Qui est l'ethnologue ?
L'ethnologue est un observateur des hommes en société.
C'est "celui qui fait émerger la logique propre à telle
culture". Il regarde, il prend note d'une réalité qu'il
transforme par son regard. Il recense des faits, des situations, des coutumes,
des mythes, des gestes quotidiens... On peut le considérer comme
le gardien d'une société, une sorte de receleur peut-être,
ou le voir aussi comme le dilapidateur d'un savoir qu'il dilue et dissèque
dans ses ouvrages. L'image de l'ethnologue est souvent associée
à celles des sociétés dites exotiques et lointaines
qui font rêver souvent, et qu'il a longtemps exclusivement étudié.
Aventurier, touriste déguisé, vagabond voyageur, chercheur
ou voyeur, qui est-il vraiment ?
Aujourd'hui, l'ethnologue a du s'adapter aux transformations du monde.
De plus en plus présent dans nos sociétés modernes,
on peut le croiser arpentant les macadams des métropoles, ou dans
nos campagnes toujours en quête du caché, derrière
l'apparente banalité des choses, derrière l'écrasante
et parfois absurde réalité. Quel rôle désormais
s'offre à lui, quelle place peut-il occuper dans les sociétés
industrielles, quel regard peut-il apporter ? Qui écoutera ce qu'il
a à nous dire ?
L'ethnologue est un être mystérieux, méconnu, tout
comme l'est sa discipline qu'on a du mal à identifier, à
cerner. Le miroir qu'on lui renvoie, et l'image qu'on a de lui sont porteurs
d'un malentendu, car personne ne sait vraiment, au fond, ce qu'est un
ethnologue. N'y a t-il pas là, quelque chose de paradoxal ? Ainsi,
alors que l'ethnologue s'efforce de cultiver et d'étudier l'altérité,
tout en décryptant la réalité, la rendant plus lisible,
il est un personnage trouble voire inexistant, aux yeux d'un public, qui
ignore souvent son travail.
Etre un apprenti-ethnologue s'est tenté de suivre ses traces, lui
qui ressemble tant à un caméléon qu'on ne sait plus
parfois le distinguer de son environnement. Peut-être, en définitive,
l'ethnologue aime t-il à cultiver le secret.
Un mémoire pour quoi faire ?
Se lancer dans un travail de recherche qu'on espère rigoureux donne
le vertige. Parfois c'est un vertige merveilleux qui stimule, parfois
c'est un vertige douloureux qui rend inquiet. On avance sans trop savoir
vers quoi l'on va, sachant pourtant par intuition qu'on touche quelque
chose d'important du bout des doigts. Mais comment justement donner forme
à ce quelque chose ? On perçoit un univers qu'on découvre
lentement, dont il faut apprendre la langue pour comprendre ses rouages.
Ainsi, on tâtonne beaucoup. Une grande partie du cheminement est
un long tâtonnement. On trébuche, on hésite, surtout
on pose beaucoup de questions. La réalité se fait multiple
et fuyante. Se joue t-elle de nous ? C'est presque une tâche impossible,
de vouloir ordonner tout cela, ce réel si riche, qu'il faudrait
le conjuguer au pluriel. Et comment savoir si l'on se trompe, si ce qui
nous arrête n'est pas le plus insignifiant ? Cependant, il y a des
signes qui nous guident, des hasards heureux, des rencontres...
C'est pourquoi, dans un cursus universitaire, la réalisation d'un
mémoire est une étape importante. L'occasion est offerte
de mener à terme un projet personnel. C'est un travail de longue
durée aux enjeux multiples.
Concevoir un mémoire est un travail de réflexion et de construction
qui permet dans un premier temps de faire le point sur ce qu'on sait,
sur ce qu'on ne sait pas encore tout en mesurant le chemin parcouru et
à parcourir, bref c'est la possibilité d'effectuer le bilan
des enseignements suivis et des connaissances acquises. Mais c'est aussi
une mise à l'épreuve, mise à l'épreuve théorique,
et expérience du réel à travers l'élaboration
d'une expérience de terrain (plus ou moins modeste, selon ses moyens...).
La rédaction d'un mémoire est également l'occasion
de réfléchir sur l'anthropologie contemporaine tout en s'interrogeant
sur son propre engagement dans la voie de la recherche ethnologique :
que nous offre t-elle, que peut-on lui apporter et de quelle manière
?
