d'éditeurs - d'écrivains - intervention de Dominique Viart (Lille 3) - une enseignante de St-Malo - en appui : un texte de Leslie Kaplan sur littérature et jugement moral - soutiens d'écrivains - intervention de Jean-Marie Barnaud - une enseignante de Sarcelles - article dans Le Temps (Genève) avec réaction d'Agota Kristof - intervention sur le fond par Bertrand Leclair (La Quinzaine Littéraire)... intervention d'Evelyne Sinassamy (revue Lendemains), avec paroles d'Agota Kristof sur le même problème... en 1994 - intervention de Martine Laval (Télérama) et, depuis la Suisse, de l'écrivain et philosophe Jean Romain - soutien de Micheline et Lucien Attoun (Théâtre Ouvert)... Je vais me faire mal voir mais bon, allons-y.... : une approche différente, celle de Michel Séonnet et déjà ceux qui lui répondent... par exemple Chantal Anglade (Sarcelles) par : "Il y a bien blessure..." Arnaud Morel, enseignant en maternelle... ajouts janvier : Christian Raseta

enfin, liens vers le dossier du Courrier Picard :

interview de Claude Cherki(pdg du Seuil)

et les points de vue du recteur ("rien à déclarer"... hallucinant - à lire obligatoirement : quel soutien pour l'enseignant de la part de sa hiérarchie directe dans l'éducation nationale? et une révélation : tout ça c'est parce qu'il s'agit d'un "jeune" enseignant (le mot revient plusieurs fois), et donc "maladroit" : voilà enfin un recteur qui ose déclarer que les IUFM n'ont pas mission de former les enseignants à l'utilisation de la littérature contemporaine... il faut dire que ça n'a pas l'air d'être sa préoccupation essentielle, et qu'il n'avait jamais entendu parler d'Agota Kristof

et déclarations du procureur, sans surprise...

 

J'ai évidemment apporté mon soutien aux réprouvés d'Abbeville. Merci. Paul Otchakovsky-Laurens - éditions P.O.L.

J'ai été scandalisé par ce qui s'est passe dans cet établissement d'Abbeville à propos de cette initiative , prise par un professeur de francais, de lire la formidable trilogie d'Agota Kristof. Par votre intermédiaire, j'apporte à l'enseignant mis en cause un soutien sans réserve et suis disposé à le faire savoir publiquement si nécessaire. Olivier Bétourné, éditions Fayard.

 

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des écrivains disent leur soutien

Jean Rouaud (Goncourt 1990) et Philippe Claudel (prix France Télévision 2000 pour "J'abandonne") ont témoigné les tout premiers de leur soutien amical / "François, Je suis un peu long à la détente (je sors d'un deuil...) mais tu peux compter sur, relayer et mentionner le soutien de Marc Zaffran et Martin Winckler", dit Martin Winckler, aussi : "J'ai bien suivi l'affaire du Grand Cahier à Abbeville, bien sûr je joins mon soutien à ceux déjà exprimés et je suis heureux que tu puisses ainsi fédérer une réaction, amitié", Frédéric Boyer. Je m'associe également au soutien à l'enseignant qui a fait lire (et très bien fait de le faire) le Grand cahier, Leslie Kaplan. Jean-Marie Barnaud ci-dessous. Et voir ci après message de Marie Nimier. Bien entendu prêt pour toute action collective, Jean-Marie Laclavetine. Se joignent au soutien : Raymond Bozier, Joris Lacoste, et l'ami libraire Jean-Marie Ozanne (Folie d'Encre, Montreuil) : "Notre époque n'est pas banale: tout le monde s'occupe du succes d'Harry Potter, et bien peu se préoccupent du sort d'un enseignant qui a le tort de proposer Le grand Cahier en lecture à ses élèves! J'avoue préférer à 10 ou 100 ou 100000 ventes type Harry Potin ou Felix Potter un seul et unique cas de Grand Cahier. Solidarité totale avec l'enseignant."

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Coït et culture

Je ne pensais pas devoir parler d'Abbeville depuis Tel Aviv, mais puisque les remous de cette lamentable affaire clapotent jusqu'ici, j'y vais à mon tour de quelques remarques, "malséantes" sans doute...

En 1997, le Jury de l'Agrégation proposait au programme de ce concours très officiel et très académique, destiné à former les professeurs du secondaire, un roman de Claude Simon, La Route des Flandres. Je tiens cet écrivain pour capital : peu d'autres que lui ont su écrire des choses aussi décisives pour notre temps. Il semblerait que je ne sois pas le seul à le penser : le Prix Nobel de Littérature lui a été décerné en 1985. C'est à ce jour le dernier écrivain français à avoir reçu cette distinction. La Route des Flandres est un grand roman, qui met en question tous les conforts idéologiques dans lesquels on pourrait être tenté de se refugier.

Mais voilà : il est traversé de scènes de pénétration et de fellation, insistantes, récurrentes. Le texte les donne à voir dans des effets de gros plans sur le gland mouillé de salive. Plus encore, il est aussi question (je cite de mémoire, je n'ai pas le texte sous les yeux) de ces sandales orientales, précieusement équipées de godmichés au talon, sur lesquelles s'accroupissent voluptueusement les femmes japonaises...

Aurait-on proposé un texte "pornographique" à nos chers étudiants ? Aurait-on "formé" les futurs professeurs de nos fragiles têtes blondes (ou brunes cela n'importe) avec de si vils exemples ?

Plus grave encore : le texte sexuel est si intriqué au "reste" que l'on n'en peut le "séparer", comme l'ivraie du bon grain. Ce grand livre parle de la guerre et du traumatisme qu'elle laisse. Or il n'y est souvenir de guerre, obsédant et douloureux comme celui de ces trains à bestiaux emplis de prisonniers transférés vers l'Allemagne, corps mêlés dans la sueur, qui ne revienne dans chaque scène sexuelle. Il n'y est mémoire de fuite éperdue sous la mitraille qui ne confonde l'herbe dans laquelle on voudrait disparaître à l'ennemi, avec les poils pubiens d'une femme sur le corps de laquelle, après, on cherche à oublier.

Qu'est-ce à dire ? La sexualité ferait-elle partie de la vie ? Serait-elle même ce lieu où se cristallisent les traumatismes les plus aigus de l'existence ? Plus encore en serait-elle même le signe ou le symptôme ? Et cela ne faudrait-il pas l'apprendre, le faire comprendre à nos étudiants, nos élèves et nos enfants ? En censurant un livre qui met quelque chose à nu, quel est le véritable refoulé que l'on voudrait plus profondément enfouir ?

Il est temps que les faux-semblants tombent : de quel désir de "purification" nos nouveaux puritains sont-ils obsédés ? Au point d'arrêter un homme, de perquisitionner sa vie privée ?

Je suis heureux d'avoir enseigné Claude Simon : que l'on vienne fouiller chez moi, il y en a plein d'autres comme lui et Agota Kristof. Jusqu'à un certain Rabelais auteur d'un long développement sur l'invention du "torche-cul", morceau de bravoure de la langue française, que l'on nous faisait étudier... en classe de troisième.

