Bernard-Marie Koltès / "petit papier indigne" |
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la lettre ci-dessous a été reproduite dans le numéro de la revue Etudes Théatrales (université de Louvain) : "Bernard-Marie Koltès au carrefour des écritures contemporaines", décembre 2000 - elle accompagne une étude de Patricia Duquenet-Krämer (université de Kassel), dont nous reproduisonsà la suite, avec son autorisation, le fragment concernant cette lettre |
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Patricia
Duquenet-Kramer : "Un théâtre de l'insolence poétique
: le bloc didascalique dans les pièces de Bernard-Marie Koltès" Même dans les pièces dites de la maturité, Koltès garde un goût prononcé pour une sorte de "recyclage" fictionnel, voire intertextuel, qui consiste à fabriquer du neuf avec du vieux: si on examine par exemple les noms que portent les personnages de Combat de nègre et de chiens, dont l'action se situe "Dans un pays d'Afrique de l'Ouest, du Sénégal au Nigeria, un chantier de travaux publics d'une grande entreprise étrangère", on est d'abord frappé par leur étrangeté: "Horn, soixante ans, chef de chantier, ALboury, un noir mystérieusement introduit dans la cité, Léone, une femme amenée par Horn." Cette dernière est la seule à évoquer une impression de "déjà entendu": Léonne/Lionne. "Cal, la trentaine, ingénieur". Koltès ne donne pas d'autre indication "didascaliquement directe" sur les personnages. Par contre il semble donner quelques pistes dans les didascalies page 8 ("le chaCAL fonce sur une carcasse mal nettoyée, arrache précipitemment quelques bouchées, mange au galop, imprenable et impénitent détrousseur, assassin d'occasion... Pendant le long étouffement de victime, dans une jouissance méditative et rituelle, obscurément, la LIONNE se souvient des possessions de l'amour"). Pourtant j'ai tout lieu de penser que ces noms sont eux aussi le produit d'un jeu de reconstruction. Quand il travaillait à une pièce, Koltès rassemblait beaucoup de documentation, ici en l'occurrence sur des noms de couleurs, et, accessoirement, dans la même lettre, il demande à vérifier les noms de personnages de l'édition originale d'un roman de Jack London : La taverne de la dernière chance. Il s'agit de John Barleycorn. Et hormis un "u" qui manque, on peut composer les quatre noms à partir des lettres contenues ici :
Dans Retour au désert, l'ambigïté du jeu entre réel, fiction et matériau intertextuel est pour ainsi dire levée, car les éléments de concret retravaillé sont si ouvertement présent qu'ils "crèvent les yeux", à tel point d'ailleurs qu'on finit par ne plus les voir. Inutile donc bien que ce soit tentant de se livrer à de profondes et savantes réflexions sur les évocations mythiques suscitées par l'image du serpent, puisque le notable s'appelant Serpenoise doit son nom tout simplement à une rue de Metz, la ville natale de Bernard-Marie Koltès. Dans Combat de nègre et de chiens et Quai Ouest, le bloc didascalique devient à la fois véhicule et support de l'action dramatique, se transformant ainsi en instrument de la double fiction théâtrale. Trois éléments sont absolument déterminants: les précipitations (vent, pluie, grêle...), la température (avec une place prédominante de la dialectique chaud/froid), et surtout, mais ce n'est pas vraiment nouveau, la lumière ( mettant en scène l'opposition irréductible fondée sur l'ombre et la lumière). |