Qui est l'écrivain?
L'écrivain dans l'atelier, l'atelier dans la ville. Autant d'espaces
à investir. S'intéresser à l'atelier dans la ville,
en tant que lieu dans un territoire particulier c'est s'intéresser
également aux politiques de la ville, aux politiques culturelles,
aux partenaires, aux pouvoirs publics, locaux, aux institutions. L'atelier
est un micro-espace, un espace possible de respiration, un espace à
la fois clos et ouvert. Voire une sorte de contre pouvoir, peut-être,
dès qu'il s'aventure sur le terrain du social, et dépasse
les limites imposées par les politiques culturelles.
Après cette tentative de définition, je me suis intéressée
à l'écrivain dans l'atelier. Car si l'écrivain est
"un professionnel des mots" , est-il cependant apte à
animer un atelier d'écriture ? Que se passe t-il de particulier
dans un atelier mené par un écrivain ?
Quels regards portent les participants sur l'écrivain-animateur
? Et le terme même d'animateur convient-il pour désigner
l'écrivain ? L'atelier apparaît comme la partie visible d'une
entité plus vaste. Il est lié à une conception globale
de l'écriture et rejaillit sur l'écriture personnel des
écrivains. Dans l'atelier, c'est la présence physique, le
corps de l'écrivain qui se trouvent en jeu, bien plus que son oeuvre
même. Qu'en résulte t-il ? Assiste t-on à une désacralisation
de l'écrivain et/ou de l'écrit ?
L'écrivain dans l'atelier c'est aussi l'écrivain au milieu
d'un groupe d'écrivants qui vont produire des textes. Qui sont-ils
? Quelles relations vont se nouer, quel est le statut de ces textes ?
Que va t-il naître de cette expérience interactive ? Et quelle
est cette écriture produite ? Comment l'appréhender, comment
la situer ? Se pose aussi la question de la diffusion éventuelle
de ces écrits. Pour qui ? Comment ?
N'y a-t-il pas plusieurs écritures ? L'atelier n'est-il pas une
conjugaison de pluriel, une multiplicité de figures et d'expériences
?
Si on analyse les pratiques des écrivains, deux tendances au moins,
en apparence, s'affrontent, celle des écrivains qui souhaitent
redonner la parole à ceux qui se taisent, qui tendent vers le social,
vers la création de lien social et celle de ceux qui veulent dépasser
la sphère de l'intime, des blessures personnelles, du témoignage,
pour aller au delà, emmener les participants vers le récit,
les faire sortir d'eux même. Cependant ces deux tendances peuvent
se compléter, être des étapes d'un parcours à
accomplir vers la Fiction, vers le Silence nu, contre le murmure incessant
et perturbateur du monde. Ainsi l'atelier oscille sans cesse entre le
dit, le non-dit et l'écrit.
L'écriture dans l'atelier occupe certes, une place importante,
mais qu'en est-il de la parole ? On parle beaucoup dans l'atelier, parfois
plus qu'on écrit. On lit, on commente, on questionne, on doute.
Plus que jamais, il faut-il dépasser l'opposition trop simpliste
écrit/oral pour mieux appréhender leurs liens. S'intéresser
au rapport au langage qui est aussi rapport à l'humain et au monde.
Et dans l'atelier quelle est la place de l'auteur ? S'interroger sur l'écrivain
dans l'atelier c'est aussi réfléchir sur le statut de l'auteur
en général.
Bien entendu, cette nouvelle pratique permet d'interroger la place qu'occupe
l'écrivain dans notre société. On peut imaginer que
l'atelier d'écriture inscrit l'écrivain au coeur de la cité
et redessine les rapports que celui entretient avec la société
( et réciproquement). L'écrivain engage quelque chose de
lui même dans la pratique de l'atelier. Est-il pour autant un écrivain
engagé ?
Et si les pratiques de l'atelier semblent être à première
vue, une réassurance du métier ou du statut d'écrivain,
qui se définit ici par rapport à un groupe de non-écrivains,
qu'en est-il exactement ? Au contraire, n'y aurait-il pas là facteur
à confusion ? Car finalement derrière toutes ces questions,
une interrogation ne cesse de réapparaître, à savoir
: "Qui parle ? Qui écrit ?"
L'atelier révélerait-il tout en brouillant les pistes ?
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