Mais que l'on se rassure : les "humanités classiques" ne sont pas perdues pour autant. Dans les mêmes scènes d'amour et de sexe de La Route des Flandres, le narrateur laisse émerger sa part animale, et se fantasme en Ane d'Apulée, en héros des Métamorphoses d'Ovide. Tout n'est pas perdu : si la culture parfois mêne au coït, le coït aussi mène à la culture !

Dominique Viart

Professeur de littérature française

Université Charles de Gaulle - Lille 3

 

 

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Enseigner c'est choisir : la liberté d'enseigner passe par la liberté du choix de l'oeuvre ; aucun doute là-dessous. Soutien total.

Patrick Souchon, enseignant de collège en ZEP, et action culturelle du rectorat de Versailles.

 

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La guerre des boutons, ou "la poésie ne plaisante pas avec les porcs" (René Char)

Chers collègues,

Je suis professeur de Lettres à la retraite.

Mais c'est aussi en tant qu'écrivain et poète que je participe au mouvement de solidarité qui réprouve la censure dont est l'objet l'un de nos collègues de lettres.

Agota Kristof, de façon nue, montre le monde sans fard, sans la distance esthétique par quoi la littérature parfois se joue du réel et le fausse, recevant alors les suffrages des bien pensants, qui sont surtout des précautionneux. Son monde peut être cruel. Il n'est pas menteur. Comme est le monde de ceux qui préfèrent l'obscénité de la bétise, de l'argent et du racolage à la rudesse simple.

Des écrivains comme elle sont fils de la liberté, ou liberté en acte, si l'on préfère. Ils enseignent la première des résistances. Portent en eux le ferment d'un grand refus. Savent bien que c'est rire aux parents, que rire au soleil . En quoi résistent-ils? En ce que leur pratique est une parole, et qu'elle réévalue constamment la langue. En ce que leur grand souci, c'est d'entrer au coeur même de cette langue, notre patrie commune, pour, justement, la mettre en liberté . La folie qu'une telle poésie ouvre alors dans l'être, folie, oui, comme on parle d'un amour fou, est à mille années lumière des pratiques de la censure. Laquelle est la barbarie tout court. La poésie sait dire " non ". Elle enseigne à dire " non ". Elle ne plaisante pas avec les porcs ( René Char). Elle sait à qui, à quoi, elle donnera son congé. Et son bonjour. Elle ne doit pas craindre l'avancée, même masquée, des langues d'autorité, sanglées et bottées, dont on dit qu'elles sont de bois. Ces langues-là, elles ont peur.

Et c'est le mérite de certains que d'oser lui être fidèles, et de témoigner de cette fidélité devant des enfants qui, alors, pourrait bien se mettre à leur tour à ne plus mentir.

Jean-Marie Barnaud

post-scriptum : Il y a trente cinq ans, ou plus, c'est une vieille bique qui m'avait fait des crosses pour... "La guerre des boutons". Mais on n'avait pas perquisitionné chez moi...

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C'est la certitude qui est obscène. La morale qui croit savoir et qui met de l'ordre dans le monde. On expose ainsi les êtres à la vie, à ses fractures.

L'absurde ne manque pas de surgir, le chaos de l'existence, notre inconhérence.

Ne pas dire le monde aux jeunes, c'est non seulement les prendre pour des nains de la conscience mais c'est aussi cultiver leur vulnérabilité. Le cours de Français, de Lettres relève fatalement de la destabilisation. La langue, par son travail, y explore ces zones où tombe l'orgueil de la maîtrise.

Interdire Pascal parce qu'il nous donne l'étonnement d'être ? Et, implicitement, la peur de ne plus être ? Interdire Rabelais qui nous conte les merveilles d'un torche-cul ? Zazie, parce qu'elle veut faire institutrice pour faire chier les mômes ? Rousseau et l'aveu d'une fessée sensuelle ? Où arrêter la liste ?

Ou plutôt établir pour tout programme les oeuvres croisées de la comtesse de Ségur et de Barbara Cartland.

Où va donc une démocratie qui n'a plus confiance dans le pouvoir de la création ? Car le mouvement est bien ambivalent : les textes perturbent mais ils ouvrent le champ de la construction de soi. D'une construction qui tente de traverser l'opacité et le non-sens. A ce prix se font les itinéraires vraiment personnels, les seuls qui permettent d'aller de l'avant. Imposer une morale faite de canons établis par avance et pour tous relève de l'hypocrisie mais plus encore du danger.

Effrayante persquisition donc ! Garde à vue obscène ! Réponses de ceux qui ne vivent pas. Les ligues réduisent le mot vertu, et le prostituent. Que grandisse donc la solidarité des enseignants avec ceux qui proposent aux élèves -en toute humilité et dans la difficulté- d'oser se risquer à vivre.

Yves Ughes

Professeur de Lettres Modernes

Lycée Alexis de Tocqueville (Grasse)

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on rappelle

sur ce site, un article fondamental de Leslie Kaplan sur littérature et jugement moral

Leslie Kaplan / La littérature et l'inhumain

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Pennac aussi en garde-à-vue ?

Choquée profondément choquée par ce qui arrive à mon collègue d'Abbeville! Soutien total à lui et je sais à quel point il doit se sentir cassé..Le métier de prof expose et rend très vulnérable et là, l'attaque est monstrueuse, perfide.

Magnifique choix que le grand cahier! A qui expliquer ce qu'est la littérature et la nécessité absolue pour le prof de français du choix des oeuvres?

Je me sens terriblement inquiète. Si le terrain de notre salle de classe est menacé (et je crains que ce précédent ne fasse des petits), plus aucun enseignement digne de ce nom ne pourra être dispensé. Un professeur de français pour donner sa pleine mesure doit être libre de toute entrave;Seul maitre à bord dans sa classe. Mais cette liberté de jour en jour se réduit face aux exigeances administratives, aux pouvoirs des parents d'élèves qui s'insinuent dans nos cours voir dans nos classes;Plus aucune confiance en le savoir et la connaissance du prof, en sa manière de conduire sa classe, en son choix des sujets traités et la manière de les aborder.. C'est gravissime et beaucoup trop de collègues se carapatent (et parfois on les comprend tant la pression est forte).. Faut-il un tel événement pour que les consciences se réveillent? Celle d'une société française qui verserait dans un puritanisme à l'américaine doucement mais sûrement, celle de professeurs fatigués des attaques à répétition qui sapent le travail réel qu'ils font dans tous les collèges et lycées de France dans des conditions socio économiques de plus en plus difficiles . Ici est visée la liberté d'enseignement : à quand les programmes prêt à porter pour tous? Cousus de fil blanc , désinfectés de tout passage de toute relation à des problèmes brûlants.. Quand arrêtera -t-on de prendre les mômes pour des cons alors qu'ils vivent pour la plupart des réalités complexes difficiles de tout genre et qu'ils sont soumis à des sources multiples d'information dont les sens leur échappent parce qu'à la maison, il n'y a personne ou si peu pour les accompagner dans ce tri. C'est bien le rôle entre autres d'un cours de français de pouvoir aborder ces terrains là par le biais de textes ou autres supports et de remettre un peu d'ordre dans des têtes un peu confuses ou perdues dans ce maquis : Y a de quoi!!!!!

Dans ma classe de troisième, la prof que je remplace a choisi Le bonheur des ogres et on y va pour Pennac! ah la scène torride entre Julia et Malaussène! et l'enquète de Julia sur la sexualité des primitifs! et Théo est un pédé et on cause pédophilie et avortement et racisme et l'inceste des p'tits vieux, et on en cause évidemment parce que ça fait partie de ce polar pas question d'éluder! de mettre les crochets et les petits points sur passages "délictueux" comme dans les bons vieux Lagarde et Michard qui nous aseptisaient tout Rabelais..

Vaut peut-être mieux pour les mômes, nos ados découvrir ou redécouvrir certaines scènes par un bon roman que par des vidéos insipides brutales ou le fameux film de canal plus. On peut même discuter de la différence, du rôle de ces scènes là dans le roman. L'éducation sexuelle, c'est en 4ème et ils sont largement vaccinés. Sauf qu'entre l'approche hygiénique de la biologie (ah ces merveilleux profs de bio qui vont jusqu'à proposer d'enfiler la " chaussette"sur un bout de bois, pratique pornographique?, avertir tout de suite les parents et Steinmetz le procu d' Abbeville!!!!) et l'approche porno (où ils ne peuvent étabir aucune distance vu leur jeune âge) des cassettes ou des films qui circulent entre eux(oui oui via les vidéothèques familiales souvent), il est nécessaire quand l'occasion se présente d'en parler d'une autre façon; et les romans bon moyen/ NON?

Mais sans doute est ce la force du roman d' Agota Christof qui dérange..

TOUT SIMPLEMENT . N'importe quel prétexte pour empêcher ce prof de l'aborder dans ce collège où apparemment déjà des remous dans les jours précédents.. Dans un collège privé du coin, ils ont enlevé de la sélection du prix ados de la ville de rennes L'amour en chaussettes. Les jeunes se sont manifestés pour dire leur désaccord face à cette décision.

Qu'allons nous faire nous? Programmer la lecture du Grand Cahier dans nos classes de troisième? Créer une association professeur sans frontières?

Cordialement

Françoise Sahli

Professeur de Français "zr" cité scolaire Chateaubriand Combourg et collège Duguay Trouin Saint-Malo

 

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Chers collègues,

un message pour vous dire que je vous apporte mon soutien, et sous la forme qui vous conviendra.

Je suis professeur de lettres dans un lycée de Sarcelles.

Que puis-je faire ? faire circuler une pétition ? Ecrire un "papier" de soutien ?

Faut-il faire pression pour que notre collègue obtienne du Rectotat la protection juridique ?

Toutes les fleurs du mal de la littérature sont belles, et rien, jamais, ne réduit les fleurs au mal ; une oeuvre ne s'expurge pas, et la censure empoisonne - quand elle émane des parents ou de l'autorité judiciaire, en outre, elle crie la bêtise du monde.

Très solidairement,

Chantal Anglade

"Faut-il rire ou pleurer?

Une oeuvre littéraire ne s'interdit pas. Peut-être que ce qu'écrivait Diderot dans son mémoire sur la liberté de la Presse (1769) n'a-t-il pas perdu toute son actualité ? "Je vois que la proscription, plus elle est sévère, plus elle hausse le prix du livre, plus elle excite la curiosité de le lire; plus il est acheté, plus il est lu. Et combien la condamnation n'en a-t-elle pas fait connaître que leur médiocrité condamnait à l'oubli! Combien de fois le libraire et l'auteur d'un ouvrage privilégié s'ils l'avaient osé n'auraient-ils pas dit aux magistrats de la grande police : "Messieurs, de grâce, un petit arrêt qui me condamne à être lacéré et brûlé au bas de votre grand escalier."

Jean-Claude Jorgensen, enseignant au lycée d'Orbigny (Nantes Sud)

 

mercredi 6 octobre, dans Le Temps (Genève), la réaction d'Agota Kristof ...

Pornographique Agota Kristof ? par Lisbeth Koutchoumoff

Abbeville, dans la Somme, en France. Un vent orwellien souffle sur la ville. C'est pourtant Le grand cahier d'Agota Kristof (traduit en 20 langues) qui est au coeur de la tourmente. La semaine dernière, des délateurs anonymes - en l'occurrence des parents d'élèves d'un collège du lieu - dénonçaient un jeune professeur pour avoir fait lire l'oeuvre de la romancière neuchâteloise à ses élèves de 13-14 ans. Selon cette plainte, le texte, plaidoyer contre la guerre, serait «pornographique».

Le procureur de la République et les policiers de la place ont réagi... au quart de tour: cueilli à la sortie de l'école, le professeur a subi un interrogatoire de plusieurs heures et la perquisition de son domicile. Relâché, il risque toujours des poursuites judiciaires. Le procureur inscrit son action dans le cadre de la législation sur la protection des mineurs et estime «qu'une infraction était en train d'être commise» en s'appuyant sur trois passages du livre: deux scènes de fellation et une scène de zoophilie.

Société en guerre

Les Editions du Seuil ont rapidement fait connaître leur «consternation devant l'usage de la force dans un débat pédagogique». Une pétition de soutien au professeur circule dans les milieux littéraires. L'académie d'Amiens réfute l'idée de faute de la part du jeune professeur mais reconnaît une maladresse dans le choix du titre pour des élèves de 13 ans.

Agota Kristof se déclare surprise par l'affaire: «Le livre est au programme de très nombreux lycées. Je comprends toutefois que l'on puisse considérer ces passages comme pornographiques s'ils sont isolés. Cette oeuvre est fortement autobiographique. Enfants, pendant la guerre, en Hongrie, nous parlions énormément de sexe. Cela fait partie de la réalité d'une société en guerre», explique l'écrivain. Valérie Petitpierre, auteur de Agota Kristof, d'un exil à l'autre, un essai qui vient de paraître aux Editions Zoé, estime que 13 ans est sans doute un peu jeune pour la scène de zoophilie «qui perturbe même les adultes. Mais je ne qualifierais jamais ce livre de pornographique».

La guerre et ses horreurs, voilà où se niche la vraie pornographie.

 

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Je soutiens évidemment le collègue, condamne les agissements policiers, ne félicite pas le juge, déplore l'absence de lucidité de ces parents qui , à tout le moins agissent sans réflexion.

Paul Recoursé, enseignant, Saint-Brieuc.

J'apporte mon soutien à l'enseignant qui a commis ce "crime" d'amener sur son lieu de travail un "livre" de la collection Points, romans "étrangers.

J'interviens régulièrement en lycée et collége pour des activités liées au travail de l'image et du son.

Sans doute, sommes nous, avec les enseignants qui m'accompagnent dans ces démarches, passibles aussi d'éventuelles garde à vue.

Jean Yves Yagound (ciénaste, Klicanovo, Nîmes)

 

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interventions et messages aussi sur la page FORUM du Matricule des Anges

avec des extraits, interviews etc dans leur n° 16, consacré à Agota Kristof

L' Heure grise - Agota Kristof / Hier - Agota Kristof / L' Epidémie - Agota Kristof / Le Troisième Mensonge, entretien - Agota Kristof

 

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transmis par Bertrand Leclair, un article à paraître dans la Quinzaine Littéraire du 15 décembre

L'AFFAIRE DU GRAND CAHIER

L'affaire, à juste titre, a fait quelque bruit, nonobstant le silence assourdissant des ministères concernés : suite à la plainte de parents d'élèves, un enseignant d'Abbeville a été arrêté fin novembre, placé en garde à vue durant cinq heures alors que la police se livrait à une perquisition à son domicile au motif qu'il aurait donné à lire à ses élèves de troisième, au collège Millevoye, un ouvrage "pornographique". Quand on apprend que l'ouvrage incriminé n'était autre que ... Le Grand Cahier, d'Agota Kristov, on se demande bien ce que pouvaient chercher les policiers pour étayer leur accusation (Proust ? Philip Roth ? Pas Flaubert, tout de même ? On frémit à toutes ces horreurs). Cela pourrait presque paraître burlesque, n'était l'enjeu humain d'un professeur immédiatement métamorphosé en brebie galeuse (il n'y a pas de fumée sans feu) et de jeunes lecteurs subitement renvoyés à l'ombre d'une très étrange culpabilité.

Premier volume d'une célèbre trilogie de la romancière d'origine hongroise aujourd'hui installée en Suisse, qui raconte sans fard ni sensiblerie les tribulations de deux jeunes jumeaux dans un pays en guerre et constitue d'abord une variation sur le totalitarisme, Le Grand Cahier a en effet acquis un statut de classique depuis sa parution en 1986. Traduit en plus de vingt langues, étudié depuis des années dans les lycées, vendu en France à quelque 200.000 exemplaires, ce roman serait donc "pornographique". A ce compte, il est peu de librairies ou de bibliothèques en France qui ne méritent d'être immédiatement classées X.

Le moins que l'on puisse dire de cette affaire, c'est qu'elle révèle, d'une part, le déplacement de l'obscène dans les souterrains de la conscience collective, sur fond d'affichettes invitant à se réfugier dans l'univers rassurant des "3615J'aime ça" ou autres "sexe.com" - et ce déplacement n'est certes pas rassurant... -, et, d'autre part, la puissance d'un système policier incontrôlable, qui se met en branle à la suite de plaintes de parents d'élèves : il suffit qu'il se trouve un procureur de la République susceptible de confondre littérature et pédophilie pour relayer ces plaintes. Cela peut donner à réfléchir sur l'indépendance des magistrats.

Le rectorat s'est contenté d'estimer qu'il n'y avait pas eu faute de l'enseignant, et qu'il n'était "pas question" de le sanctionner (!). La justice a classé l'affaire, et ne semble pas non plus vouloir demander des comptes au procureur. Il est vrai que tout rentre dans l'ordre : les élèves d'Abbeville vont enfin pouvoir étudier tranquillement Harry Potter ou lire l'internet en dix bonnes leçons de morale.

 

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Merci d'avoir créé cette adresse pour que l'on puisse manifester son soutien à l'enseignant de francais poursuivi pour avoir fait travailler ses élèves sur Le Grand Cahier d'Agota Kristof.

Merci de lui transmettre ce message. Je le soutiens de tout coeur. Qu'il ne se décourage surtout pas et qu'il ne se sente pas coupable!

Il pourrait rappeler à ceux qui le poursuivent ce qu'en 1991 Jacques Leenhardt (directeur du Groupe de Sociologie de la Littérature à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales), chargé par le Conseil de l'Europe de répondre à la question "Existe-t-il un lecteur européen?", écrivait à propos du Grand Cahier qu'il avait choisi de faire lire à des personnes de tous âges (y compris des adolescents) en Allemagne, en France et en Espagne: "Dans cette enquête, nous avions choisi l'ouvrage d'un écrivain hongrois, Agota Kristof, Le Grand Cahier. Il s'agissait de choisir un texte littéraire qui n'appartienne pas à l'une des trois cultures dans lesquelles nous devions travailler. Le Grand Cahier, petit livre simple en apparence et très bien écrit, qui retrace l'histoire de deux jumeaux vivant quelque part au centre de l'Europe, sur une frontière à la fin de la guerre, dans la dérive d'un univers dont toutes les règles, les normes, les limites ont été détruites, offrait les conditions d'une enquête comparative sur la lecture. Deux jumeaux, abandonnés de leur mère et de leur père, vivent chez leur grand-mère, une sauvageonne au grand coeur, et essaient, avec pour tout bagage culturel deux livres, La Bible et un dictionnaire, de reconstruire un monde. Ils le reconstruisent dans leur vécu et tiennent un journal. Le roman c'est leur journal, récit en première personne du pluriel, au quotidien et sans affectation, étonnament neutre de ton et violent à la fois.(...) La lecture est ce carrefour où se négocient, dans l'imaginaire, des rapports multiples, ayant toujours quelque lien avec l'expérience du lecteur. Les lecteurs européens sont donc aussi différents que leurs expériences collectives le sont, raison pour laquelle on ne saurait parler d'UN lecteur européen. En revanche j'ai voulu montrer que le système des différences entre les lectures, parce qu'il se fonde sur la nécessité pour chacun d'adapter la compréhension qu'il a d'un texte à l'expérience qu'il a de la littérature et de la vie, confirme l'hypothèse selon laquelle la littérature joue, en Europe, un rôle déterminant dans la construction, par les individus, du lien social." (In: LENDEMAINS, 63, 1991, 86-94)

Ce lien social risque de disparaître si l'on poursuit ainsi des enseignants engagés qui font étudier à leurs élèves de vrais textes littéraires qui renvoient à l'histoire européenne (la scène de la servante et des déportés) et sont en même temps d'une actualité hélas brûlante (il y a de plus en plus de "réfugiés" qui doivent réinventer leur histoire): par l'étude de cette littérature les adolescents peuvent mieux se situer dans le monde et mieux l'interpréter - s'emparer du langage et se défendre aussi comme l'auteur du Grand Cahier qui dans une langue qui n'est pas la sienne a tenté de reconstruire la mémoire, comme le souligne Colette Sarrey-Strack dans son portrait d'Agota Kristof où elle montre aussi que le roman a une grande fortune pédagogique:

"En 1985 elle termine la rédaction du Grand Cahier qui fait aussitôt l'unanimité aux Editions du Seuil. Ce roman, paru en 1986, est traduit en une vingtaine de langues, en 1991 il était même sujet de bac dans les collèges de Neuchatel. (...) Ironie du sort, ce sont des élèves et des étudiants de Francais Langue Etrangère qui apprennent le francais sur les trace d'Agota Kristof, elle qui avoue avoir été quelque temps analphabète dans cette langue. Que langue et nation ne font plus un, c'est ce qu'illustre Le Grand Cahier et la trilogie porte les traces du trou de mémoire dans lequel ont été plongées toutes ces "displaced persons". Arrachée à son imaginaire, elle a reconstruit son histoire sur des ruines" (in LENDEMAINS,75/76, 1994,182-184)

Dans l'entretien qui suit (185-190) Sarrey-Stack demande à Agota Kristof:" Est-ce que vous n'avez pas eu des remarques concernant le personnage de Bec-de-Lièvre?

Agota Kristof: (rit) Ah oui, cette histoire! Oui, j'ai quand même regretté de l'avoir mis dedans parce que cela empêche la lecture pour des plus jeunes... quoique je connaisse des lecteurs de 12, 13 ans. Sans cette histoire, ca serait certainement plus lu. C'est un peu dommage que souvent des profs ou des élèves soient choqués. C'est arrivé surtout avec des parents d'élèves... Mais dans la plupart des écoles ca va très bien. En Belgique toute une classe m'a écrit des lettres, je ne sais pas combien... 18, 20 élèves. Chacun des élèves m'a écrit une lettre ... et puis, dans beaucoup d'autres lycées, on lit ca sans s'effaroucher."

En tout cas elle n'évoque pas de garde à vue, de perquisition, d'appel à la police et à la justice contre un enseignant.

Si cela continue, on finira comme aux Etats Unis par interdire Le petit Chaperon rouge, on donnera aux enfants des textes édulcorés qui ne leur apprendront rien sur la langue, sur le monde ni sur eux-mêmes, et qui les rendront vulnérables à la violence gratuite des jeux vidéo.

Je me souviens que lorsque nous avons étudié Tristan et Iseut en classe de troisième, dans un lycée de filles en 1960, des parents avaient protesté et dénoncé l'enseignant pour étude de texte pornographique auprès de la Directrice: cela n'est pas allé plus loin, mais nous avons été profondément choquées par la réaction de ces parents et nous avons soutenu notre professeur. J'espère que les élèves du collègue ainsi mis au pilori en font autant.

J'espère aussi que bien des internautes lui enverront des messages: qu'il sache qu'il n'est pas tout seul.

Bon courage

Evelyne Sinnassamy, revue franco-allemande Lendemains (Berlin)

 

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À l'enseignant d'Abbeville, et à tous les professeurs qui dans leurs classes font partager leur passion pour la littérature, et la littérature contemporaine en particulier, mon admiration et mon soutien ! Mes livres, étudiés au lycée, ont souvent fait l'objet de pétitions émanant des parents d'élèves - en particulier "La girafe", qu'un professeur de français a retiré in extremis de son programme il y a quelques années sous la pression de quelques parents qui le menaçaient de poursuites judiciaires. À noter également, dans le même esprit d'ouverture, l'interdiction dans certains établissements du roman "La Nouvelle Pornographie" qui figurait sur la liste du Goncourt des Lycéens.

À cette garde-à-vue, répondons en ouvrant grand les yeux !

Marie Nimier, écrivain

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Indignés par les réactions aberrantes des parents d'élèves qui vont ont visé, je vous adresse mon soutien le plus total dans cette triste bagarre où vous vous trouvez engagé.

Le Grand Cahier d'Agota Kristof a fait l'objet d'adaptations théâtrales magnifiques et est connu dans le monde entier comme un texte, certes violent, mais d'une profonde pédagogie, porté par une écriture d'une grande qualité artistique.

Tous mes voeux vous accompagnent.

Micheline Attoun et Lucien Attoun, codirecteurs de Théâtre Ouvert, Centre National Dramatique de Création

 

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En ces tristes jours pour l'enseignement du français, je me permets d'apporter mon soutien le plus entier au collègue incriminé en tant qu'ancienne victime de Candide de Voltaire!

J'avais osé en 1967 lire en entier à haute et intelligible voix le chapitre III de Candide... sans savoir que l'édition Larousse utilisée par les élèves et soigneusement choisie par mon prédécesseur contenait des [...].

Très rapidement, grâce à une édition intégrale, la plupart des élèves ont appris ce que signifiait ce signe. Par ma voix, ils ont appris que les héros pouvaient avoir des besoins naturels et comment les assouvir. Plus loin ils ont appris -par eux-mêmes cette fois- que les femmes pouvaient cacher des bijoux à des endroits auxquels ils n'auraient pas pensé. Plus loin encore ils ont découvert que dans une tribu de sauvages Oreillons les filles se livrent avec les singes à des jeux...

Tollé dans quelques familles trop chrétiennes! Charitablement, - c'était dans le privé, en Bretagne -, la semaine suivante, l'aumonier a fait un cours sur le thème : "comment enseigner chrétiennement la littérature?" Je croyais qu'on avait progressé depuis! Qu'y a-t-il de plus dans "Le grand cahier"?

Ps: ce matin même un collègue (jeune aussi!) m'a raconté sa rencontre avec une mère d'élève (issue d'une secte protestante locale): elle protestait parce que son pauvre chéri risquait d'être traumatisé par la fameuse partie de campagne de Maupassant en 4e!Bon courage... il y a encore du chemin à faire.... Et si on écrivait tout dans un grand cahier?

Jean Bescond

A la découverte d'Armand Robin, poète, écrivain, anarchiste, breton, essayiste, homme de radio, de théâtre, et pourfendeur de toutes les propagandes et de toutes les oppressions:

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La bêtise

Elle aime à juger. Matelassée dans ses certitudes, l'aile du

doute ne la frôle jamais. Elle ignore l'élégance de la retenue.

Soutien à ceux qu'elle frappe!

Aujourd'hui soutien à notre collègue de lettres. A ses collègues du collège.

Demain...

Alain Freixe, enseignant, écrivain (Nice)

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Merci de transmettre mon soutien aux professeurs d'Abbeville : et honte à la police et la justice !

Moi qui suis toujours heureuse d'apprendre que des profs aiment et font découvrir la littérature contemporaine à notre jeunesse : cette histoire me met mal à l'aise. Je suis militante active de parents d'élèves (collège et lycée) et là j'ai envie d'hurler contre ces gens-là !

J'aimerais connaître le nombre de professeurs qui en France ont fait lire les livres d'Agota. Juste comme ça. Le Grand Cahier me laisse un souvenir fort : mes petits yeux n'y ont rien vu de pronographique !

Juste une histoire, une écriture qui happent. La bête immonde est toujours là. Chapeau bas à ceux qui réagissent !

Bon courage à vous, à tous

Martine Laval (Télérama - cette réaction est personnelle et n'engage évidemment pas son journal - FB)

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réflexions personnelles (antérieures à l'affaire d'Abbeville)

écrire et lire avec la littérature contemporaine : former les enseignants

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À propos de la bavure policière d'Abbeville

par Jean Romain

À propos de cette affaire, la question que je me pose est la suivante : est-il vraiment question de bavure ? D'erreur de pratique ? D'abus ?

Étant donné ce qui se passe, la chasse aux professeurs étant ouverte, pourquoi sommes-nous surpris outre mesure ?

En effet, l'incident s'inscrit sur une ligne qui semble assez clairement lisible : si l'école est une Institution, l'Institution est un organisme d'État et, en tant que tel, supérieure à l'individu, serviteur de cet État : les actions individuelles ne prennent sens qu'au sein de cette unité supérieure, les démarches individuelles sont subsumées par les lois de l'Institution. Si en revanche, l'école est tenue pour un simple service public, tout service public est inférieur aux individus qui le composent, parce qu'il est à leur service justement.

S'il est désormais possible, comme à Abbeville, de placer un professeur directement en face des parents, voire de la justice, c'est que l'école a transité du concept d'Institution publique vers celui de service public. Dans un service public, le client est roi (en l'occurrence les parents qui paient leurs impôts), et ce client payeur peut demander, au même titre qu'il exige que son enfant réussisse son année scolaire puisqu'il paie, que le vendeur (le professeur) rendre indéfiniment compte de ce qu'il fait. C'est l'élève au centre ! Et le salaire au mérite. On a transité ainsi du " droit aux études " au " droit au résultat ", ou si vous préférez, de l'égalité des chances à l'égalité des élèves.

Dans une Institution publique, les choses devraient se conduire autrement : n'importe quel membre a évidemment à rendre des comptes à sa hiérarchie. Parce que c'est de l'État qu'il tire sa légitimité de professeur et non pas de la société. Si un professeur commet une faute (pédagogique, humaine ou autre) c'est à l'intérieur même de l'Institution qu'il convient d'enquêter : c'est " à l'interne " qu'on va évaluer le problème, mesurer la faute et, après, si besoin est, on peut naturellement faire intervenir la justice. Mais il y a une hiérarchie qui devrait s'interposer entre l'Institution et la société. À présent, il est donc possible de court-circuiter la filière normale, de supprimer cette interposition, afin de livrer un professeur, seul et désarmé, aux parents. Si on préfère : de passer de la structure étatique à la structure sociale. C'est Jésus devant Pilate. Mais ici Pilate n'est pas aussi embarrassé !

À force de répéter que l'école est un lieu de vie (belle sottise s'il en est), l'école finit par devenir ce lieu où la vie intervient dans ce qu'elle a de plus brutal. Si l'école publique a contrario est un lieu de culture (ce qu'à mon sens elle doit devenir) alors elle échappe à cette nouvelle philosophie de l'organisation qui la déboulonne tous les jours un peu plus.

Voilà comment se présente le montage, derrière le paravent de l'école actuelle. Mais qui appuie sur le levier ? Qui accepte d'être porteur d'eau ? Qui a intérêt à déboulonner pareillement l'école? Répondre à cette question c'est comprendre notre monde. Quoi qu'il en soit, seuls les naïfs peuvent penser qu'il s'agit là d'une bavure ou d'une péripétie fortuite.

Voyez-vous, de fait, on ne cesse jamais de libérer Barrabas.

 

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voilà ce que j'aimerais dire à l'enseignant d'Abbeville :

des parents aussi vous soutiennent ! (nous ne dormons pas tous, pas encore)

qu'elle est choquante cette façon de vous attaquer, quelle sournoiserie : le bourrichon monté, sans réfléchir on crie au loup, chaque petite voix veule grossissant le cri, mais avec tant de faiblesse qu'on en appelle à la Force

et tout ceci sans dialogue préalable, sans échange ni écoute, en évitant commodément l'autre, en l'occurence celui qui enseigne... quel exemple !

nos pauvres gosses mériteraient mieux, pour qui s'appuyer sur le trépied plus ou moins bancal école/famille/société n'est déjà pas si facile

et la littérature ? ces faits lamentables nous rappellent que pour ceux qui la font, il y encore du travail...

dans le même ordre d'idées, je n'en reviens pas qu'on ait pu interdire "La nouvelle pornographie" dans un lycée ; mais la lecture du titre a dû suffire aux censeurs...

ces accès d'humaine bêtise font bien plus de mal que n'importe lequel des textes mis en cause

(et d'ailleurs, pourquoi ne pas faire confiance aux profs quand il s'agit de les présenter aux ados ?)

donc pour commencer : solidarité parents-profs ! la prof de français de ma fille je l'aime bien ; on se parle, on s'échange les livres d'Annie Saumont (pas interdite, elle, encore ?)

Patrice Lucotte (Saint-Dié - Jura)

Salut aux "collègues d'Abbeville"

Tout enseignant de lettres a été confronté un jour ou l'autre à l'obscurantisme latent... L'on m'a dit, des parents se sont plaints et ont affirmer que Duras "ce n'est pas de la littérature" à propos de _l'Amant_... que Bilal et son _Sommeil du monstre_ "c'est trop violent etpornographique" (la violence présente ici mérite tellement qu'on en parle : acte civique!), que la science fiction "n'a pas à être étudiée en collège", que je me "croyais intelligent en faisant du sous Prévert ou du sous Queneau" en proposant un travail d'écriture à partir des _exercices de style_... Mais on ne m'a rien dit quand j'ai travaillé _Emma Bovary_, _Thérèse Philosophe_ (l'incipit) ou _Les Confessions_.... Alors, même en lycée privé, la littérature a quand même sa place, mais attention, selon des parents seulement si elle appartient aux siècles passés...

Ph. Misandeau

 

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ces textes sont protégés et appartiennent au Courrier Picard, lisez-les directement sur leur site

on en reproduit ici des extraits à titre purement informatif, en les remerciant, parce que ce dossier est d'importance nationale

Le Courrier Picard a mis en ligne un dossier sur "L'affaire du professeur d'Abbeville"

1 - Le point de vue du recteur : "Rien à déclarer"

extrait

Ma " bible ", c'est un texte de 1883 de Jules Ferry. C'est une lettre aux instituteurs où il dit " qu'il s'agisse d'opinions politiques ou religieuses, faîtes en sorte, messieurs, qu'aucun de vos propos ne puisse choquer un père de famille de bonne foi ".

2 - Le point de vue du procureur

extraits

Présentée comme préventive par le procureur d'Abbeville Patrick Steinmetz, la procédure judiciaire engagée dans cette affaire, n'avait selon lui que " pour but de protéger les enfants face aux messages violents ou à caractère pornographiques, comme le prévoit la loi. ... Avec cette convocation des parents, nous voulions savoir en fait où en étaient leurs enfants dans la lecture de l'ouvrage, précise le procureur. Car il se trouve que le professeur en question, avait donné en devoir du soir à lire les premiers chapitres du livre qui sont les plus corsés ". Pour ne rien laisser au hasard, les policiers ont ensuite placé en garde-à-vue le professeur pendant trois heures et ont perquisitionné son domicile. Un choix d'investigation que le procureur explique ainsi: " La perquisition visait à s'assurer qu'il n'y avait pas d'autres dangers pour les mineurs ". Une fouille de l'appartement qui apparemment, n'a rien révélé de suspect. Pour autant, si dans ce cas-ci, l'investigation n'a pas mis en évidence d'intention malsaine de la part de l'enseignant, le procureur a réaffirmé qu'il n'hésitera pas à recommencer au cas où une affaire similaire devait se reproduire. " Nous plaçons tous les jours des mineurs pour suspicion de mauvais traitement, dit-il. Il est de notre devoir de tout faire pour les protéger ". 

3 - Le point de vue de l'éditeur (interview de Claude Cherki, PDG du Seuil)

extraits :

Claude Cherki a été surpris par l'intervention de " la police dans un collège à propos d'un enseignement donné par un professeur. Cela me scandalise. La procédure qui a été suivie est inadmissible. J'espère, je pense, que le ministre de l'Éducation nationale va intervenir. Demain, si les parents d'élèves ne sont pas contents d'un cours d'histoire, de sciences naturelles, ils pourront demander au juge d'instruction d'engager une action contre un enseignant ! "

Cette attaque contre " Le grand cahier " est qualifiée de " ridicule " par son éditeur. " C'est un livre qui a été publié, il y a 14 ans. Il a été traduit en 16 langues. Il est étudié dans les lycées en France et à l'étranger depuis plus de dix ans. C'est devenu une sorte de classique. C'est un auteur célébré au Japon. Il est étudié dans les lycées sans aucun problème ".

Claude Cherki proteste face au qualificatif d'Ëuvre pornographique: " Il y a un petit passage qui peut prêter à contestation. Très franchement, ou alors les élèves de troisième des lycées de Picardie sont en retard, c'est ridicule ce procès qu'on fait à ce livre ! Nous en vendons des milliers par an sur prescription des enseignants. L'important, l'essentiel de ce livre-là n'est pas dans ce passage secondaire. La puissance de ce livre est dans sa force littéraire, dans ce qu'il raconte sur la guerre, sur le déchirement. C'est cela qui est important, c'est ce que les enseignants ont compris très vite et ont voulu faire partager à leurs élèves ! Ils ont été très nombreux à le faire. C'est le premier enseignant, me semble-t-il, qui ait à subir, de manière ridicule, les foudres de la justice. C'est comme si demain, on demandait de ne plus étudier " L'étranger " de Camus sous prétexte que ce livre pourrait inciter à la violence raciale. Ce serait tout aussi ridicule. Je suis trop indigné pour parler sereinement ! "

 

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Et si tous les enseignants de France désirant montrer leur soutien à leu collègues d'Abbeville (et ils ont l'air nombreux ) et par là-même de faire usage de leur droit au libre choix, si donc tous les enseignants bousculaient un peu leur programme cette année, pour inclure la lecture du Grand Cahier. Est-ce que cela ne permettrait pas d'isoler un peu les censeurs, de le faire au grand jour et de le faire magistralement? Merveilleuse perspective en fait que de se rendre tous coupables pour ne pas être sanctionnables.

Je vous envoie tout mon soutien, de tout coeur.

Philippe De Jonckheere

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Ce qui effraie dans cette histoire ce sont les propos du procureur et du recteur : « les magistrats ne sont pas des plaisantins ni des gens superficiels » affirme ce dernier, sans se rendre compte du double sens terrible de sa phrase. Manifestement, il n'est pas question de bavure, de dérapage : la garde à vue et la perquisition ne sont pas le fait de « gens superficiels », mais relèvent d'une véritable volonté institutionnelle, plus ou moins bien assumée, par ailleurs, au niveau national (V. les déclarations de J. Lang.

Pourtant, ce nÌest pas la représentation du sexe, si crue quÌelle soit, qui est en cause, car on ne censure plus Salambô ni Pantagruel. Non, ce qui est réprouvé, c'est la représentation du sexe avec des mots d'aujourdÌhui ; autrement dit, la représentation du sexe dans une littérature qui ne reproduit pas les signes face auxquels tout le monde sÌaccorde à reconnaître la fiction. Lorsque le procureur affirme que : « la perquisition visait à s'assurer qu'il n'y avait pas d'autres dangers pour les mineurs », on peut légitimement se demander ce qu'il pensait découvrir.

Que se serait-il passé si, au lieu de la tranquille bibliothèque d'un professeur, les gendarmes avaient trouvés des manuscrits, des disquettes remplies dÌune écriture en invention, des textes lus encore à quelques amis seulement, bref, rien qui soit légitimé par l'autorité d'un éditeur, d'un comité de lecture ? Les gendarmes auraient-ils annoncé le démantèlement d'un réseau pédophile ? La presse aurait-elle fait chorus ? On peut souhaiter que non, on peut douter aussi.

Proposer de la littérature contemporaine le plus tôt possible dans le cursus scolaire est un acte salutaire pour l'étude des textes plus anciens. C'est réhabiliter l'écriture comme pratique, comme lutte pour l'acquisition d'une parole, comme prise de position dans le monde. Mais c'est un risque, un gros risque apparemment.

Ceci enfin, extrait de La terre de Zola, dédié aux procureurs, recteurs, doyens, inspecteurs et autres censeurs, en leur rappelant que Monsieur Charles vit des revenus dÌune maison de passe :

« Croyez-vous ça ! avez-vous jamais vu une abomination pareille ! J'étais à nettoyer mon rosier, je monte sur le dernier échelon, je me penche de l'autre côté, machinalement, et quÌest-ce que j'aperçois ! Honorine, oui ! ma bonne Honorine, avec un homme, l'un sur l'autre, les jambes en l'air, en train de faire leurs saletés. Ah ! les cochons, les cochons ! au pied de mon mur !

Il suffoquait, il se mit à marcher, avec de grands gestes nobles de malédiction.

Et imaginez-vous Elodie montant à cette échelle, découvrant ça ! Elle, si innocente, qui ne sait rien de rien, dont nous surveillons jusquÌaux pensées ! Ça fait trembler, parole d'honneur ! Quel coup, si Madame Charles était ici !

Justement, à cette minute, comme il jetait un regard par la fenêtre, il aperçut l'enfant, cédant à une curiosité, le pied sur le premier échelon. Il se précipita, il lui cria d'une voix étranglée d'angoisse, comme s'il l'avait vue au bord dÌun gouffre.

- Elodie ! Elodie ! descends, éloigne-toi, pour l'amour de Dieu !Ì »

Avec mon soutien chaleureux à l'enseignant d'Abbeville, amicalement,

Frédéric Deshusses, étudiant à l'Uni de Genève.

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une analyse de Michel Séonnet, autre approche :

Une fois encore je vais me faire mal voir, mais bon - allons-y !

Parce que dans cette affaire d'Abbeville, à vouloir entonner les trompettes de l'anti-censure et de la bonne conscience pétitionnaire, on finit par tout mélanger.

Je vais essayer de m'expliquer.

Dire tout de suite : ce qui est inacceptable dans cette affaire, c'est

1/ qu'un procureur ait jugé que le contenu d'un enseignement pouvait être une mise en danger de mineurs si grave qu'il fasse aussitôt intervenir la police;

2 / que ce même procureur ait jugé que de faire lire "Le Grand Cahier" à des adolescents pouvait cacher de graves délits de moeurs jusqu'à faire perquisitionner chez l'enseignement;

3 / que le principal de l'établissement ne se soit pas opposé par tous les moyens à une telle intrusion policière.

Mais par retour, ce qui est réjouissant, c'est qu'un non-lieu ait été prononcé et que l'enseignant n 'ait été l'objet d'aucune sanction professionnelle.

Réjouissons-nous, bon sang ! Nous sommes dans un pays de droit, et le droit, cette fois-ci, a encore eu force de loi !

Que la mobilisation des enseignants du collège et des différents soutiens ait joué un rôle dans la rapidité du retour au droit, on peut le penser.

Mais justement : le droit est ce qui n'est jamais acquis ! et oser imaginer que quelque chose de cet ordre puisse être sans qu'on ait à lutter pour (dormez, la loi fera le reste !), cela me semble toujours saugrenu.

Mais le débat n'est pas seulement en termes de droit - c'est aussi une question d'enseignement. Et là je ne peux m'associer à la vulgate libérale dont la phrase de Patrick Souchon me semble être la plus précise énonciation : "Enseigner c'est choisir : la liberté d'enseigner passe par la liberté du choix de l'oeuvre; aucun doute là-dessous".

Eh bien non ! Au nom de quoi cette conception d'un enseignant seul maître à bord ! D'un enseignant qui n'aurait à relever d'aucun regard, d'aucun contrôle ! Disons-le : d'aucune éthique, d'aucune politique ! Avec de tels propos, les Faurisson ont de beau jour devant eux, et nous aurons l'air fin lorsque nous nous opposerons à tel ou tel enseignant qui propose des textes évidemment antisémites, racistes, etc.

Je pense que le questionnement critique du choix des oeuvres à enseigner fait partie de l'acte même d'enseigner - et je dirais la même chose (pour reprendre la très belle lettre de Dominique Viart) qu'il s'agisse de Claude Simon ou de San-Antonio, de Pennac ou de "Harry Potter".

J'ai autour de moi pas mal d'enseignements (ma compagne, d'abord) qui, un jour ou l'autre, ont eu des difficultés avec des parents d'élèves qui contestaient telle ou telle oeuvre proposée.

Sur le fond (et pour avoir pendant pas mal d'années milité à la FCPE) je ne vois pas au nom de quoi les parents devraient se taire quant aux manières et aux contenus d'enseignement.

Je crois que l'on est là face à deux conceptions de la démocratie.

Pour l'une, la démocratie est débat. Tout le monde doit pouvoir donner son avis sur tout. La fonction de l'état démocratique est de créer les structures et la possibilité de tels débats. Dans un collège, ce sont des structures qui existent - conseils d'administrations, conseils d'établissements, etc.

La deuxième conception de la démocratie (mais est-ce encore de la démocratie ? ) est celle qu'on nous vend aujourd'hui sous le signe du chacun fait ce qu'il veut comme il veut, n'a à répondre de rien à personne.

Je crains que bien des propos dits "de soutien" à l'enseignant d'Abbeville relèvent de cette deuxième conception.

La démocratie est combat. Chaque jour. Combat pour la parole échangée. Ni soliloque (je fais ce que je veux). Ni sommation (fais ce que je te dis).

Dialogue.

Combat pour ce dialogue.

Et la littérature, là-dedans ? La littérature à l'école, au collège, au lycée ?

Dire qu'elle est partage ? Partage du monde ? Partage de l'inconnu ? Et qu'à ce titre-là elle inquiétera toujours, et n'aura donc de place au creux de l'enseignement que comme possible danger - ne serait-ce qu'à ce mot : plaisir.

Le danger, aujourd'hui, serait de réduire cette insurrection native de la littérature à la chose sexuelle - qui sous le nom de "pornographie" a retrouvé son sens premier : écriture de la marchandise - les marchands applaudissent.

Je reprends une fois encore ce mot d'élaboration suggéré par Ernst Bloch. Ce travail de langue qui est travail de naissance de chacun à lui-même.

Finalement, je voudrais boire un coup avec vous, camarades pétitionnaires ! En l'honneur de la littérature qui a encore rempli sa tâche de faire intrusion ! Au droit républicain qui, lâchant toute poursuite, a confirmé qu'à s'exercer ainsi elle était dans son droit.

Au prochain combat !

Michel Séonnet

 

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Combat pour le dialogue

réponses à l'intervention de Michel Séonnet

"Que la mobilisation des enseignants du collège et des différents soutiens ait joué un rôle dans la rapidité du retour au droit, on peut le penser."

Heureusement que la révolte s'est exprimée sans retard : vous dites que le droit est ce qui n'est jamais acquis. Tiens, moi je croyais qu'il s'opposait à la force et la brutalité.

En l'espèce, le droit fondamental de notre collègue à bénéficier de la présomption d'innocence n'a pas vraiment éte respecté au départ de cette affaire. Que pensez - vous d'une arrestation parmi ses élèves de ce professeur de fait condamné d'emblée à leurs yeux comme un très dangereux pervers ?

C'est tout simplement dégueulasse. Ce procureur et le commissaire qui a exécuté cette interpellation n'ont pas servi la justice. Quant au proviseur ou principal, il m'a paru bien faiblard dans ses explications. J'attendais une protestation plus vigoureuse, une opposition à ces agissements inadmissibles.

D'accord avec quelques uns de vos arguments , par ailleurs. Mais l'essentiel est que la garantie fondamentale du choix pédagogique soit respectée. En l'occurrence ce n'est pas le cas. Et si les parents ne sont pas d'accord, ont des doutes ( je suis parent d'une lycéenne), qu'ils aillent discuter avec les interlocuteurs que sont les personnels, enseignants,administratifs, d'abord. C'est simple, c'est clair, c'est démocratique et souvent efficace. La judiciarisation systématique de la vie publique est détestable.

A ceux qui ne l'admettent pas de contribuer à une offre éthique digne de notre pays.

Paul Recoursé (Saint-Brieuc)

Il me semble que le message de M. Séonnet laisse apparaître quelques confusions.

"Parce que dans cette affaire d'Abbeville, à vouloir entonner les trompettes de l'anti-censure et de la bonne conscience pétitionnaire, on finit par tout mélanger." 

Je crois, effectivement, qu'il y a eu des "mélanges". Assez vite - et la presse "de gauche", du type Libération, a choisi, du moins pour un temps, cet angle d'attaque - on nous a présenté l'initiative des plaignants comme une sorte de "complot d'extrême-droite". C'est peut-être le cas. Mais cela permet surtout de ne pas poser certaines questions. Le problème de fond n'est pas qu'il existe des parents "obscurantistes", "néo-pétainistes", ou d' "extrême-droite" - il en existe. Le problème est qu'ils aient pu se sentir autorisés à faire ce qu'ils ont fait.

Et de cela, le présent ministère, comme ses prédécesseurs, est évidemment responsable - en particulier du fait de ses attaques, répétées, contre la "liberté pédagogique" des enseignants (diluée dans des "projets" - qui doivent être, sinon définis, du moins adoptés en conseil d'administration, et dans la conceptions desquels les parents (fussent-ils "obscurantistes", etc.) et les élus locaux (fussent-ils, etc.) peuvent intervenir). La "liberté pédagogique", ce n'est pas - quoi qu'en dise un ancien ministre, qui range, frauduleusement, les enseignants dans la catégorie des "professions libérales" - le droit de faire "tout et n'importe quoi". Historiquement, cette "liberté" a été instaurée, et définie dans des textes réglementaires, pour protéger les enseignants contre les arbitraires et autres lobbies locaux. Si on la rogne, ou la supprime - comme il apparaît qu'on veut faire - il ne faut pas s'étonner de l'intervention de M. le Maire, M. le Député, M. le Curé... ou encore de M. le responsable de la section locale du FN, entre autres, dans le contenu des enseignements.

Soyons logiques. 

"Mais par retour, ce qui est réjouissant, c'est qu'un non-lieu ait été prononcé et que l'enseignant n'ait été l'objet d'aucune sanction professionnelle." 

Qu'il ait interpellé sur son lieu de travail, et pour l'avoir fait, ni plus ni moins, ce n'est visiblement qu'un "coup malheureux". Et l'on nous dira bientôt que la démocratie en sort grandie ! M. Séonnet n'en est pas si loin, quand il se félicite de ce que la "mobilisation" des uns et des autres ait rendu possible l'élémentaire application du "droit".

"Réjouissons-nous, bon sang ! Nous sommes dans un pays de droit, et le droit, cette fois-ci, a encore eu force de loi !" 

Je ne vois vraiment pas ce que serait un "droit" qui n'aurait pas "force de loi". 

"Au nom de quoi cette conception d'un enseignant seul maître à bord ! D'un enseignant qui n'aurait à releve